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  • Sam 11 Nov - 15:26
    William n’avait pas vraiment une famille aimante.
    Pas qu’il se plaignait, en réalité. Son père -certes alcoolique- s’était octroyé, de par sa passivité toute relative, le mérite de ne pas avoir la main leste avec sa femme comme avec son fils. Il se contentait en général de rouler sous la table dès son retour de la ferme, ce qui ne manquait jamais de déclencher chez sa dame une crise de larme incompréhensible que William se voyait contraint d’observer et de supporter avec un mélange de stupeur et d’inquiétude. C’était triste, malheureux même, mais y’avait pire. Son ami de l’école, Lorn, débarquait toujours couvert de bleu et quelques dents lui manquaient déjà, la faute aux colères spectaculaires du vieux Gornel, le paternel de Lorn, qui ne pouvait s’endormir correctement sans passer à tabac l’un de ses deux garçons. La mère des jumeaux était morte en “tombant des escaliers” depuis belle lurette et personne ne doutait que lesdits escaliers avaient la forme des phalanges couvertes de cornes du vieux Gornel. William n’était donc pas si mal, avec un père simplement trop faible pour refuser un verre ou deux à la fin du boulot.

    Cependant, même si il avait conscience de sa “chance” toute relative, le gamin -qui, à seize ans, n’en était plus vraiment un- ne pouvait s’empêcher, de temps en temps, d’échapper au climat anxiogène régnant dans la maisonnée familiale en prenant la poudre d’escampette, direction la forêt larmoyante. Le coin -sauvage mais relativement tranquille- portait en effet bien son nom car, depuis ses dix ans, William avait nourri le sol boueux du bois éternellement humide de ses larmes salées. Avec le temps, la forêt était devenue plus qu’un simple refuge. Le gosse l’avait presqu’élevée au rang d’amie véritable car, personne d’autre qu’elle n’avait jamais su écouter son chagrin et ses plaintes en silence. L’ami Lorn, qui n’était pas loin d’être aussi colérique que son vieux père, pensait que les larmes étaient réservées aux femmes et qu’un homme, un vrai, se devait de toujours encaisser et de rendre les coups, mais comment Will’ était-il donc censé rendre les coups, alors qu’il n’en recevait aucun? Le creux dans son coeur, cette douleur trop lourde à porter, ne semblait connaître aucun remède, aucune solution autre que l’exploration forestière et les longues conversations avec soi-même.

    Alors Will s’enfonçait toujours plus dans ces bois perdus. Il disparaissait au soir, dans l’indifférence générale, quittait le village pour rejoindre la route, puis quittait la route pour rejoindre un sentier perdu dans les hautes herbes, et finalement atterrissait ici, au milieu de nulle part, dans ce bois qui semblait aussi paumé et oublié que lui. Parfois, le gamin ne revenait qu’au lendemain. Surpris par la pluie, il s’abritait sous un feuillu et s’enveloppait dans sa cape déchirée jusqu’au petit matin. Abruti de fatigue, il grimpait en haut d’un pin pour s’endormir sur une branche et se réveiller couvert d'épines, aux premières lueurs timides d’un soleil ne parvenant jamais à toucher le sol de la ténébreuse forêt.

    Bien sûr, William avait conscience que quelques prédateurs rôdaient aux alentours. Les histoires de disparition en milieu forestier ne manquaient pas, sans compter les “découvertes” macabres au détour d’un sentier. De temps en temps, des chasseurs ou des gardes passaient par le village, à la recherche d’une colonie naissante de Géomi, d’un griffon mal luné ou d’un lycanthrope enragé. A chaque fois, leurs yeux finissaient invariablement par se porter vers la tâche verdâtre qu’était la forêt larmoyante, à l’horizon. C’était le repaire parfait pour les créatures sauvages. Un coin suffisamment sombre et reclus pour y faire sa tanière. Ils n’avaient pas tout à fait tort, d’ailleurs. Un soir, Will’ avait entendu la complainte glaçante d’une banshee, en s’approchant d’un puits abandonné, perdu à l’Ouest de la forêt. Jamais plus le gamin s’était dirigé de ce côté-ci. Trop risqué. Aussi peu instruit pouvait-il être, le fils de fermier savait ce que les spectres de cet acabit infligeait à ceux qui troublaient leur repos. Peut-être qu’un type plus costaud -ou plus bête- aurait tenté de braver le danger, mais, à quoi bon ? La Banshee ne causait de tort à personne, tant qu’on ne venait pas l’embêter. Et qui d’autre qu’un gamin perdu comme lui pouvait comprendre la triste et éternelle complainte d’une morte ayant trouvé refuge entre les branchages de cette forêt? Peut-être que l’après-vie aussi venait avec son lot d'embêtement.

