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    Noble de La République
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    Zelevas E. Fraternitas
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  • Ven 23 Juin - 2:15


    Le Manoir des Élusie était autrefois une belle demeure mais surtout un endroit vivant, désormais les quelques aventureux promeneurs qui se baladaient jusqu’au domaine familial ne pouvaient que s’arrêter devant le portail d’entrée en bronze forgé pour tenter d’attraper des regards curieux des jardins qui bordent son allée centrale. À cette heure avancée de la soirée, il était cependant difficile d’en voir quoi que ce soit si ce n’est la pointe de lumière qui se dégageait timidement d’une des pièces, une lueur floutée par les défauts d’une vitre fatiguée mais qu’on devinait d’un feu à l’âtre à son caractère dansant. Une fois engagé sur l’allée gravillonnée, les par-terre de fleurs et les plates bandes d’herbe entretenues contrastent un peu avec la pierre sale de la façade du bâtiment principal. C’est uniquement grâce à un jardinier passionné et téméraire que le domaine n’a pas encore sombré dans l’archaïsme envahissant de sa flore, mais pour ce qui est du manoir en lui-même, il n’y a personne pour en prendre réellement soin, seules les quelques interventions à travers les années pour maintenir la charpente, refaire parfois les façades, remplacer les vitres quand elles cassent, permettent de ne pas qualifier la demeure de “délabrée”. Le teint vieillot de la pierre, la poussière fichée dans ses aspérités et les occasionnelles tâches qui la parsème indiquent quand même à quel point la bâtisse est laissée à la dérive. Il est apparent en s’en approchant que personne n’y habite à l’année, et quand bien même ce serait le cas, aucun effort n’est en tout cas porté pour soigner son apparence. Les ouvertures des fenêtres s’alignent à l’étage dans la toiture en biais, perçant l’ardoise anthracite à interval réguliers pour donner au toit une forme cassée. En dessous au niveau du rez de chaussée, les multiples portes-fenêtres laissent entrevoir d’un peu plus près l’intérieur de chaque pièce qui se cache derrière, une salle de réception, un salon, une gallerie. Les deux ailes du bâtiment convergent ainsi vers le vestibule d’entrée et ses portes centrales étrangement sobres en comparaison du reste de la construction, un bois simple, marqué par les affres du temps et des nombreuses années de service à laisser le passage aux nobles de la République. À l’intérieur de la demeure, le vestibule ouvert au sol damé de tuiles noires et blanches laisse directement accéder au salon éclairé par la lumière blafarde aperçue depuis l’extérieur. La pièce est à l’effigie du reste du manoir, vivable, tout ce qui possède un aspect pratique paraît entretenu et le reste prends la poussière, les toiles d’araignées et l’érosion du temps.

    Assis dans un fauteuil, un verre de bourbon à la main, un homme vieux contemple le ballet des flammes dans le foyer du salon, observant presque religieusement les langues de feu lécher les bûches avant d’en remettre dedans et d’écarter un peu les cendres pour laisser passer l’air. Sa silhouette peut paraître étrange actuellement, d’ordinaire il apparaît en publique affublé de son lourd manteau à fourrure et des épaulières grises et or qui amplifient sa large stature naturelle. Maintenant, seulement vêtu d’une simple chemise et d’un pantalon noir en tissu, son physique est tout de suite plus banal. Les yeux bleus aciers semblent doté de reflets orangés devant l’âtre, et en clignant occasionnellement ils font plisser les pattes d’oies qui encadrent ces paupières usées. L’homme passe une main nue sur ses cheveux décoiffés et blancs comme le sel, s’il a des rides qui viennent assaillir sa peau autrefois ferme, il a toujours la chance d’avoir sa chevelure de jeunesse à l’exception de la couleur. Les mèches d’ordinaire soigneusement gominées et plaquées vers l’arrière pendent maintenant mollement sur les côtés de son visage, lui donnant presque un air d’aventurier ou de mercenaire vagabond. Sa barbe fait écho à son scalp niveau coloration et densité, mais elle a le bon goût de ne pas être hirsute, quelques poils de sa moustache trempent dans le bourbon lorsqu’il amène le verre en cristal au niveau de ses lèvres pour en boire une gorgée. Le pieds fait un bruit mat quand il le repose sur la table basse en verre, à côté d’une lettre estampillée et d’une chemise de document sur laquelle il reporte son attention. Il tend une main vers le dossier pour à nouveau en consulter quelques détails, mais avant qu’il n’ait le temps de se pencher une voix crève le silence pesant:

    ”Je crois qu’il est là. Je vous laisse M.Fraternitas, je vais rentrer, à demain!”

    Zelevas relève les yeux pour voir Himir, son secrétaire de cabinet, remettre sa redingote noire et ouvrir la porte. Les longs cheveux poivres et sels de l'homme dans sa quarantaine et ses lunettes aux verres ronds et fumés lui ont toujours donné un petit aspect tantôt ésotérique, tantôt comique. Sauf lorsqu'il enfilait sa redingote, là il avait juste l'air d'un vendeur de charlatanerie et de boniments.

    ”Merci Himir. Pas la peine de venir demain, prends ta journée”

    ”Merci Monsieur.”

