Dorg Ruk, fils de Narl Ruk le sorcier du clan des Rocheuses, marchait sans discontinuer depuis des jours à travers les montagnes escarpées, aussi discrètement qu'on le lui avait appris. Le danger guettait à chaque coin de rocher et sa démarche devenait plus pesante et son souffle haletant à force de se tenir en permanence sur ses gardes.

De jour, il utilisait régulièrement un sortilège léger qui matérialisait une ombre qui lui couvrait la tête afin de pouvoir lever les yeux sans que les rayons perçants du soleil ne lui procures de violentes migraines. La nuit il recouvrait un peu de son acuité et de son énergie et progressait davantage qu'en pleine journée.

Son crâne tambourinait néanmoins violemment à cause de la fatigue accumulée, il n'avait plus le choix, il devait faire une halte et dormir.

Lorsqu'il s'affala contre le tronc fin et élancé d'un pin argenté, il croula très vite dans un demi-sommeil peuplé de rêveries traduisant les pensées qui le tourmentaient depuis qu'il avait quitté son clan pour la première fois.
Une fumée givrée et blanchâtre s'échappait de sa bouche, sa respiration devenait plus lente et profonde à mesure qu'il sombrait dans le sommeil.
Ce moment de régénération fut de courte durée, un cauchemar le réveilla, la solitude ne sied pas aux orcs et Dorg Ruk, affecté par l'absence de ses congénères en avait les entrailles remuées d'angoisse.

Le temps de réunir ses esprits, le corps toujours lourd de l'épuisement accumulé, il se hissa péniblement sur ses deux jambes en s'appuyant de tout son poids contre l'arbre sacré et repoussant le sol avec sa massue en guise de canne.

Soudain il détecta juste à côté de lui un mouvement vif qui fendit l'air et il fut saisit d'une vive douleur au trapèze. Sa chaire lacérée au sang déclencha instantanément son instinct de survie et, bandant les muscles de son bras gauche, d'une main il envoya un coup circulaire en direction de la créature à forme humaine dont il distinguait les contours. Il l'a heurta avec son arme contondante mais ne sembla pas la blesser, est-ce qu'au moins elle avait senti le coup ? Il contourna ensuite l'arbre pour mettre un obstacle et de la distance entre lui et sa cible dont il n'avait pas encore identifier la nature précise.

La créature à la peau décharnée poussa un cri rauque de mécontentement et fonça droit sur l'arbre et s'y heurta avant de lancer ses deux longs bras à toute vitesse de chaque côté de l'arbre pour essayer d'attraper Dorg Ruk qui était derrière. Il n'esquiva pas complètement et une griffe se planta net dans sa joue. Il n'hésita pas une seconde et recula encore pour se dégager, laissant un petit morceau de sa joue à la bête qui le porta à sa bouche sans même la renifler.

L'orc prit une seconde pour analyser son agresseur et décida de prendre ses jambes à son coup plutôt que d'affronter un ennemi dont il ignorait tout et qui visiblement se délectait de sa chaire. Jamais il n'avait aperçu ce genre d'être et il se demandait ce que c'était. Il avait vu qu'il ressemblait à un Homme mais qu'en même temps ce n'était pas un Homme, il n'avait pas d'explication et ne préférait pas prendre le risque de céder à sa propre agressivité aveugle d'orc en se jetant sur un adversaire qui avait été par deux fois plus rapide que lui alors qu'en plus la nuit lui procurait un certain avantage.

La créature dont les attaques furtives avaient pris de court Dorg Ruk fut moins douée pour l'exercice de la poursuite, elle claudiquait et ses jambes aussi raides que des bâtons ne lui permettaient pas de suivre l'orc qui la distançait de plus en plus.

Les timides rayons violacés de l'aube commençaient à poindre et Dorg Ruk c'était mis en tête de rejoindre en trottinant la plaine qui séparait les Rocheuses et ce qui semblait être une ville dont il avait aperçu à l'horizon un bâtiment.

Il avait besoin de soins mais il ne savait pas à quel point à cause de l’adrénaline qu'il avait libérer et qui occultaient ses sensations de douleurs.

On lui avait enseigné que les orcs n'étaient pas toujours bien vus et qu'il devait se montrer le moins vindicatif possible et faire de gros efforts pour articuler afin de ne pas provoquer la peur chez son interlocuteur.

Enfin il atteignit la plaine, continua de courir quelques centaines de mètres avant de s'écrouler pesamment sur le sol, soulevant la poussière alentour.

Il restait conscient mais la tension retombant et le soulagement d'avoir réussi à enfin quitter les Rocheuses eurent raison de ses dernières forces, il lâcha prise après des jours bien difficiles et il sentit de plus en plus la douleur lancinante de ses plaies qui acheva de l'immobiliser là, en proie à de nouveaux dangers mais aussi à une nouvelle aventure.