    William gratta sa tignasse châtain d’une main aux ongles noircis. Cela faisait une heure, déjà, qu’il s’était enfoncé dans les bois. C’était plus tôt, bien plus tôt que d’habitude. Le travail s’était fini abruptement aujourd’hui. La roue gauche du chariot avait finalement lâché et les secousses ayant suivi avaient manqué de briser le dos au Gros Mioche, le cheval de trait de la famille. Le père était parti demander de l’aide chez les copains en donnant à son fils le droit d’arrêter le boulot pour aujourd’hui. Et maintenant il se trouvait là, crasseux, en sueur, mais content de retrouver son refuge.
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  • Sam 11 Nov - 15:26
    Depuis peu, William s’était mis en tête d’explorer un nouveau coin de la forêt. Son manque de courage l’empêchait en général de s’enfoncer là où l’eau coulait car, depuis toujours, le gamin avait une peur déraisonnée des Nagas et des horribles histoires ne manquant jamais d’accompagner leur foutu nom. Mais cette petite rivière n’était pas assez profonde pour abriter un monstre écailleux plus haut et épais que le vieux Gornel. Alors, après plusieurs jours de préparation et d’auto-persuasion, le gamin se sentait prêt.
    Il marchait le long de la rivière depuis une dizaine de minutes maintenant. Son lit avait clairement été asséché par la chaleur assommante des derniers jours et ni grenouille ni triton ne traînait dans les environs. A l’inverse, les moustiques pullulaient. William ne cessait de se frapper le cou et le front pour chasser les insectes affamés. La chaleur, mêlée à l'excitation de l'exploration et sa crainte pathologique des Nagas ne manquaient pas de couvrir son large front d'une sueur attirant fatalement tous les suceurs de sang des environs si bien que sans cette curiosité obsessionnelle pour tout ce qui touchait aux bois, le garçon de ferme aurait déjà rebroussé chemin pour échapper aux piqûres. Mais William était joueur, voire imprudent, aujourd'hui. La faute à cette ennuyeuse journée. Ses pas, rapides, déterminés, continuèrent donc à suivre le lit de la rivière. Il sauta par-dessus quelques fougères, surpris une volée de moineaux occupés à batifoler dans une flaque d'eau isolée, écarta les branches épineuses d'un amas de ronces rampant là où l'eau ne coulait plus, puis quelque chose le paralysa de stupeur.

    L'écho étouffé d'un plongeon. D'un objet ou d'une créature, suffisamment grande pour que son entrée dans l'onde cause remous et éclaboussures, loin devant lui, au détour de la rivière qui décrivait soudain un tournant abrupte pour passer en-dessous d'un mur végétal insondable.
    Son cœur se mit instantanément à battre la chamade. Ses battements allèrent jusqu'à ses oreilles, qui décidèrent d'occulter les bruits extérieurs pour se concentrer sur sa circulation sanguine.
    Il devait y avoir un lac de l'autre côté de ce mur de plantes. En contournant par la gauche pour escalader le talus herbeux, William -il en était certain- pourrait voir ce qui avait causé ce trouble soudain mais, était-ce une bonne idée ? Un instant, l'image d'une gueule de Naga, hérissée de crocs incurvés déjà ensanglantés par ses précédentes victimes se matérialisa dans son crâne. Il manqua de vomir tandis que la peur se faufilait dans chaque recoin de son corps pour le faire trembler tout entier.
    On racontait que ces monstres mangeaient leurs victimes encore en vie. Que leurs lames étaient enduites d'un poison qui paralysait sans tuer. Que leurs dents étaient faites d'os de cadavres d'enfants. On racontait toutes sortes de choses, au village. En particulier le fait qu'il était impossible de surprendre un Naga sur son territoire, ce qui impliquait que si l'un d'entre-eux se trouvait derrière le mur végétal, alors…
    Il savait déjà qu'un intrus retenait son souffle, ici.

    William, sur la pointe des pieds, opta pour le talus. Le garçon de ferme quitta le sillage de la rivière pour rejoindre la jungle d'herbe haute, s'allongeant presqu'en leur sein pour s'assurer de sa discrétion. Une fois au milieu des plantes, il commença à ramper en direction du lac supposé. La progression se fit lente, fastidieuse, puisque le jeune homme devait souvent s'arrêter pour contourner une branche un peu surélevée, une pierre coupante ou quelques racines entremêlées. D'autres bruits d'éclaboussures se succédèrent, comme si quelque chose nageait à la surface de l'eau. Un scolopendre aussi long qu'infame, dérangé dans sa chasse par les doigts crasseux du gamin, alla s'enfoncer dans sa manche. Le pauvret retint un juron et tapota de son autre main sur le point d'entrée de la bête jusqu'à ce que celle-ci cesse de remuer contre la peau de son bras. Il soupira. Sa lente avancée reprit son cours, encadrée par les clapotis de l'eau, de plus en plus proches.
    Finalement, elle se dévoila à lui, dans toute sa splendeur délabrée : une vieille baraque dévorée par la végétation, au bord de ce qui devait être un bassin ou un lac, impossible à dire de son point de vue. Elle était haute. Large. Plus riche, même dans son état actuel, que la ferme de ses parents. Ca ressemblait à une auberge, mais en mort.
    Et au sein de cette eau que l'antique demeure dominait, nageait une sirène.
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  • Sam 11 Nov - 15:28
    Naturellement, les petits yeux de fouine de William ne s’étaient jamais auparavant posés sur une sirène, pas plus qu’ils n’avaient eu l’occasion de vérifier si les légendes sur les Nagas étaient exagérées ou non. Cependant, pour un gosse qui, jusqu’à ce jour, n’avait pu apprécier que les formes replètes des fermières de son village, le doute n’était pas permis. Cette femme qui nageait -dans le plus simple appareil- avec tant de grâce et d’aisance au milieu des nénuphars et des joncs ne pouvait être qu’une sirène. Le sourire angélique qu’il croyait deviner sur ses lèvres, à chaque fois qu’elle s’arrêtait pour simplement flotter à la surface et parcourir de son regard bleu ciel les environs aqueux, ne pouvait appartenir au monde des humains, pas plus que son aisance évidente dans le domaine de la nage. Le rouge monta aux joues de William alors que son regard descendait le long du cou gracile pour s’attarder sur une poitrine aussi nue que ferme, à peine masquée par un rideau de longues mèches blondes et rousses.
    Oui, elle ne pouvait être qu’une sirène. Peut-être même une déesse.