    Le secrétaire récupère une lanterne à huile, l’allume et sort à la rencontre de l’Officier Républicain que le Sénateur avait convié chez lui. Zelevas redirige ses yeux sur le dossier contenant la fiche de l’individu en question, Pancrace Dosian, 28 ans, mage noir avec plusieurs années de service à son actif. Lorsqu’il avait épluché les profils des Officiers pour faire son choix, celui du jeune homme l’avait immédiatement frappé comme un des candidats potentiels et il avait mis sa fiche de côté. Entre les quelques rapports nébuleux concernant les écarts plus qu’occasionnels de l’Officier, son rang suffisamment bas pour être un homme de terrain en contact avec les rues et ses capacités combattives développées il avait de quoi intéresser l’ambitieux Sénateur. Ce n’était pas le premier “candidat” qu’il recevait ainsi cette semaine, mais les deux autres qu’il avait fait venir avant ne semblaient pas correspondre aux profils qu’il cherchait à employer. Zelevas espérait bien que celui ci se montre plus prolifique que ses deux collègues, il les avait chargé de missions pour le compte de la Societas, prétextant une histoire complètement bidon pour les faire agir en secret et de manière détachée du corps des Officiers. Le premier n'avait pas réussi à outrepasser la surveillance du Comptoir de Justice et le deuxième avait tout bonnement refusé de s'en occuper, à voir maintenant quelle performance Pancrace comptait lui délivrer. Soupirant une dernière fois avant de saisir le verre vide sur la table, il se dirige vers l’argentier pour constater que la bouteille de bourbon est tout aussi remplie que son verre. S’il reste bien la bouteille de son père qui est là depuis au moins plus de vingt ans, il la réserve uniquement pour les grandes occasions, alors il saisit un autre flacon et se ressert, sortant également un deuxième verre du cabinet qu'il époussette sommairement.

    À l’extérieur de la propriété, le long de l’allée, Himir marche dans l’allée éclairée seulement par sa lanterne. En face de lui, devant le portail, la forme humanoïde de l’invité de son patron se découpe dans le faible brouillard nocturne, à la lumière de la torche qui éclaire le portail. En arrivant à sa hauteur, le secrétaire salue l’homme encore en uniforme et sort une clé de sa poche pour déverrouiller la grille d’entrée avant de venir se planter devant lui.

    ”Il vous attend à l’intérieur, la porte est ouverte vous n’aurez qu’à entrer.” fit l’homme aux lunettes rondes en tendant ensuite la lanterne à l’Officier.

    Il lui remet la lampe en main, incline doucement la tête en guise de toute formalité et s’éclipse dans l’obscurité de la nuit d’où l’invité est venu quelques minutes auparavant.
    Citoyen de La République
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    Pancrace Dosian
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  • Ven 30 Juin - 22:01

    Sourire avenant, uniforme soigneusement attaché partout, dos droit et buste gonflé, le bras paré à se projeter au garde-à-vous, j'me sens fin prêt à faire ma meilleure impression d'un officier républicain fier de rendre service à sa patrie, à son sénat, à la SSG, et surtout au vioque qui m'a convié. Vieux mais puissant et influent, un cocktail qu'a l'air aussi risqué que lucratif, ou en tout cas je l'espère. Parfois, les pontes ont tendance à oublier que les fourmis, là-dessous, ont besoin d'espèces sonnantes et trébuchantes pour continuer à bouffer, tellement ça leur passe au-dessus.

    J'ai même eu le temps de faire cirer mes bottes par un gamin dans une rue marchande de la ville, c'est dire, après m'être débarbouillé chez moi.

    J'en reviens toujours pas que la convocation me soit venue directement, vu que d'habitude, ça descend par les chefs. C'est le seul truc vraiment inquiétant du bouzin, que ça suive pas le circuit habituel : on a l'habitude de bosser en direct, à côté de notre temps de travail, pour les grands de ce monde. Les préfets balancent ça aux commissaires, qui jettent ça aux capitaines, qui émiettent les annexes auprès des sbires que nous sommes fièrement.

    Faut de tout pour faire un monde.

    Bref, j'suis pas au summum du fait de la politique, mais Fraternitas fait partie des réformateurs, et il m'a demandé spécifiquement, par l'intermédiaire de son loufiat, de me radiner à son manoir. J'ai pas forcément des convictions politiques fortes, mais ça serait mieux d'être un peu moins dans la réforme et davantage dans la conservation de ce qui nous constitue en tant que patrie, loin des sauvages, non ? Enfin, c'est qu'une idée qui court chez les officiers républicains, quoi.

    Au moins, il fait pas partie de ces fiottards d'humanistes.

    J'regarde pas la déco', j'suis pas là pour ça. Le larbin, dix fois mieux sapé qu'un commissaire, me file la lanterne, pointe le chemin et se tire. Ben, tranquille, hein ? J'me passe la main dans les cheveux pour replaquer quelques mèches vagabondes, et j'avance sur la promenade jusqu'à entrer dans le manoir, puis le bureau.

    Le vieil homme est assis dans un fauteuil suffisamment confortable et colossal pour me servir de plumard, et il boit quelque chose qui, à l'odeur et la couleur, n'est ni de l'eau, ni du vin. Le genre qu'on renverse d'un coup de coude bien entraîné, directement dans le gosier, quand il s'agit pas de le faire tourner avec une moue experte pendant quelques heures avant d'y tremper les lèvres. Les riches et leurs lubies. Il fait un peu maigrichon, mais c'est quitte ou double avec les personnes âgées : soit elles deviennent super grosses, soit elles deviennent super maigrichonnes. Lui, visiblement, c'est la deuxième option, même avec une alimentation équilibrée et un peu d'exercice le matin, m'est avis.

