Premier voyage en mer [Hava]

Alors qu'ils etaient en train de discuter tranquillement, le cri d'Hava les fit lever la tete simultanément. Si Aryan gardait son air calme habituel, Vera, elle, se mit aussitôt en tension. Elle bondit depuis le pont supérieur ou se trouvait la barre, la laissant a l'ange, et se précipita vers le mat en haut duquel se trouvait la démone. Rien ne devait etre laissé au hasard, en pleine mere, la capitaine savait ça mieux que personne.

- Hein, tu as vu quoi chérie ??

Elle avança encore, les sourcils froncés pour essayer de voir...mais rien qu'une vague classique qui fit rouler le bateau du haut vers le bas, causant un fracas important au dessus de sa tête. Visiblement, Cornue avait chuté de son perchoir. Ah, le vent c’était une chose, mais contrôler la mer était une toute autre histoire. Certain n'y parvenait jamais vraiment en une vie entière. Tous le monde ne pouvait pas se vanter d'avoir le pied marin.

- Ça va ? Bon sang tu m'as fait peur, j'ai cru qu'on fonçait vers un obstacle. Je viens pas souvent par ici mine de rien.

Elle la regarda sauter sur le pont, avec souplesse et une certaine puissance se dégageant de ses mouvements, alors qu'elle se réceptionnait sur le bois. Elle soupira et lui tapota la tête comme pour lui dire qu'il n'y avait rien de grave. Elle écouta la question et eu un petit rictus amusé.

- Héhé, tu veux le savoir hein ? C'est mystérieux n'est ce pas ? Viens.

Elle fit demi tour et se dirigea vers la barre, sans monter le niveau pour l'atteindre, plutot pour se diriger vers la trappe menant vers la cabine principale ainsi que la cale. Elle lui fit signe d'attendre la et disparut dans les entrailles du navire. Ayran, toujours a la barre juste au dessus, et observa sa chere Hava des yeux.

- Fais attention quand même, tu es résistante, mais pas immortelle, n'est ce pas ? Une chute d'assez haut pourrait te briser la nuque. Je serais très triste.

Dans son regard argenté qu'il enfonça dans celui d'Hava, même ainsi éloigné, il avait assez d'impact pour qu'elle sente a quel point, en effet, il le serait. Elle était une partie de lui maintenant, plus qu'il n'aurait pu y penser jusque la. Plus encore qu'il ne s'en rendait compte actuellement.

- Me voilà me voilà !

La voix de Véra alors qu'elle grimpait a l'echelle permettant de descendre. C'etait un bateau vraiment pas adapté pour les passagers. Quelqu'un n'etant pas capable de grimper une échelle de corde branlante ne pouvait meme pas accéder a la soute du bateau. Elle tenait un sac de toile entre les dents en grimpant pour ne pas qu'il gene ses mouvements, et se retrouva de nouveau sur le pont a coté de la peau rose.

- Alors tu avais raison pour les étoiles et le soleil. Ca aide a indiquer la direction et pour les voyages les plus classiques, ou nous connaissons par cœur le trajet, il n'y a pas besoin de plus. Mais si on s'éloigne ou qu'on ne connaît pas...tadaaa.

Elle sortit du sachet une boussole et un sextant, tous les deux abimés par la houte qu'ils avaient du affrontés depuis plusieurs décennies. Des objets anciens, intimes, qui avaient du accompagner tous ses voyages depuis toujours.

- Ce sont mes trésors ! Attention a ne pas les abîmer !

- Ils sont déjà tous rouiller, Vera....Hava, c'est un peu compliqué a comprendre, comme fonctionnement, comme ça. Mais si tu veux, je te montrerais plus en détails plus tard. Nous allons bientôt arriver.

Vera afficha une moue déçue, mais il avait raison, on n'apprenait pas a se servir de ça en un tour de main. Elle était déjà contente de lui montrer les objets en eux meme.

Voyage en mer

Je suis Vera sur quelques pas mais je m'arrête quand elle entre dans les entrailles de bois. Je ne veux pas descendre et ça n'a pas changé. Alors je recule jusqu'au milieu du pont et regarde plutôt les quatre chevaux qui sont moins tendu que je l'aurais cru. Ils ont confiance.

Aryan, lui, a moins confiance. Mais il a eu peur. Je soutiens son regard, un peu penaude.

- Je ne suis pas née. Je ne mourrai pas. " lui souriais-je tout de même en m'efforçant d'être convaincante.