    Il manqua de rebrousser chemin à cet instant, conscient que son intrusion -sans compter son observation- ne pouvait clairement plus être perçue comme hasardeuse ou innocente. Mais sa curiosité l’emporta de nouveau. Sans un mot, sans chercher à se présenter, il continua à ramper pour tenter de comprendre d’où pouvait bien provenir cette femme, pour s’assurer qu’elle était bien une sirène.

    Il glissa dans l’herbe et la terre, quittant -à contrecoeur- des yeux la dame des eaux. Son exploration lui permit de remarquer les vieilles planches d’un étroit pont de bois traversant le lac pour rejoindre un petit îlot, en plein centre. Risquant un coup d’oeil à découvert alors que la belle plongeait de nouveau sous l’onde, il découvrit que les vêtements de cette dernière étaient abandonnés sur cette petite plateforme naturelle. Les sirènes pouvaient-elles donc sortir de l’eau pour s’habiller comme de simples mortels?
    Il en était là de ses réflexions lorsqu’une autre vision, bien plus proche, s’imposa à ses yeux innocents.

    Et celle-ci n’avait strictement rien de beau.

    Son visage était figé dans une grimace indéchiffrable. La faute à ses orbites vides, ensanglantées, entourées de chairs tellement lacérées qu’elles lui évoquaient un plat de viande hachée. C’était un homme, lui aussi dans le plus simple appareil. Une ceinture autour du cou, serrée au point de devenir un garrot. Sa langue, bleuâtre, gonflée, pendait entre ses gencives pulvérisées par ce qui ne pouvait être une lourde lame ayant également ouvert ses joues jusqu’aux oreilles. Le pauvre type était mort, bien sûr. Asphyxié, William en était bizarrement persuadé, quand bien même son poitrail ouvert de l’aine à l’épaule laissait présager une autre option. On avait abandonné une arme aux côtés du cadavre. Une lame, semblable à une machette. C’en était peut-être une. Un garçon de ferme n’avait rien d’un expert dans ce domaine-ci.
    Soudain, l’odeur le heurta, l’extirpant de sa stupeur paralysante. Ca puait comme dans un nid de vipère, en mille fois pire. Ca sentait l’urine, la mort, la peur et le sexe. Un mélange âcre, révoltant, qui, mêlé au dégoût que lui procurait cette scène surprise, lui déclencha aussitôt une série de vomissements si frénétiques que ses côtes lui firent instantanément un mal de chien. Prostré, à quatre pattes dans ses propres régurgitations, incapable de se redresser sans de nouveau céder à la nausée, le gosse ne put qu’entendre, impuissant, les clapotis de l’eau se rapprocher de la berge, jusqu’à ce que ces derniers soient remplacés par les discrets bruits de pas de pieds nus foulant les herbes pour le contourner et continuer en direction du cadavre.

    Dans sa panique, William imagina avec une précision macabre la sirène se baisser pour ramasser la machette avant de se tourner vers lui. Puis un coup brutal, dans les côtes, le força à rouler sur le dos.
    Les yeux bleus ciels n’avaient plus rien d'attirant, désormais. Ce qui se trouvait en leur sein semblait bien trop laid pour appartenir à une race aussi gracieuse que les sirènes. Il n’existait pas de mèches rousses. Seulement une chevelure blonde, tant et si bien souillée de sang que même plusieurs plongeons n’avaient pas suffit à les nettoyer. Elle n’avait pas pris la peine de s’habiller, mais son corps nu, couvert d’une bonne vingtaine d'hématomes et de traces de lacérations, manquait maintenant singulièrement de charme.
    Et ce sourire. William avait envie de pleurer, simplement en le voyant. Simplement en devinant ce qu’il cachait.
    “-Tiens tiens tiens.” Salua la folle en approchant sa lame du visage d’un garçon de ferme. “Qui es-tu donc, petite souris?
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  • Sam 11 Nov - 15:39
    Au réveil, la première chose qu'il perçut fut le désagréable et continu crissement de l'acier contre la pierre. William ouvrit ses yeux en prenant par la même occasion conscience qu'ils avaient été fermés jusqu'à cet instant. Ses paupières clignèrent plusieurs fois avant que son esprit traumatisé ne comprenne qu'on l'avait amené dans une sorte de caveau au plafond de bois mais au sol et aux murs taillés dans la roche. La pénombre était omniprésente, puisqu'aucune source de lumière naturelle ne régnait en ces lieux. Seule une lanterne, posée aux pieds de l'unique autre occupant des lieux, chassait les ténèbres.
    Le type était assis devant la meule à aiguiser qu'il utilisait pour parfaire le tranchant de sa lame. Derrière-lui, une porte d'acier étroite et incroyablement élaborée laissait entrevoir l'espoir d'une sortie. William se trouvait à une quinzaine de pas de là. On l'avait manifestement déposé contre la paroi la plus éloignée de ce qu'il s'imaginait être le gardien des lieux, ce qui ne faisait rien pour apaiser l'angoisse dévorant progressivement ses entrailles, depuis son réveil.