    Mais j'efface toutes ces pensées parasites derrière un visage fixe et un regard vide, après m'être assuré qu'un mastard va pas sortir de derrière la porte ou de l'armoire pour me casser la bouche, pour une mauvaise blague, une mission ratée, ou un sourire trop appuyé à la petite-fille du patron. J'avais cherché si j'avais fait une mauvaise connaissance du genre, mais non, pas que je sache.

    Après, si l'une décide de s'encanailler, qu'est-ce qu'on peut y faire ?

    J'me mets au garde-à-vous, poing contre la poitrine. Même si, officiellement, y'a pas de hiérarchie, y'a aucune raison de s'embrouiller avec quelqu'un qui aura l'oreille attentive de mes supérieurs directs, pas vrai ? Donc ouais. Posture réglementaire, voix sonore et intelligible, regard fixe devant moi.

    « Officier Républicain Pancrace Dosian, Monsieur ! A vos ordres ! »

    T'façon, il va bien me dire ce qu'il veut. J'espère juste que ça va pas tourner dix ans autour du pot. Les politiciens ont un peu trop tendance à aimer d'écouter parler. Ca vient avec le métier, m'est avis : un genre de paluchage appliqué, né d'un entraînement de tous les instants, et encouragé par tous les suceurs qui s'aglutinent dès qu'il y a un peu de pouvoir à pomper ou derrière lequel s'abriter.
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    Zelevas E. Fraternitas
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  • Mer 5 Juil - 17:08


    Son verre de bourbon posé sur l'accoudoir, Zelevas ne prends pas la peine de se lever lorsqu’il entends la porte d’entrée s’ouvrir, son regard plongé dans les flammes du feu à l’âtre, impassible, il perçoit juste la transition du bruit des bottes, de celui claquant contre le carrelage damé du vestibule au grincement lancinant du plancher du salon. Ce n’est qu’en entendant les talons frapper le sol qu’il dévisage enfin son invité, curieusement, il se présente au garde à vous, et c’est un détail singulier qui attise la curiosité du Sénateur. Que ce soit par discipline ou bien par soucis de présentation formelle, l’Officier Dosian vient d’afficher une partie de sa personnalité, même si le vieillard ne sait pas encore précisément laquelle, il y voit déjà un intérêt plus grand que dans les deux autres clampins qu’il avait fait appelé les jours précédents. La main droite de Fraternitas d’ordinaire gantée de blanc vient gratter son sourcil tandis qu’il se lève de son fauteuil sans dire un mot, il est intrigué par ce jeune homme au fur et à mesure qu’il le regarde. Son regard est droit devant lui, rigoureux, ne s’échappant pas à gauche ou à droite pendant son garde à vous, mais ses bottes luisantes alors qu’il ne pleut pas trahissent le cirage qu’elles n’ont pas l’habitude de voir. Zelevas s’approche de l’Officier, tournant autour de lui en dévisageant son uniforme qui a sans doute connu de meilleurs jours, ses cheveux sont plaqués du mieux possible pour être présentable, mais les mèches laissées rebelles au quotidien ne sont pas domptables aussi facilement. Dans le dos de Pancrace, Zelevas, les bras croisés derrière lui, affiche un léger sourire amusé sous sa moustache en revenant se diriger vers l’argentier:

    ”Le salut n’est pas nécessaire Dosian, ils sont loins mes jours de service à l’armée et je suis parti avant d’atteindre le grade de Centurion. Repos.” Ouvrant le cabinet, il tourne la tête pour dévisager le gaillard. ”À boire?”

    Il faisait net dans ses phrases, droit au but, il savait qu’il n’était pas là pour refaire le monde avec un collègue de la Chambre Bleue, c’était un entretien de sélection, pas une soirée amicale. Servant un verre de whiskey pour le jeune homme dont il avait plus du double de l’âge, le Sénateur revient s’asseoir dans son fauteuil avec verre en main et le tend en direction de l’Officier resté debout.

    ”Je vous en prie asseyez-vous.”

    À peine les fesses du gardien de la paix ont-elles touché le cuir du fauteuil que son client enchaîne, sans perdre de temps. Il le fait sur un ton qui laissait suggérer que si ses années militaires étaient loin, certaines habitudes qu’elles soient de soldat, de Limier ou de Juge, ne se perdaient visiblement pas, il récite ainsi son laïus qu’il avait déjà clamé deux fois auparavant:

    ”La mission que je cherche à faire mener est complexe, elle nécessite un éventail de compétences particulier et se déroulera en plusieurs étapes. L’existence de l’opération avant, pendant et après son déroulement, doit être maintenue secrète. Un échec de son exécution signifie potentiellement des répercussions que les parties engagées ne peuvent se permettre de subir. C’est pour garantir la discrétion de cette mission que vous avez été contacté directement, que vous agirez seul, et que vous ne vous référerez qu’à moi et à moi seul. Une fois que vous accepterez cet ordre de mission et prendrez connaissance des informations concernant l’opération, il vous sera impossible de vous rétracter. Le but de notre entrevue de ce soir est pour moi de déterminer si vous êtes apte à remplir cet objectif Officier Dosian, mais avant de vous impliquer plus que ça dans les affaires de la Societas, et par conséquent de celles de la République, je vais vous poser quelques questions, sentez vous libre d’y répondre comme vous le désirez en développant comme bon vous semble, disons qu’elles font partie de votre évaluation.”