A vrai dire je n'ai aucune certitude de ce qui se passerait si on me brisait la gorge ou si on me poignardait au cœur. Surtout maintenant. Avant, je pense pas que ça aurait été trop grave. Là je sais pas. Je sais juste que je n'ai pas peur du vide et que ça n'a jamais été le cas.

Pendant ce temps, Vera revient avec des objets étranges.

- Je fais attention, promis.

Malgré notre arrivée prochaine, j'ai tout de même le temps de les manipuler un peu. D'en toucher le métal usé et d'observer l'aiguille qui ne change pas de direction. C'est magique ! ... Enfin Aryan et Vera me détrompent. Visiblement les aiguilles en métal s'orientent toutes vers un même en droit quand on les laisse flotter, sans qu'on s'explique pourquoi. Une règle de la nature en somme. Parfois, elles sont saugrenues.

Puis nous arrivons suffisamment près de la terre pour que de nouvelles manœuvres soient nécessaires. Vera se retrouve aspirée par ce qu'il faut faire et je les observe, elle et Aryan, manipuler cet étrange amoncellement de bois qui permet aux humains de traverser cette étendue d'eau infinie.

Moi ? Moi je me suis assise à l'avant, à côté du hongre qui avait bien voulu s'allonger, lui caressant la tête. Là, du côté de la terre, je vois des choses que je n'avais jamais vu avant et pour le moment je ne suis pas pressée de les découvrir. Je suis un peu... perplexe ? Il suffisait de ça ? Quelques heures et voilà que nous sommes à un endroit totalement différent de mon monde... En fait, ce que je croyais être une limite n'est rien d'autre qu'un obstacle pour ceux qui, comme moi, ne sont pas destinés à savoir. Seule, j'aurais pu vivre un millier d'hiver sans que cela n'arrive. Et pourtant Aryan m'amenait ici...

Et comme si de rien était j'ai traversé la mer sur un bateau humain en discutant avec une humaine que je ne connais qu'à peine et je n'ai pas eu peur.

Je change. Mon monde change. Alors... que restera-t-il de moi d'ici quelques semaines ? Quelques printemps de plus ? Je redeviendrais celle que j'étais, ou je serai quelque chose de nouveau ?

Enfin, le navire s'immobilise et je n'ai pas bougée. Doucement, à genoux à côté du bastingage, je me retourne pour regarder le paysage avant qu'on ne me demande de remettre les chevaux en ordre de marche. La terre est inhabituellement plate... a peine vallonnée. Et les arbres... A la fois plus denses et différents que les pins que je connais si bien. Loin de leur naturelle couleur argent, ils sont aussi vert que la jungle inextricable du sud. Chaque odeur et chaque son me semble différent.

Alors que je regard, les bras croisés sur la rambarde et le menton posé dessus, ma queue s'agite de gauche à droite avec autant de régularité qu'un métronome.

C'est une aventure...

Je me lève avec cette idée et aide mon ami hongre à remonter sur ses jambes. Chaque équidé reprend sa place à l'avant de la roulotte et l'opération que nous avons fait à l'aller est refaite maintenant pour leur faire gagner la terre ferme. Ils sont tendus. Leurs jambes tremblent un peu lorsqu'elles foulent le sol. Et moi je suis derrière au lieu d'être devant cette fois. Depuis l'une des passerelles, je les observe, puis observe les cailloux.

C'est une aventure.

Je peux découvrir de nouvelles choses, aussi étranges seront-elles. Et puis avec Aryan, ça peut prendre du temps vu qu'il n'est pas aussi fragile que la plupart des humains. Si j'ai besoin de temps, il comprendra. Oui. J'en suis sûre.

Mon pied griffu se pose sur les cailloux de la berge... Et sent la terre rendue plus dure par le froid mais également plus humide que ce à quoi je suis habituée. Son odeur est lourde et son toucher gras. En me redressant je prends soudain conscience d'autre chose et cherche Vera des yeux.

- Tu ne viens pas, hein ? Tu vas rester sur l'eau et je ne te reverrai plus ?

CENDRES

Aryan n'avait pas eu tant a faire. Véra maitrisait son batiment a la perfection, ne laissant absolument jamais rien au hasard. Il suivait un peu le mouvement, sans se mettre dans son chemin pour ne pas lui faire perdre du temps, l'observant attentivement, laissant Hava de coté pendant une petite heure. Il trouvait fascinant la grâce et la souplesse que pouvait avoir cette femme pourtant assez rustre de prime abord. Elle devenait littéralement une autre personne.