    Cet…homme, aurait pu faire pâlir de crainte n'importe lequel des bûcherons du village. Depuis sa position, William le voyait de profil. Son menton trop développé dépassait de la capuche qui masquait son visage. L'arme mordue par la meule avait l'air d'un jouet, dans ses mains aussi larges que des pattes d'ours. Le colosse n'avait pas l'air dérangé par le flots d'étincelles qui ne cessait de tomber sur ses bras démesurément longs et larges. Peut-être ne ressentait-il pas la douleur. Ca n'était pas un naga, certainement pas mais cela n'empêchait pas William de trembler comme une feuille à sa vue. Conscient que son silence et son apparente inconscience lui procurait une immunité toute relative, le gosse préféra éviter l'attention en demeurant parfaitement immobile.

    Les minutes passèrent. Puis les heures. Parfois, les crissements de la meule s'interrompaient. Le colosse plongeait alors une main dans la sacoche pendant à sa taille pour en retirer une flopée de viande séchée qu'il mastiquait ensuite en reprenant le travail. Six lames passèrent à l'aiguisage. Des couteaux, un hachoir et deux épées. Jamais le colosse ne pris de véritable pause ou tenta de vérifier l'état de son prisonnier si bien que l'idée que personne ne s'attendait à ce qu'il se réveille fini par titiller l'esprit trop imaginatif du jeune William.

    Soudain, une porte -LA porte- s'ouvrit à la volée. Quelque chose entra silencieusement. Et William se força à garder les yeux clos pour ne pas trahir sa condition d'éveillé.
    "-Tu as terminé ?" Fit une voix horriblement calme, semblant légèrement étouffée, comme si son possesseur parlait avec la main devant la bouche.
    "-Tes dagues sont là." Lui rétorqua ce qui ne pouvait être que le colosse. Ses paroles sonnaient comme une agression. Elles étaient prononcées brutalement, légèrement déformées par un accent guindé, semblable à celui des réfugiés Shoumeïen passant parfois au village. "Le patron aura ses munitions, bientôt.
    -Il n'est pas encore rentré.
    -Il va falloir lui expliquer d'où vient le gosse. Je crois que Mila l'a foutrement tabassé. ‘L’est toujours pas réveillé."
    Il y eut un court silence. Quelque chose comme… une souris, un rat ou…un très gros insecte, se mit à ramper sur le sol poussiéreux et le grattement de ses pattes sur le sol fut la seule chose que William parvint à percevoir jusqu'à ce qu'une botte vienne le frapper au genou.
    "-Ouvre les yeux, petit." La voix étouffée paraissait si froide, si inhumaine, que le prisonnier obtempéra immédiatement, en proie à une nouvelle forme de terreur.
    Celui qui le dominait n'était qu'une silhouette sombre, recouverte d'un amas de tissus et d'acier, aux mains dissimulées dans des gantelets d'argents aux doigts griffus et au visage emprisonné dans un masque inexpressif, représentant la mort sous sa forme la plus évidente : un crâne humain.
    Le cœur de William se remit à battre dans ses tempes.
    Des griffes vinrent se saisir de son épaule. Elles le hissèrent sur pied sans le moindre effort puis cliquetèrent proche de son visage imberbe.
    "-Quel est ton nom, petit futé?
    -W…William."
    Le rire, gras et rocailleux, du géant derrière le porteur du masque fit trembler les murs.
    "-Mila et maintenant toi. Vous comptez le faire crever de trouille?
    -Peut-être." Repris la tête de mort en se détournant pour retourner vers l'aiguiseur. "Ça arrangerait tout le monde. Même toi."
    Devant sa meule, le colosse haussa ses larges épaules.
    "-Je n’mange pas les gosses. Et surtout pas les maigrichons."

    De dos, celui-au-masque paraissait encore plus irréel. Les innombrables tissus qui recouvraient son corps se mouvaient autour de lui, caraissaient la roche, l'air et parfois même le plafond. Ses jambes étaient à peine perceptibles au milieu de cette masse tentaculaire. Pas un millimètre de peau ne dépassait de ces rubans mais William savait qu'il y avait de la chair, en-dessous de tout ça. Parce que deux yeux gris et froids l'avaient scruté, juste derrière le masque.