    Zelevas repose son verre de bourbon qu’il n’a même pas touché sur la table, et se penche en avant vers Pancrace, son visage à moitié éclairé par la danse envoûtante des flammes, à moitié plongé dans le clair obscur argenté de la faible pénombre lunaire qui suinte à travers les carreaux. Ses yeux bleus aciers s’enfoncent dans les prunelles dorées du jeune homme, cherchant à le sonder, à repérer le moindre tic, la plus menue réaction de son visage, d’un muscle, d’un clignement de l’oeil révélateur de peur ou de doute, et pendant qu’il le scrute, ses trois questions fusent l'une à la suite de l'autre.

    ”Quelles sont les ambitions qui vous animent Pancrace Dosian?”

    Le regard du Sénateur fusille son interlocuteur, sa physionomie en publique si avenante laisse place au prédateur de l’inquisition judiciaire qui avait gouverné les tribunaux de Justice pendant des années. Condamnant les uns, négociant avec les autres, à force d’avoir côtoyer les raclures du Razkaal pendant six longues années, les criminels de bas étage qu’il arbitrait jadis ensuite à la barre n’étaient rien de plus que des outils potentiels dont l’intérêt douteux qu’ils pouvaient lui apporter dans sa quête divine leur achetait parfois une parole. Parlementer avec des assassins, des avocats ou des procureurs, puis avec des hommes politiques, c’était une formation complète pour la maîtrise de ses expressions faciales et de son sang-froid. Il enchaîne immédiatement:

    ”Dans quelle direction voudriez vous voir la République aller…”

    Mais surtout:

    ”...Et enfin qu’est-ce que vous pensez de la notion de sacrifice?”

    Il ne se rabaisse pas dans son fauteuil immédiatement, il attend pour ça que l’Officier commence à répondre, avec ça, il espérait ne pas avoir besoin de creuser plus loin pour déceler ce qu’il cherchait à ses côtés. De toute façon, qu’importe s’il faisait un carton plein en théorie, ce serait en pratique qu’il devra faire ses preuves.
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    Pancrace Dosian
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  • Dim 16 Juil - 9:59

    Bien un truc de chef, ça, de tourner autour des soldats pour se foutre dans leur dos en sachant pertinemment qu'on peut pas se retourner. Les sergents faisaient déjà ça à l'armée, les capitaines et les commissaires des officiers républicains également. Ca doit être quelque part dans la formation, ou alors ils se vengent des fois où leurs supérieurs à eux leur ont fait. Pas possible qu'ils aient pas, comme moi maintenant, les poils fins de la nuque qui se hérissent à avoir quelqu'un derrière dont les intentions sont, au mieux, douteuses.

    Evidemment, à la première occasion, je fais pareil aux bleus et aux criminels.

    « Ah, euh, whiskey ? »

    J'me mets en position de repos en un peu plus décontracté, et j'dis la première chose qui me vient en tête. C'est la couleur et l'odeur de son verre qui m'y a fait penser, et j'espère que c'était le bon choix, celui de la bouteille pas empoisonnée. D'un autre côté, un ponte de la SSG n'a aucune raison de me faire venir ici pour me tuer, il aurait pas de mal à trouver un fifre pour le faire à sa place. Donc si c'est mon dernier verre, autant en profiter à fond, hé ?

    Machinalement, j'fais tourner la boisson dans le verre en cristal qu'il m'a tendu, le dos droit et le fessier contracté sur le cuir confortable du fauteuil. J'prends une gorgée que j'avale directement pour m'donner un peu de courage, notant seulement distraitement l'explosion de saveurs. Comme c'est lui qui parle, j'me concentre plutôt sur l'écoute. Opération secrète et confidentielle, j'me demande si y'a un truc louche des Limiers là-dessous, ou les espions de la République, je sais pas quoi.

    J'garde le visage sérieux et avenant.

    J'ouvre la bouche pour répondre à la première question que les suivantes sont déjà prononcées, alors j'la boucle en reprenant une gorgée, pour me donner une contenance. Au terme de sacrifice, j'ai envie de cracher un glairot par terre, mais pas sûr que ce soit trop l'ambiance. J'fais tourner mon verre un coup. C'est quoi la bonne réponse ? Les bonnes réponses, d'ailleurs. Au pire, il voudra juste pas que j'bosse pour lui, j'suppose, ou j'risque un accident grave au détour d'une ruelle ? Nan mais il m'a rien dit, là.

    J'toussote, pasque j'ai un peu avalé de travers.

    « Mes ambitions sont pas si compliquées. Faire mon travail. Faire des trucs intéressants. M'en sortir financièrement, assurer mes vieux jours, et les jeunes aussi. Profiter de la vie. »

    J'ai l'impression d'avoir dérapé un peu sur la fin. P'tet recentrer rapidement.

    « J'pense que la République a encore un fort potentiel qu'elle exploite pas à sa juste valeur. Si les réfugiés apportent de la valeur -monétaire, culturelle, tout ça-, ils apportent également pas mal d'insécurité et d'incertitude, et y'a beaucoup de commerçants qui disent que la concurrence est pas saine pasqu'ils sont tellement désespérés qu'ils sont prêts à casser les prix n'importe comment, au point que personne peut en vivre. Faut protéger le gagne-pain des habitants de la République en priorité... je trouve. »

    Enfin, je... les collègues qui discutent de ce genre de truc au commissariat, quoi.