15 Septembre de l’an 3

Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis sa participation à la mission dans la réserve de la République pour le compte de Magic. Après cette aventure, la demi-Fae était rentrée chez elle, à Nareim, auprès de sa grande forêt bien-aimée et de sa famille. Elle y était restée 5 mois à travailler d’arrache-pied pour renflouer les caisses de l’herboristerie familiale, ses progrès dans les soins lui ayant offert de nouvelles opportunités. Fin août, les fonds familiaux n'avaient jamais été aussi élevés, aussi Xera avait pris la décision de retourner à Maël après un passage à Magic.

De retour à la cité blanche, elle était retournée à l'hospice pour nécessiteux de la baronne de Boktor pour y offrir ses services. Le carré botanique médicinal qu’elle avait contribué à créer était toujours là, mais l’herboriste avait progressé depuis son dernier passage. Elle avait pris l’habitude depuis son retour de sortir tous les matins à l’aube pour explorer la campagne de Maël, s'enfonçant un peu plus dans les terres à chaque fois. Ce matin-là, elle avait entendu une rumeur qui se répandait parmi la faune, un grand bipède vert avait fait son apparition dans la plaine en provenance de la région des Rocheuses, mais ce dernier ne bougeait plus. Les vautours et autres équarrisseurs de la nature n’allaient pas tarder à vouloir leur part du gâteau.

Xera aurait pu laisser la nature faire son œuvre, mais son instinct ou l’esprit sylvestre la poussa à aller sauver l’inconnu, allez savoir pourquoi. L’herboriste vola le plus vite qu’elle put et elle ne tarda pas à apercevoir un corps affalé sur la plaine. La rousse se posa quelques mètres de l’orc, elle en avait rencontrée qu’un seul jusqu’ici, mais la couleur de peau et la carrure ne trompait pas.

La jeune femme s’approcha de Dorg Ruk sans hésiter, chercha son pouls, lui souleva les paupières et constata qu’il était encore conscient.

- Fascinant, un humain serait déjà dans le coma voire mort dans votre état, les Orcs sont vraiment une espèce très résistante.

La demi-Fae plaça ses mains au-dessus des plaies de l’orc et concentra son mana aux creux de ses dernières, bientôt de minces filets d’eau mêlées a de la pierre d'alun réduit en poudre en émergèrent. ce minéral possédait des propriétés antiseptiques et astringentes, depuis qu’elle avait découvert cette capacité Xera mêlait donc l’élément eau et l'élément terre pour soigner les plaies. Les filaments rejoignirent les blessures du blessé et la magie de soins élémentaire commença à opérer. L’orc pouvait sentir ses plaies le picoter et se refermer lentement, Xera prenait son temps pour être sûr de ne pas refermer les lésions avec un corps étranger à l'intérieur, ce serait dommage de condamner son patient à une septicémie.

- Et voilà pour vous blessures, par contre vous avez beau être résistant, mais je crains fort que votre corps soit arrivé à ses limites, vous avez besoin de sommeil et de vous alimenter. Je ne pourrai pas vous porter jusqu'à la ville, mais je ne vous ai pas soigné pour vous laisser grignoter par les prédateurs du coin ou pire. Je vais donc nous mettre à l'abri et veiller sur votre sommeil pour commencer. Une fois que vous aurez dormi, j’irai dénicher de quoi manger, la nature est généreuse pour ceux qui savent quoi et où chercher.

La rousse fit appel à sa magie de la terre et modifia le sol autour d’eux, un mur de terre épais se souleva autour du duo sur deux côtés en formant une pente douce. Cela permet ensuite à Xera de faire jaillir une dalle de pierre du sol pour la poser dessus pour les protéger du soleil. Des gouttes de sueur se mirent à couler sur le front de l’herboriste, mais le résultat en valait la peine.

- voilà reposez-vous maintenant, je vais monter la garde sur le toit, ah, j’oubliais, je m'appelle Xera.

Message 1

[2]

Dorg Ruk gisait inconscient sur le tapis d'herbe grasse de la plaine depuis des heures.
Combien d'heures au juste il l'ignorait, il avait perdu la notion du temps. Son esprit oscillait à la limite de l'inconscient, sa volonté et ses forces évaporées.

Alors que les heures continuaient de s'égrainer, soudainement Dorg Ruk sentit le vent se fendre non loin de là ou son corps se trouvait et, quelques instants après il sentit que quelque chose le manipulait.

Un ultime réflexe de survie permis qu'il retrouva sa capacité à percevoir son environnement, mais son état était tel qu'il ne put même pas ouvrir les yeux ni même lever le petit doigt pour se défendre ou prendre la fuite.