Il approcha du bastingage pour jeter un œil vers la terre. C’était amusant de constater qu'il faisait plus frais après simplement une petite journée de bateau. Moins que ça même. Il devait etre la fin de l’après-midi, ils avaient embarqués a l'aube. Dorénavant, ils étaient plus proche du nord, et les montagnes influaient directement les températures locales. Si ils décidaient de s'y rendre, ils allaient affrontés des intempéries plus féroces encore. Mais ce n’était pas d'actualité.

- Hava, on va déscendre, prépare les chevaux.

La manœuvre fut plus aisé qu'a l'aller. Quand le premier toucha terre, il sembla si soulager qu'il accéléra et tira littéralement ceux derrière qui, une fois a terre, l’imitèrent. Ainsi, en une poignée de minutes, ils avaient réussit a libérer le bateau qui sembla jaillir de la mer, comme libéré d'un poids. Cela ne s’était pas si mal déroulé, finalement. Il était cependant content d'en avoir terminé.

- Oh, tu es triste poussin ?

C’était la voix de Véra, et Aryan tourna la tête pour écouter sans déranger la discussion. Il n'avait pas imaginé qu'elle pouvait être triste de quitter la capitaine, mais en même temps, c’était une émotive, alors il n’était pas si surpris que ça. Véra était toute souriante et s'approcha de la peau rose.

- Et bien oui, je n'ai rien a faire vers Melorn. Et de toute façon, si je voulais y aller, j'aurais débarqué a Ikusa et m'y serais dirigé avec un convois protégé. Quand je ne suis pas sur mon bateau, je suis très maladroite.

Elle leva la main et caressa gentiment et affectueusement la joue de la démone, avant de reculer vers son bateau, toute sourire.

- Tu sais, les voyages, ça va, ca vient. On ne sait jamais ce qui nous attends, sur qui on va tomber. On se reverra peut etre avant d'avoir pu dire « ouf ». Ou peut être que c'est la dernière fois que nous nous croisons. C'est un peu ça qui met du sel dans la vie, tu ne trouve pas ?

Elle se pencha, l'embrassa sur le front, et sauta sur le pont avant de tirer la planche. Puis elle se redressa et lui fit des grands signes de la main.

- Mais mon bateau est a ta disposition ! Sache que si tu as besoin, dorénavant tu es une amie. Alors passe me voir a Ikusa ou bien a Kaizoku ! Je t'accueillerais comme une reine, chez moi !

Aryan s'approcha d'Hava et lui caressa gentiment les cheveux alors que le bateau commençait a s'éloigner du rebord. Elle voulait s'éloigner au maximum avant la nuit, visiblement, et eux aussi devait avancer pour pouvoir monter un campement plus proche des arbres, histoire de pouvoir faire un feu.

- Adieu Véra, je viendrais te voir un de ces jours.

Nouveau grands signes des bras, et finalement le bateau commença a nouveau a glisser vers le large, vers la prochaine destination des aventures de la navigatrice. Aryan regarda le batiment s'éloignait et devenir de plus en plus petit.

- Tu es triste ?

Voyage en mer

Lorsque Vera essaie de m'embrasser sur le front, je me dérobe. La caresse sur ma joue n'avait déjà pas été très agréable alors je n'ai pas envie de plus. Je lui sourit pourtant, je ne lui en veux pas. Juste, je le sens pas comme ça. Et bon, je crois qu'elle ne m'en veut pas non plus.

- Merci pour le bateau et pour ton chez toi ! J'ai eu un peu peur mais finalement ça va ! C'était bien de te connaitre !

Je lui fait un grand signe de la main quand elle remet le bateau en branle et la regarde s'éloigner, de nouveau seule sur le pont. J'ai du mal à l'imaginer maladroite quand je la vois comme ça, mais je la crois. Elle sait mieux que moi. D'ailleurs, finalement, elle ne devait pas avoir si envie que ça de moi, rien ne s'est passé et elle est très heureuse.

Mes oreilles se couchent pas réflexe lorsqu'une main me tombe sur la tête, avant de se redresser en reconnaissant le toucher d'Aryan. Je laisse ma tête se poser contre lui pendant que nous regardons le navire s'éloigner. J'ai fait une nouvelle chose incroyable aujourd'hui et appuyée contre lui, je respire pour l'intégrer, laissant aller les émotions qui tourbillonnent encore. Les miennes.

- Je sais pas... Je crois pas.