    « A côté de ça, le Reike est dirigé par un conquérant sanguinaire, et à un moment, j'suppose qu'il va arriver à cours de guerres à faire chez lui, et qu'il faudra bien qu'il en fasse quelque part. S'il prend possession de tout Shoumeï, l'empire aura tellement grossi qu'on pourra plus rien faire, je crois ? Sauf si l'Académie Magic a des garde-fous qui datent de l'Archimage en stock, je veux dire. »

    C'est une rumeur persistante, ça, que le fondateur de la République aurait des sorts surpuissants rangés dans un coin pour si le pays était en danger. Jamais eu de preuve, ça ressemble à une rumeur lancé par les chefs en période de trouble pour s'assurer qu'on file droit. Reste la dernière question, qui me revient plus trop, puis j'me rappelle et j'ai instantanément une goutte de sueur froide le long de la colonne vertébrale.

    « Je crois pas au sacrifice. J'veux dire, on devrait trouver une façon de faire pour que tout le monde s'en sorte correctement, non ? Ahem... Donc ouais, le sacrifice, c'est l'aveu d'échec, c'est la machine qui broit ses composants faute de mieux. »

    Moins diplomatiquement : allez vous faire foutre si vous pensez que j'vais me sacrifier pour vous. Mais, évidemment, faut pas dire ce genre de trucs devant les huiles, donc on se retrouve à baver des conneries idéalistes. La vérité, c'est que si les autres se sacrifient à ma place, c'est très gérable, tant qu'on me demande pas de faire pareil.
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    Zelevas E. Fraternitas
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  • Jeu 20 Juil - 16:57
    Un branleur. C’est un branleur de premier choix.

    Zelevas écoute avec consternation les réponses que lui fait l’Officier Dosian, son manque abyssal de vision ne le dérange pas le moins du monde, au contraire, plus les ambitions sont personnelles et terre à terre, plus il sera facile pour le Sénateur de les combler et de s’assurer que la soif de pouvoir de son pion ne le sorte pas de sa place. Ce qui le dérange réellement, c’est en partie l’attitude nonchalante de ce simulacre de militaire, que ce soit dans son phrasé ou dans sa gestuelle, mais aussi sa position sur la notion sacrificielle. Il ne peut pas le blâmer de ne pas avoir envie de donner de sa personne, ce qu’on est prêt à investir est toujours proportionnel au désir qu’on tente de réaliser, il n’est donc pas étonnant que Pancrace soit tout aussi réservé que ses objectifs ne sont oisifs. La partie navrante de sa réflexion prends place sur la considération du sacrifice comme une preuve d’échec, dans quel monde vit-il? Ce lunatique ne peut pas sérieusement penser que le monde est si beau et parfait qu’on peut contenter tout le peuple avec une gentille solution, il se fout de sa gueule, c’est ridicule. Ça laisse deux options à Zelevas, et il sait d’avance très bien laquelle il préfère croire, ou bien Pancrace Dosian est un imbécile de compétition, ou bien il lui a volontairement répondu à côté de ses propres convictions pour ne pas se mouiller devant le Directeur de la Societas. Même si son manque de tenue pourrait le faire pencher dans une des deux directions, Zelevas se rappelle des résultats renseignés dans les rapports qu’il a lu concernant l’Officier et il se dit qu’il pourrait bien être plus convaincant en ayant la main à la pâte qu’à l’oral, et du moment qu’il faisait les choses vite et bien c’était à peu près tout ce que lui demanderai l’élu du peuple. Le gamin n’avait pas objectivé à prendre connaissance de sa tâche et il avait répondu comme demandé, il est donc temps de passer à la suite.

    Hochant donc la tête pour signaler qu’il avait écouté les réponses et passait à autre chose, Fraternitas se lève de son fauteuil, marche jusqu’au bureau calé contre un des murs de la pièce et ramasse le dossier déposé dessus pour revenir le donner à Dosian.

    ”La mission se décompose en plusieurs étapes, voici la première.” Il tend la chemise au jeune homme et se rassied pendant que celui-ci entame la lecture des informations. ”Adrian Maiden est le Sous-Gouverneur du comptoir de la Societas à Liberty, il travaille pour nous depuis plus de vingt ans maintenant et jusqu’ici nous n’avions absolument pas à nous en plaindre. Cependant depuis quelques temps maintenant j’ai des problèmes avec le comptoir de Liberty par rapport à sa comptabilité, certaines livraisons ne collent pas entre la qualité des produits revendus, les prix de vente renseignés et la quantité en transit. Malheureusement il m’est impossible de consulter le Directeur du Commerce qui est en trop bon termes avec Maiden pour que je sois sûr de son honnêteté, et il m’est également impossible de consulter les registres des ventes de ce comptoir parce que les documents ont disparus dans un vol. Il y a déjà eu une enquête des Officiers de Liberty mais aucune preuve à charge n’a été retenue et son avancée a été entravée par la SSG, donc officiellement nous n’avons pas le droit de fouiller plus loin. Le Gouverneur est sûr que le jour de la disparition Maiden était présent au comptoir et aucun autre membre du secteur du commerce privé n’était là. J’ai besoin que vous vous assuriez que Maiden a volé ces documents, que vous les retrouviez et que vous me les rameniez. Le tout sans que celui ne le sache. Au fond du dossier vous trouverez une fausse enveloppe qui devrait ressembler à celle qui a été subtilisée remplie de paperasse bidon, vous pourrez remplacer le registre avec ce leurre une fois que vous l’aurez retrouvé. Il est impératif que Maiden ne sache pas qu’il y a eu vol tant qu’il n’a pas été renvoyé, je pourrai le faire virer après-coup pour un autre prétexte mais je ne le ferai qu’en sachant ce qu’il a fait, avec qui, et comment. Il s’agit d’un Sous-Gouverneur de comptoir expérimenté de plus de vingt ans, pas d’un simple employé lambda, la discrétion est une clé et c’est ce que j’achète avec mon or et ma prudence, j’espère que c’est bien compris. Si vous veniez à échouer les répercussions relationnelles au sein de la SSG seraient un coup dur important qui impacterait la République, mais en cas de succès, vous permettriez de purger une vermine haut placée dans la machine. Vous agirez en dehors du cadre de la Loi, on parle a minima d’intrusion, de possible effraction ou d’usurpation d’identité et de vol, trouvez un moyen quelconque de vous infiltrer chez lui et de récupérer ce document mais en aucun cas ne doit-il savoir qu’il a été volé, de même je nécessite de posséder les originaux, en faire une copie ne conviendra pas. La récompense est bien entendu à la hauteur du risque.”