Il ne pouvait que se laisser faire comme une vulgaire proie, mais au lieu que sa chaire soit percée croquée ou déchirée, il sentait au contraire que les pores de sa peau se refermaient comme par magie ! L'avait-on guéris ? Son corps ne le faisait plus autant souffrir et il sombra bientôt dans un sommeil lourd et sans rêves.

[…]

Dorg Ruk ouvrit lentement les yeux, reprenant contact avec la réalité, il émergeait pendant de longues minutes. Recouvrant ses esprits il resta allongé là, sous l'abri de terre qui le protégeait, il savait que quelque chose se trouvait sur le toit mais il ne percevait pas de danger dans cette présence, au contraire.
Soudain il se souvint, s’assit brusquement et caressa sa joue avec le bout de ses doigts rugueux, il ne saignait plus, le trou dans sa joue avait disparu ! Et les autres plaies également !
Sans plus attendre il se redressa péniblement à l'aide de sa précieuse massue en guise de canne et décida d'aller donner ses remerciements.

Il sortit de l'abri et leva la tête vers le toit et pris une grande inspiration pour interpeller son interlocuteur mais précipita aussitôt son regard vers le sol, les rayons du soleil trop clairs l'aveuglaient. Une main sur le front pour se protéger de la lumière et l'autre qu'il appuyait sur sa massue pour ne pas tomber, il s'exprima tout de même en se concentrant au maximum sur son élocution afin d'éviter les grognements parfois terrifiants propre à la communication des orcs.

- Toi là haut ! Dorg Ruk te remercie pour me soigner moi ! Je suis Orc, et toi qui es tu ? Tu m'as guéris et les orcs savent ! Je te dois ma vie ! Mon père, Narl Ruk le sorcier m'a appris que les orcs inspirent la peur autour d'eux, mais c'est faux ! Nous avons grand sens du devoir et de la communauté, tu m'as sauvé, maintenant je te donne service et tu dois accepter sinon je serai blessé en moi ! Je suis content te rencontrer plutôt que ours affamé ou vautours, quelle chance haha !

En effet Dorg Ruk se sentait reconnaissant et fortement obligé envers cet être qui l'avait soigné et qu'il n'avait pas encore pu distinguer.
Son cœur battait à tout rompre à cause à son rétablissement encore précaire et de l'appréhension dû à ce premier contact avec un autre être qu'un orc.
Son père lui avait enseigné comment s'exprimer au mieux et il espérait qu'il s'était fait comprendre sans paraître bourrus ou agressif.

A présent il attendit les paroles et agissements de son interlocuteur.

Perchée sur le toit de l'abri, Xera veillait au repos de son patient, elle avait réussi à joindre par télépathie un membre de l’hospice pour les prévenir de son absence et de ne pas s'en inquiéter outre mesure. De son poste d'observation, elle avait observé, silencieuse, le rythme de la faune locale, espionné les conversations des animaux qui lui parvenaient et admiré la danse du vent avec les premières feuilles mortes de l’automne.

Quand le couple de fauvettes perché sur l’arbuste le plus proche décolla de concert soudainement, elle sut que l’Orc s'était finalement réveillé. Elle se leva quand la silhouette massive apparut en contrebas. Elle remarqua la gêne de Dorg Ruk face à la luminosité ambiante. Ce dernier se présenta et la remercia pour l’avoir soigné. Il n'avait donc aucun souvenir des paroles de la rousse, Xera ne s’en formalisa pas pour autant. Elle prit le temps de descendre calmement de son perchoir et se plaça en face du fils de Narl Ruk.

- Enchanté de faire ta connaissance Dorg Ruk fils de Narl Ruk, je m'appelle Xera. J’accepte ton service comme paiement, mais pour que tu puisses t’en acquitter un jour, tu vas devoir reprendre des forces, tu as besoin de manger, heureusement la nature est pleine de ressources, il faut juste savoir ou chercher.

Xera s’éloigne de quelques pas, sort son couteau et creuse le sol aux pieds d’un massif végétal. Elle dégage des racines et en sélectionne quelques-unes, prenant bien garde de ne pas priver le végétal de quoi continuer à vivre. Elle prend le temps de reboucher le troue et revient auprès de Dorg Ruk.

- voilà de quoi faire patienter ton estomac, le temps pour moi d’aller récolter un repas plus consistant. Hors de question de m’accompagner, tu dois te reposer et reprendre des forces.

L’herboriste gratifie l’orc d’un hochement de tête, et s’éloigne sans se retourner, au bout de 3 pas des ailes translucides apparaissent dans son dos avant que la demi-fae ne s’envole.
La rousse revient un couple d’heures plus tard, la récolte n’est pas exceptionnelle, mais cela devrait suffire. Elle dépose son butin devant l’orc, des champignons, des racines, quelques fruits, des herbes aromatiques.

- voilà ce n’est pas exceptionnel, mais cela suffira pour le moment, j’ai posé des collets demain, nous devrions avoir de la viande.