    La porte s'ouvrit en laissant un courant d'air plus que bienvenu pénétrer dans cette cave puant le renfermé et la poussière d'acier. Celui-au-masque s'engouffra dans l'ouverture et la maintint ouverte, puis, contre toute attente, sans même le regarder, il l'apostropha :
    "-Viens ici, gamin. Laisse le grand travailler."
    William ne se fit pas prier. Ses jambes tremblottantes le maintenant difficilement debout, il traversa les quelques mètres le séparant de la sortie en contournant le géant et sa meule. A son passage, le forgeron émit une sorte de reniflement amusé tout en plongeant de nouveau sa main dans sa sacoche pour en retirer un large morceau de viande. Attiré par ce mouvement, l'attention du gamin ne pu s'empêcher de suivre le plongeon de l'énorme poing au sein du sac et, à la lumière de la famélique lanterne, William eut tout le loisir de découvrir les doigts et les yeux qui faisandaient dans le garde manger du monstre-forgeron.
    "-Dépêches-toi." Lui ordonna celui au masque.
    Et intérieurement, William le remercia de lui avoir donné un tel ordre.
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  • Sam 11 Nov - 15:46
    Les marches étaient inégales. L'escalier, mal éclairé. L'humidité qui alourdissait l'air de la cave dont il venait d'échapper s'était ici-bas déposée sur les parois et le sol du passage dérobé. Le spectre au masque grimpait sans difficulté, malgré ses solerets d'acier et, évidemment, la pénombre qui régnait sur place. William s'efforcait de le suivre, bravant la peur panique que sa simple proximité déclenchait en lui. Un exercice ardu, cruel, qui accélérait sa respiration comme les battements de son cœur mais qui laissait bien indifférent ce silencieux et étrange fantôme sans visage. Il ne voyait rien, devant lui, si ce n'était l'amas de tissus déchirés enveloppant la sombre silhouette lui ouvrant la marche. Dans l'imagination fertile de l'adolescent, ce sinistre tueur devenait l'incarnation de la mort : Xo'rath lui-même, déguisé -vaguement- en une parodie d'être humain. Se pensant déjà condamné après avoir quitté la caverne du cannibal, le gamin se voyait maintenant en train de grimper jusqu'au royaume des gardiens et des âmes perdues. Chaque marche déclenchait une nouvelle vague de frissons et de larmoiements, mais porté par une sorte de fierté morbide, il s'interdisait de tomber, de défaillir totalement, alors même qu'on l'accueillait parmi les morts.
    Brusquement, son guide s'immobilisa. Le masqué posa sa main gantée sur le plafond, qui s'ouvrit d'une simple pression. La lumière assaillit soudain les escaliers et leurs occupants. Une lumière chaude, typique d'une torche ou d'une cheminée. L'odeur et les crépitements d'un feu de bois ne tardèrent pas à se manifester, puis le monstre de Xo'rath décolla du sol, s'aidant de ses deux mains pour se hisser à l'étage d'au-dessus via la trappe qu'il venait d'ouvrir.
    William l'observa faire, bouche-bée, puis déglutit difficilement lorsque les griffes d'acier qui terminaient les mains du spectre se tendirent vers lui.
    "-Allez."
    Alors, l'adolescent accepta l'invitation. Et lui aussi décolla du sol.

    Assis autour d'une table de bois à la surface plus qu'usée jonchée de cartes de jeux, de poignards et de pièces, trois hommes observaient celui au masque alors qu'il déposait le gosse au milieu de leur repaire.
    L'aîné, un homme aux cheveux grisonnants et à la barbe drue, n'avait pas l'air d'un envoyé de Xo'rath ni d'un cannibal. Simplement d'un malfrat, d'un pirate, d'un roublard. Ses mains, toutes deux bandées, ne cessaient de tapoter sur le rebord de la table avec l'impatience coutumière de ceux qui possèdent soit une très bonne main, soit une horriblement mauvaise. Ses cartes, posées face cachée contre la table, attendaient que leurs jumelles, dans la main des adversaires de jeu de leur propriétaire, se dévoilent enfin.

    Le second était à la fois le plus jeune et le plus marqué. Marqué, non pas par l'âge, mais par la violence d'une vie manifestement exempte de paix. Ses yeux marrons de fouine, tous deux épargnés par ce long réseau de cicatrices horribles qu'était son visage, brillaient d'une lueur malveillante alors que sa main gauche caressait l'un des innombrables couteaux attaché à la brigandine protégeant son corps aussi sec que le bois empilé près de la cheminée. Son menton pointu -trop marqué par les lames- était imberbe et les quelques cheveux bruns ayant subsisté sur le champ de bataille qu'était son crâne se voyaient rassemblé en une courte et grotesque crête guerrière. Il semblait petit, râblé, et incroyablement hargneux.