    Tout ce qu’il venait d’exposer n’était qu’un tissu de mensonge et une machination pour pouvoir éprouver la fiabilité de son troisième candidat, Adrian Maiden était parfaitement au courant de cette épreuve et avait déjà été victime de deux visites inopinées ces derniers temps. Les fameux documents que le Sous-Gouverneur conservait chez lui étaient des feuillets tout ce qu’il y avait de plus normal consignant les ventes du dernier mois, et il n’y avait ni activité suspecte, ni froideur entre les Directeur de la Comptabilité et du Commerce Privé. Les employés de Liberty jouent un rôle et Pancrace s’apprête à passer une audition singulière, où s’il se fait remarquer, il perds.

    ”Des questions?” conclu-t'il en portant son verre à ses lèvres.
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  • Sam 19 Aoû - 11:44

    A voir son expression, son hochement de tête un peu sec et le changement de sujet, je sens que je l'ai convaincu. En tout cas, suffisamment pour pas qu'il me demande de sortir et d'oublier que cette entrevue avait eu lieu. Vrai qu'à force d'eux-mêmes répéter des trucs comme quoi on va pas se sacrifier, tous se tenir la main pour avancer vers la prospérité et la sécurité, c'est pas surprenant qu'ils commencent à y croire. Après tout, les meilleurs mensonges sont ceux auxquels on croit.

    La suite est plus surprenante, et sort effectivement du cadre légal. Pas de beaucoup, et y'a un objectif annoncé de trouver des magouilles pas très nettes. Dans l'absolu, rien me dit que c'est vrai : à tous les coups, le père Fraternitas est lui-même en train de trafiquer des trucs et veut pas se faire doubler, ou une connerie comme ça. Pas que ça me dérange, évidemment. L'important, c'est la paye, les liens, et réussir.

    « De combien de temps est-ce que je dispose pour réaliser ce... rééquilibrage des comptes ? C'est qu'il faut prévoir le déplacement à Liberty en plus de mes tâches plus habituelles. Je vais évidemment demander quelques jours d'absence. »

    Une fois la réponse obtenue, je salue le vieux politicien, je prends mon acompte, une pitance par rapport à ce qui m'attend, et j'repars, la tête déjà concentrée sur ce qui m'attend.

    ****

    Quelques jours plus tard, à Liberty, j'suis engoncé dans le renfoncement d'une porte cochère. La nuit est tombée depuis quelques heures, il fait sacrément moche, et les dernières lumières commencent à s'éteindre au manoir de Maiden. J'rôde dans le coin plusieurs heures par jour, pour voir ce que font les serviteurs, les bonniches en tout genre, les quelques gardes qui arpentent la propriété et s'assurent que les clodos viennent pas salir la pelouse.

    Lui, parfois, il reste debout tard, ou rentre d'une soirée mondaine à des heures indues. Là, il est parti se coucher un peu plus tôt, avec sa bourgeoise, et m'est avis que c'était pas de la fatigue. J'suis venu sous l'apparence d'un gamin coursier avec une lettre bidon, aussi, pour vérifier les protections magiques en place, mais dans les parties communes, y'a pas grand-chose. Dans les étages de la vieille bâtisse, par contre, c'est autre chose.

    Enfin, quand faut y aller...

    J'rabats ma capuche et j'remonte mon écharpe, puis j'grimpe deux à deux les marches grinçantes de l'immeuble jusqu'à arriver sur le toit. De là, j'ai une vue plongeante sur le manoir d'Aiden. J'prends quelques secondes pour incanter et donner forme à la magie, et après une brève désorientation maintenant habituelle, j'reprends pied sur le toit du manoir, juste au-dessus d'une fenêtre qui mène au grenier, d'après mes repérages. J'me suspends, et en poussant un peu, elle s'ouvre pour me permettre de me glisser à l'intérieur.

    Impossible de pas noter l'ironie ultime de me retrouver à faire ce pour quoi je pourchasse et arrête les gens.

    La nyctalopie me permet de me déplacer sans le moindre accroc dans la pièce, jusqu'à un escalier un peu branlant. J'pose les panards sur les bords, collé au mur. C'est inconfortable, mais ça évite les grincements. L'oreille pressée contre la porte en bas des marches, j'm'assure que y'a personne. J'aurais dû apprendre le sort d'invisibilité de Gunnar, j'me ferais moins chier.

    Tant pis, le senseur magique révèle rien, alors j'pousse le battant et j'parcours le couloir jusqu'au grand bureau d'Aiden. C'est là que ça devient délicat. L'enveloppe contre ma poitrine est prête à prendre la place de l'autre, mais encore faut-il la trouver. J'espère juste qu'elle est pas sous clé, ou dans un coffre-fort caché, parce que là...