Je continue à regarder le navire sur la mer bleu-gris. J'avais déjà vu des cristaux de cette couleur là près de ma forêt. Rien de ce que j'avais sous les yeux ne m'évoquait de tristesse. Par contre, je repensais aux cueilleurs de champignons.

- Il y a de très nombreux hivers, dans l'une de mes nuits solitaires, un homme aux cheveux blond est venu. Nous avons parlé sans repères, il a quitté cette clairière et plus jamais je ne l'ai revu. Après de très nombreux hivers, j'ai pensé à son regard clair, j'ai cherché sa maison perdue. Mais dans l'alcôve de sa tanière, seuls ses os gisaient en terre, rien ne restait de ce qui fut.

Les mots avaient coulés naturellement, comme une comptine maintes fois chantée. Je ne me suis pas éloignée d'Aryan et pour ajouter quelque chose de sérieux et d'important, je relève la tête en arrière pour le regarder par dessous.

- Il cueillait des champignons. Les humains ne vivent pas longtemps.

Je regarde à nouveau l'horizon paisible. Vera aussi est humaine. Le temps que je pense à aller la voir, elle sera sûrement morte alors je profite de la forme de son navire encore un peu. Et tandis que mes souvenirs de la journée s'ordonnent et se déposent, je me détourne finalement pour passer souplement derrière Aryan et me tourner vers cette tête étrangère et étrange. Dos à dos, je regarde un moment ces arbres que je ne reconnais pas. Cette saveur froide dans l'air si différente de celles des sommets au-dessus des pins.

- C''est une aventure... " murmura-t-elle avant d'ajouter plus haut. " Qu'est-ce que tu voulais vérifier quand nous serions tous les deux ?

CENDRES

Il resta silencieux un petit moment, la laissant tourner devant, derriere lui, ne lui répondant pas vraiment, les yeux fixés sur le bateau. Sensation étrange au creux de la poitrine que de se dire que la vie flamboyant sur ce mono-mat pouvait simplement disparaître dans un souffle, dans un murmure. Il le savait et pourtant, étrangement, aujourd'hui, cela fit plus d'écho qu'habituellement dans son cœur. La vie ne tenait qu'a un fil.

- ...C'est vrai. Les êtres vivants en général. Une année ou deux milles ans, pour le monde, ce n'est qu'une poussière. Que nous soyons ensemble une seconde ou une éternité, il faut en profiter. De chaque instant.

Il avait bien écouté l'histoire qu'elle avait raconté, et se demanda si c’était quelque chose de vrai. Qui lui était réellement arrivée ? En tout cas, c’était plausible, mais ça voulait bien dire qu'elle avait une très bonne mémoire de sa vie. Il en fut un peu jaloux. Il aurait bien voulu pouvoir se remémorer de choses longtemps enfouit. Et il espérait que ça allait finir par revenir.

- Ah oui ? J'ai dis ça ?

Il songea a son idée et la regarda. Est ce que c’était vraiment le bon moment ? Très clairement pas. Il ne pouvait même pas dire si son idée était parfaitement faisable. Il en savait si peu sur elle, après tout. Couper sa sensation d’autrui a volonté. Voila ce qu'il voulait faire. Qu'elle puisse vivre sans être une éponge a émotion. Mais en même temps, ça avait l'air d’être une forme de nourriture pour elle.

Elle avait une petite expression faciale qu'il parvenait a reconnaître désormais, quand l'action d'avaler une émotion intervenait. Est ce qu'elle en était seulement capable ? Et si elle le faisait, son corps allait il marcher différemment, ne plus marcher du tout ? Si elle pouvait le faire, au moins temporairement de temps en temps, comme pour enfin sentir ce qu'elle était réellement sans être pollué par les alentours.

- On ferait mieux de bouger pour l'instant. Même si les chevaux sont un peu fatigués, allons un peu plus loin vers la foret la bas.

Il se détourna finalement de l'eau. Cette brève aparté durant leur voyage terrestre avait changé l'ambiance, modifié leur quotidien. Ça avait été agréable. Et maintenant ils partaient pour une nouvelle aventure. Pour la première fois, ni lui, ni elle, n’était sur un terrain connu, même de loin. Une vraie aventure, une vraie découverte pour eux deux. Il la regarda de profil et sourit.

- Mais faisons un câlin d'abord. Pour célébrer.

Il n'en demandait pas souvent, quasiment jamais, bien qu'il aimait ça. Il se retourna vers elle et ouvrit les bras simplement, pour l'accueillir et la serrer fort contre lui.

Oui, chaque instant était un plaisir, qu'il fallait savourer au maximum.