    Le dernier, de loin le plus apaisé, souriait de toutes ses dents. De longues mèches blondes tombaient sur ses frêles épaules. Contrairement aux deux autres, vêtus d'un assemblage de frusques et d'armures, il portait de riches habits de soie aux couleurs de la nuit. Le bleu sombre de ses vêtements paraissait briller à la lueur des flammes dansantes, et ses grands yeux de la même teinte auraient pu paraître sereins si sa propre mesquinerie ne s'y était pas logée. Il n'avait ni l'air d'un pirate comme le premier, ni l'attitude instable d'un écorcheur comme le second. C'était un séducteur, sûr de sa valeur, élancé, aux traits fins, au menton impeccablement rasé et…à la morale discutable, aux vues de sa présence ici-bas. Il prit la parole en premier, tout en dévoilant ses cartes d'un revers de main.
    "-Mila les prend vraiment de plus en plus jeune."
    L'instable frappa du poing sur la table et jeta ses cartes au milieu, sans prendre la peine de les dévoiler.
    "-Il respire celui-là au moins."
    Alors, le vétéran abandonna son rôle d'anxieux pour laisser un ricanement accompagner la révélation de son propre jeu. Le sourire du bellâtre disparut aussitôt. Il claqua la langue et détourna le regard de la table.
    "-Je pense toujours que tu triches, Darius.
    -T'es trop lisible. Sourire comme un con, tout le temps, ça marche pas face à un vrai joueur." Observa le vieux en empochant les mises. Son regard fatigué se posa enfin sur le gosse, immobile face à eux, tandis que le spectre refermait la trappe.
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    Race: Humain
    Vocation: Guerrier assassin
    Alignement: Neutre Mauvais
    Rang: C
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t2350-le-serpent-et-ses-sanglots-termine
  • Sam 11 Nov - 15:54
    "-T'es qui, petit?
    -William." Répondit machinalement l'intéressé, parfaitement pétrifié de peur.
    L'accent de l'aîné, il le connaissait. C'était celui des fous de l'île au pirate, de Kaizoku l'anciennement-libre. Son père lui avait toujours dit de craindre ceux qui parlaient ainsi. Et de les éviter. Mais comment éviter celui-là?
    Pourtant, contre toute attente, le regard du vieux s'adoucit soudainement.
    "-Il pisse de trouille." S'amusa le balafré.
    "-Tout le monde pisserait de trouille en découvrant notre cher Alexey au réveil." Renchérit le bellâtre avant de s'adresser directement au porteur du masque. "Franchement, qu'est-ce que tu lui as fait pour qu'il tremble comme ça ?"
    L'interrogé contourna le gosse pour rejoindre la table de joueurs et s'asseoir sur la seule chaise libre, qui grinça face à cette agression soudaine.
    "-Rien. Il était déjà réveillé. Il faisait le mort pour éviter Joshua."
    Un concert de rires et de ricanements mesquins accueillit la nouvelle. Tous reprirent la partie. Sauf le vieux.
    "-T'es un futé, hein?" Tenta-t-il.
    Les lèvres de William restèrent closes. Ses mâchoires, verrouillées. Mais le pirate ne se découragea pas.
    "-Je suis Darius." Repris le forbans. D'un doigt, il désigna le bellâtre. "Lui c'est Ferg'." Le doigt s'orienta vers le nerveux. "Slick." Puis, finalement, sur le spectre de Xo'rath. "Alexey."
    Ça n'était pas un nom de démon. Seulement celui d'un homme. Et cette vérité le déconcerta suffisamment pour que la question qui lui brûlait les lèvres depuis tant de temps se décide à sortir.
    "-Pourquoi le masque?"
    Le principal concerné laissa un horrible son qui devait être un rire précéder sa réponse.
    "-La peste à fait fondre mon visage. J'ai une gueule de cadavre, alors je porte un masque mortuaire par-dessus." William su d'instinct qu'il n'y avait pas de malice dans cette réponse, seulement la plus désarçonnante des vérités. "D'autres questions ?"
    Darius soupira.
    "-L'humour de notre ami est un peu mystérieux. Dis-moi, qu'es-tu venu faire ici?"

    William avoua tout. Et ils l'écoutèrent, tous. La forêt, sa famille, l'ennui, son envie d'exploration…Puis sa découverte de la maison. Et, finalement, la sirène. Tout y passa au cours d'un récit rendu confus par la terreur sourde refusant de quitter l'esprit du jeune perdu au milieu des malfrats.

    "-Tu as rencontré Mila." L'interrompit Darius. "Elle t'a épargné, c'est rare."
    Le hargneux s'impatienta.
    "-Parce qu'il est pas encore assez vieux pour être à son goût, ouai. On joue ?
    -Soit pas si impatient de perdre fiston.
    -Soit pas si confiant, vieillard."
    Ferg claqua la langue, une fois de plus.
    "-Plus on en apprend sur le gosse maintenant et moins y'a de chance qu'il décide de s'en débarrasser à la nuit tombée."

    William cligna des yeux. L'argument, prononcé sur le ton de la plus banale des conversations, ne sembla pas suffire à convaincre le prénommé Slick, qui plissa les paupières en dodelinant de la tête :

    "-Et donc?
    -Si on peut éviter de tuer le gosse d'un des cul-terreux du village d'à-côté…Ça serait plus discret.
    -D'autant qu'il va déjà falloir se débarrasser de l'autre, là." Intervint Alexey. "Et vu ce qu'à dit le gamin, elle l'a éparpillé.
    -Ça l'occupe quand Il n’est pas là."
    Darius finit par se lever de son siège pour contourner la table en décrochant un râle d'agacement de la part du hargneux, bousculé durant l'entreprise.
    "-Viens petit."