    La lame de mon couteau suffit à lever la clenche et j'repère de suite le grand bureau avec ses dossiers. Il aura pas laissé les documents à la vue de tous, alors j'm'approche pour ouvrir les tiroirs. Y'en a deux qui sont verrouillés, et c'est là que j'tourne mon attention en premier. J'ai un kit prévu pour ce genre de cas, pour le... travail.

    Surprenamment, on est amené à devoir aller dans des endroits qu'on devrait pas, même dans l'exercice soigneux et légal de nos prérogatives d'officier républicain. Après, on améliore un peu les rapports avec des déclarations du type "Oui, le tiroir ou la porte étaient ouverts quand on est arrivé, sinon jamais on aurait forcé. On s'est dit que la personne avait sans doute besoin d'aide.". Que ce soit les commissaires ou les juges, personne n'est dupe, mais ça fait illusion, et l'important, c'est de pas se faire prendre sur le fait.

    Puis y'a pas de magie, c'est juste une clé.

    Me faut quand même quelques minutes pour les ouvrir sans péter le mécanisme, et j'suis assez déçu : c'est juste de la paperasse en plus. Je referme doucement, et j'regarde autour de moi. Le grand tableau révèle que le mur nu quand je le fais coulisser, et rien du côté de la bibliothèque n'indique la présence d'un renfoncement mystérieux. J'me gratte la joue. J'ai le palpitant au max. Faut des nerfs solides, pour être voleur, on dirait, quand même.

    J'reviens au tableau, avec le senseur magique, cette fois, et il s'agite dans mon sixième sens. Ahah. En frottant un peu les pierres, j'réussis à destabiliser la magie suffisamment pour voir le trou et sentir qu'il faut un artefact particulier pour ouvrir. Mon rossignol fera pas l'affaire sur ce coup. Merde. Et j'peux pas tout casser avec un projectile magique ou quoi. Aller trouver la clé ?

    Me reste quelques atouts dans la manche, et j'peux toujours me téléporter dehors et courir, dans le pire des cas.

    Hé, la vie vaut-elle la peine d'être vécue si on rigole pas un peu ?
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  • Mar 22 Aoû - 14:37


    Assis dans son lit, Adrian Maiden se prépare à se coucher pour de bon, il finit tout juste de retirer ses bas en coton avant d’enfiler sa chemise de nuit, préférant dormir avec quelque chose plutôt qu’entièrement nu. Fort heureusement pour lui d’ailleurs parce qu’on finit par toquer à sa porte avec un rythme irrégulier. Au son de frappe, la tête chatain claire du Sous-Gouverneur se redresse subitement et ses yeux marrons s’interrogent sur les quelques pas qui le séparent de la porte. À cette heure ci? Qui se peut-il bien être? Amandine? Sa fille fait de plus en plus d’insomnies ces derniers temps, sans compter l’autre officier républicain maladroit que le Directeur avait envoyé et qui l’avait réveillé il y a quelques nuits. La mise en scène du Sénateur n’était pourtant pas plus pénible que ça pour le Sous-Gouverneur, il trouvait même le jeu plutôt drôle, se prenant à chaque fois qu’il passait un couloir à chercher des traces imaginaires d’intrus qu’il ne trouverait jamais, ou se plaisant à se plonger dans des fictions où l’objet qu’il n’avait pas le souvenir d’avoir déplacé avait été bougé par un officier secret. Ça rajoutait bien du piment à sa vie il faut le dire.

    Ouvrant la porte, il y trouve derrière son Intendante, Madella, une jeune fille plantureuse qu’il avait embauché pour lui permettre de se financer plus tard des études en école de droit, enfin c’est ce qu’il lui avait dit avant de se permettre à lui de lui mettre des mains aux fesses au passage.

    ”Qu’y a-t’il mon ange?”

    Comme à chaque fois qu’il l’appelle ainsi, la jeune femme lui répond avec un regard fuyant et mal à l’aise, un jour sans doute elle sera à lui, il ne lui laissera de toute façon pas d’autre choix, mais il aime bien tourner autour du pot et jouer avec ses proies.

    ”Monsieur Mai-”

    ”Maître, mon ange.”

    ”Maître Maiden, vous m’aviez dit que vous auriez du courrier à me faire envoyer ce soir mais je crains que vous ne l’ayiez oublié.”

    Les yeux tombants de Maiden -tombant non seulement de par leur morphologie inclinée sur son visage, mais aussi de par son regard descendant furtivement de la tête à la poitrine de Madella- s’écarquillent brusquement en réalisant que la domestique a raison. Flûte, la lettre pour le Directeur du Commerce Privé! Il l’avait complètement rangé dans un coin de sa mémoire après avoir écrit la fameuse lettre, mais s’il se souvenait correctement de ce qu’il en avait fait après l’avoir rédigé… elle devait être restée dans le casier d’envoi au Comptoir même. Crotte de cornu biquette. Il avance dans le cadre de la porte, passant devant l’Intendante pour s’approcher des marches de l’escalier qui montent à l’étage supérieur. Tandis qu’il gravit les marches, il explique à la servante:

    ”Mon ange, vous allez de suite vous rendre au Comptoir et demander au garde, celui qui s’appelle Beaumont, de vous mener à mon bureau, à l’intérieur il y a un casier qui contient des lettres rangées avec des intercalaires, vous prenez celle étiquetée d’aujourd’hui, il n’y en a qu’une seule d’accord mon ange?”

