Le mage jura dans sa barbe. Bordel ! Pourquoi était-il revenu ? Il y a une huitaine, il a manqué de se foutre dans une sacrée merde, en persistant à demeurer sur place malgré le retard du livreur, et qu'il avait bien failli finir en taule républicaine, ou pire, massacrer par les sbires du chien du Razkaal qui s'était trouvé présent. Finir au Razkaal... il en frémit rien que d'y penser. Et encore, on l'aurait cuisiné avant pour savoir ce qu'il menait comme opération dans le coin... et toujours dans les mains d'un Limier. Il frissonna quelques secondes en s'imaginant dans les mains de l'autre là qu'il avait croisé, le voyant prendre un malsain plaisir à farfouiller dans ses chairs, à jouer les débiteurs minutieux sans toucher à des organes vitaux.

Il chassa cette image, que son esprit tendu avait sorti de ses noires imaginations. Il n'y avait pas de raison que cela se passe mal non ? Ce Limier ne cherchait qu'à se fournir en champignons étoilés, pour sa consommation personnelle, à ce qu'il avait balancé. Il serra la petite cassette en bois de noisetier qu'il planquait sous sa cape. Elle était toujours bien là, bien verrouillé. Genre, comme si elle allait se battre à toutes jambes, dans le noir, à travers ce putain de brouillard !

Il était revenu à Sombrelac, se planquant dans un recoin d'une venelle qui contournait le petit centre du patelin. Revenir sur les lieux d'un "crime" pouvait être assez étrange, voir même imprudent.

*Carrément stupide même *

En même temps, aucun des deux "partenaires" n'avait convenu d'un moyen de se contacter, d'un lieu de rencontre pour mener à bien cette petite affaire. Dans son empressement à vouloir retourner se planquer derrière la frontière reikoise, il avait totalement omis ces détails. Comment pouvait-il être certain que le Limier le retrouvera maintenant ? Question nouvellement stupide ! À cette rencontre, il avait eu cette sale impression d'avoir été épié tout le long de son voyage de retour. Il avait fait en sorte de changer plusieurs fois de voie, cherchant à voir s'il était réellement suivi, sans en avoir acquis l'assurance. Est-ce qu'un des sbires du Limier avait appris qu'il n'était pas un véritable mercenaire ? Le risque était conséquent, mais il avait opté pour ne pas se défiler. Les risques étaient élevés... Mais que serait la vie sans un peu de piment dans l'existence ?

*Abruti que je suis toujours à trouver des excuses ! Il faudrait vraiment que je cesse, hein ! *

Donc, en une huitaine, il s'était décarcassé pour retrouver l'autre péquenot de charretier, remonter jusqu'à son fournisseur, remettre un peu d'ordre dans tout ce bordel qui n'avait été qu'un fiasco total, en y mettant un peu de ses propres fonds pour se faire pardonner, et de révéler quelques informations acquises au sein de la République pour montrer patte blanche. Heureusement que ces trafiquants-là n'étaient pas "difficiles". Et bien entendu, il s'était bien gardé de narrer qu'il avait accepté de faire affaire avec le Limier qui leur était tombé dessus, tout en restant très sommaire sur comment il avait su en réchapper.

Bon, plus qu'à attendre. il faisait nuit, la brume envahissait petit à petit les rues et les environs. L'ambiance devenait tranquillement sinistre.