    Et il s'exécuta. Ils quittèrent cette salle qui puait le feu de bois et la sueur pour traverser un long couloir menant à un escalier en colimaçon, qu'ils grimpèrent avec empressement. Arrivés à l'étage d'au-dessus, le duo nouvellement formé s'engouffra dans une petite pièce sombre, à droite des escaliers, où une couchette sans couverture moisissait dans un coin.

    "-Écoutes-moi attentivement maintenant." Le ton du vieux avait perdu en douceur. L'ordre était clair et ne devait souffrir d'aucune tergiversation. Et William y obéit sans effort.
    "-Tu t'en es bien sorti pour l'instant mais le patron ne va pas tarder à arriver. C'est lui que tu dois convaincre et pour ça, rien de plus simple : soit juste honnête. Parfaitement honnête. Ne lui cache rien. N'essaie pas de donner la bonne réponse à une question qu'il te pose, contentes-toi de répondre comme tu l'as fait avec moi. D'accord?"
    Un hochement de tête timide confirma que oui, il était d'accord. Un sourire de pitié traversa le visage buriné du vieux pirate, qui tapota sur l'épaule du gamin avec toute la sympathie dont un être comme lui était capable de faire preuve.
    "-Allez, va. Reposes-toi en attendant. Cette couchette pue plus que feu ma grand-mère mais elle sera plus confortable que la cave de Josh'."
    Et puis il l'abandonna aux ténèbres en refermant à clé la porte, derrière-lui.
    Alors, seul dans le noir, en boule sur une paillasse infecte, William s'autorisa le droit de pleurer.
    Citoyen de La République
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    Carl Sorince
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  • Sam 11 Nov - 16:11
    Il était entré dans la chambre sans s'annoncer. Un tabouret en main -qu'il s'était empressé de placer devant la couchette occupée par un William à moitié endormi, le souriant nouveau venu s'était assis, calmement, avait posé ses mains sur ses genoux, fait craquer ses articulations puis, enfin, daigné poser ses yeux verts sur le prisonnier de la maisonnée. Derrière-lui, debout, le dos tout contre la porte d'entrée de la salle, la sirène -habillée cette fois- attendait, à l'affût, les bras croisés et le sourire aux lèvres, une machette imposante battant contre son flanc.
    Il n'avait rien de très impressionnant, à première vue, quand bien même son regard scrutateur éveillait en l'adolescent une certaine inquiétude, son appartenance au monde des humains ne faisait aucun doute. Comme Ferg', ce type maigrichon prenait des airs d'anomalie parmi les monstres et les forbans.

    "-William, c'est ça ?" Siffla-t-il en retirant son chapeau à large bord pour passer une main squelettique dans ses cheveux longs, noirs et ébouriffés. La lanterne accrochée à sa ceinture de cuir tapa contre le bord du tabouret. Il la décrocha pour la déposer entre eux, et la lumière timide vint illuminer leurs visages respectifs, soulignant leurs défauts comme leurs qualités. Illuminant le sourire qui ornait les traits fins et tirés d'un homme si pâle qu'il en devenait gris.
    "-La souris donne sa langue au chat." Observa la belle, dans l'ombre. Sa voix, même maintenant, était empreinte de folie. Elle semblait avoir tout le mal du monde à contenir l'excitation qu'elle ressentait, si bien qu'elle s'exclamait plus qu'elle ne parlait, déclenchant ainsi une orgie de notes suraiguës faisant dérailler ses propres cordes vocales.

    Elle lui faisait horriblement peur.

    "-Réponds à la question, coco." Ordonna celui qui s'était assis. Et quelque chose, dans son attitude, changea si brutalement que William sursauta.
    "-Oui m'sieur. C'est mon nom."
    L'interrogateur hocha la tête, satisfait. Un bruit humide accompagna sa langue, lorsqu'elle passa le long des incisives de sa bouche entrouverte. Le cœur de William manqua un battement lorsqu'un coup d'œil trop curieux lui fit remarquer que son interlocuteur possédait une dentition aussi aiguisée que celle d'un loup.
    "-Que venais-tu faire ici?
    -J'aime bien me balader dans la forêt.
    -Pourquoi ?
    -C'est paisible.
    -Qu'est-ce qui t'a amené devant notre vieille baraque?
    -J'avais envie d'explorer.
    -Qu'est-ce qui t'a poussé à fouiner, quand tu as compris que c'était habité?"

    Soudain, un terrible dilemme. Le vieux, Darius, lui avait dit, oui, il lui avait dit d'être honnête, quoiqu'il advienne.
    Mais, maintenant que le gars au chapeau et aux dents pointues le fixait de son regard impossible à soutenir, William ne pouvait s'empêcher de penser que la folle qui les observait tous deux dans l'ombre était à la fois bien plus dangereuse et plus instable.

    "-Coco, regarde-moi."
    Tout au fond de lui, le gamin voulait obéir. Vraiment. Mais le regarder, de face, offrir ses yeux aux siens, se trouvait être un exercice si terriblement difficile qu'il préférait encore tenter de deviner les traits de la sirène meurtrière, dissimulée dans les ténèbres.
    "-Regarde-moi."
    Ce type n'élevait pas la voix. Rien, dans son attitude, ne laissait imaginer que la colère menaçait de s'emparer de lui, à la moindre nouvelle contrariété. Il était d'un calme impressionnant.
    Et pourtant, William comprit, à cet instant, que tout nouveau manquement signifierait la fin de sa vie. Alors, tremblant d'épuisement et de crainte, il obtempéra.
    Et ce que le gamin découvrit dans ces prunelles d'un vert empoisonné lui déclencha une crise de larme incontrôlée.
    Là, tout au fond de ce puits sans fond, ne siégeait nulle folie incontrôlable, nulle haine pathologique, ni le moindre mépris, sans parler d'un soupçon de compassion. C'était comme fixer un reptile à la recherche d'une émotion, de tenter de trouver un cœur battant sur le fil d'une lame.
    Il n'y avait rien, ici. Rien d'autre que le vide, une abîme impossible, prenant la forme d'un homme pâle aux yeux verts et au sourire carnassier.

    "-Dis-moi, maintenant.
    -Je voulais la voir, elle." Répondit sans réfléchir William, absorbé dans les orbites abyssales.

    L'homme rompit le lien entre leurs regards pour laisser un ricanement narquois filtrer de sa bouche. Derrière-lui, la folle faisait de même en s'approchant du centre de la pièce avant de poser ses mains délicates sur les frêles épaules du serpent au corps d'homme.
    "-Tu la vois, maintenant." Commenta-t-il sans même accorder un coup d'œil à la tueuse, qui commençait à lui faire une sorte de massage au niveau de la nuque."Présentes-toi ma belle.
    -Mila."Susurra-t-elle langoureusement."Tu as aimé ce que tu as vu?"
    William repoussa l'idée de seulement réfléchir à la question.
    "-Oui. Jusqu'au cadavre."
    Mila pouffa. Pire, aussi inattendu que cela pouvait paraître, cette folle tueuse semblait…soudainement…
    Minauder.
    "-Notre très chère Mila est une artiste. Ses œuvres sont éphémères hélas, elles pourrissent bien trop vite."
    Même à la lueur de la flamme famélique d'une lanterne, William pouvait voir qu'elle rougissait face à ce qui s'apparentait à un compliment.
    "-Est-ce que tu as peur, William?
    -Oui.
    -Est-ce que tu as encore envie de voir Mila, maintenant?
    -Non."
    La réponse le fit tiquer, tel un musicien découvrant une fausse note au sein de sa propre mélodie. Le sang dans les jambes du gamin sembla soudainement lui grimper au visage. William eut soudain peur de tomber à la renverse, quand bien même il se trouvait assis, sur une couchette posée à même le sol.
    "-Pourquoi mentir maintenant ?" S'agaça son interrogateur. Derrière-lui, la folle avait cessé son massage pour dégainer sa machette.
    Les larmes se mirent à couler frénétiquement, une fois de plus. William se recroquevilla en masquant son regard de ses mains.
    "-Je vous jure. Je veux juste rentrer chez moi. Mon père aura besoin d'aide demain. Je veux revoir ma famille. Pitié."
    Ils rirent. Le parquet craqua alors qu'ils s'approchaient de lui. Le gamin se refusa à regarder. Il ne voulait pas voir la mort en face.
    Et puis une main squelettique lui tapota sur l'épaule.
    "-Willy."
    Aucune lame ne passa au travers de ses paumes. Rassemblant son courage, le gosse abandonna sa cécité volontaire.
    La folle se trouvait toujours derrière le tabouret. Mais l'homme…son visage n'était qu'à quelques centimètres du sien.
    "-Je plaisantais, coco. On te croit."
    Les doigts trop fins lui tapotèrent la joue. Et puis leur possesseur se releva pour s'approcher de sa tueuse.

    "-Va rejoindre les autres, en bas. Dis leur que Carl souhaite qu'on te raccompagne à la sortie du domaine, demain matin."
    William mis un certain temps à comprendre que ledit Carl s'adressait à lui,  bien qu'il ne le regardait pas. La folle pouffa une nouvelle fois et leva sa machette pour enclencher un coup.
    Le serpent lui attrapa le poignet, la désarma et la plaqua contre le mur. Leurs rires accompagnèrent la fuite de William vers la sortie de la salle.
    "-Hé, Willy." L'interpella le maître de maison alors qu'il passait à côté d'eux.
    Le gamin s'arrêta à contrecœur pour découvrir que la lame servait désormais à trancher au travers du cuir du pourpoint de sa propriétaire. Elle ne semblait pas en éprouver le moindre inconfort, malgré la pointe qui grattait sa chair. Au contraire. Les sons que la sirène laissait échapper n'avaient rien à voir avec une quelconque forme de souffrance.
    "-Pas un mot à tes parents, hein?"
    Le gosse acquiesça…Puis prit la poudre d'escampette alors que les crocs de son interlocuteur allaient mordre dans le cou de celle qui l'avait entraîné dans ce cauchemar.
    Il referma la porte derrière-lui. Mais les cris de contentement de Mila l'accompagnèrent jusqu'à ce qu'il quitte l'étage.
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