    ”O-Oui Maître.”

    Arrivés sur le palier, il se campe devant la porte de son bureau, la main postée sur la clanche, prête à l’ouvrir.

    La porte s’ouvre.

    Seulement ce n’est pas celle de son bureau.

    Un soupir d’exaspération échappe des lèvres contrit d’Adrian tandis qu’il roule des yeux en regardant sa porte de son office, il se retourne lentement, Madella immobile à côté de lui, les mains jointes devant elle, pour faire face à la lumière qui émane de l’autre bout du couloir. La chambre de sa fille lui apparaît dans le cadre et la minuscule lueur de la bougie tenue par la petite gamine fait danser les ombres sur le plafond et derrière les meubles.

    ”Amandine, tu ne dors pas?”

    ”Non père, j’ai peur.”

    ”Mais enfin ma chérie de quoi as-tu peur? Mon bébé viens par ici et dis moi de quoi tu as peur?”

    La petite s’approche de son père, les yeux rougis d’avoir pleuré dans son lit. Elle tend le bougeoir à Madella et écarte ensuite ses petits bras pour que son père la soulève et la prenne sur lui. Le parent s’amuse à caresser du bout de son index la joue de la petite, avant de se répéter.

    ”De quoi as-tu peur ma chérie?”

    ”Je vois des harpies à la fenêtre, sous m-mon lit, d-dans l’armoire.”

    ”Tu as peur des méchantes harpies?”

    La petiote fond juste en sanglot en guise de réponse.

    ”Père viendra te border ma chérie, aller retourne au lit maintenant j’arrive.”

    Il redépose l’enfant par terre et la regarde trotter jusque dans sa chambre, qu’est-ce que ça peut être une plaie les marmots tout de même. Normalement ça ne devrait même pas être à lui de s’en occuper, c’est bien pour ça qu’il paie des domestiques, mais bon, là elle lui était tombé dessus, il était obligé de faire un effort. Il se retourne une fois qu’Amandine a fermé la porte de sa chambre et il ouvre quant à lui celle de son bureau, immédiatement, il lâche un éclat de voix qui aurait réveillé sa fille si elle ne dormait déjà pas en constatant avec effarement:

    ”MADELLA PUTAIN!”

    L’Intendante sursaute, son regard d’incompréhension trouve réponse lorsqu’elle se penche dans le cadre pour jeter un coup d’oeil au bureau et remarquer la fenêtre ouverte, elle était pourtant sure de l’avoir fermée après avoir épousseté le bureau du Sous-Gouverneur, mais visiblement elle avait dû mal enclencher la poignée. De rapides pas énervés mènent Adrian à la fenêtre qu’il ferme en fulminant:

    ”Je vous ai déjà dit mille fois, non DIX MILLE FOIS! De fermer la fichue fenêtre après avoir lavé! Il y a des documents qui ont plus de valeur que vous dans cette pièce! Mince!”

    Il ne perd pas de temps et traverse la pièce dans l’autre sens pour venir devant sa veste, accrochée au porte-manteau de l’entrée, et plonge la main dans la doublure de la poche pour en sortir un trousseau. Dessus quelques clés s’agitent en tintant, celle de son coffre personnel, celle de son coffre de la Banque des Chaînes, celle de chez lui, celle du Comptoir et une clé magique juste pour piéger d’éventuels voleurs. Détachant la clé correspondant au Comptoir, il la tend à Madella qui fait immédiatement demi-tour pour partir accomplir sa quête, mais Adrian est plus rapide et une fessée file à la volée, claquant bruyamment le postérieur de l’Intendante qui glapit de surprise. Tu n’y échapperas pas coquine! Adrian referme doucement la porte du bureau afin de ne pas faire de bruit pour sa fille, et descend les marches pour retourner directement à sa chambre, la gamine doit sans doute déjà dormir de toute façon.
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    Pancrace Dosian
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  • Mer 23 Aoû - 22:16

    J'ai une sueur froide et un tremblement quand j'entends que tout s'agite dans le couloir. L'oreille collée contre le battant de la porte, j'manque pas un seul instant des échanges qui suivent entre Maiden, sa fille et sa bonniche. Quand j'entends le responsable se rapprocher de la porte, j'sonde rapidement la pièce jusqu'à trouver un recoin sombre dans lequel j'me blottis, loin du bureau et hors de vue. A quatre pattes derrière un siège, j'vois bien quand il sort ses clés de sa veste, pour en retirer une et la tendre à sa domestique avant de refermer le bureau derrière lui.

    Voilà mon ticket d'entrée.

    Le senseur magique identifie quelle clé correspond au coffre, et j'observe les autres en détail, mais y'en a qu'une qui a l'air bizarre. Je la repose soigneusement et j'ouvre le loquet magique pour y trouver un tas de documents et la copie conforme de l'enveloppe que j'ai contre ma poitrine. J'traîne pas pour faire l'échange et j'pousse un soupir de soulagement. Plus qu'à m'enfuir et on peut considérer la mission accomplie, pas vrai ? Et ça, une simple téléportation par la fenêtre fera parfaitement l'affaire.

    D'un autre côté, le vieux Fraternitas m'a dit qu'il cherchait à faire tomber Maiden, et j'ai bien une petite idée qui me vient en tête... Pas vraiment dans mes habitudes d'aller au-delà des tâches qui me sont assignées, mais ça coûte rien de faire bonne impression, pas vrai ? Puis, quelque part, ça serait rendre service, surtout qu'il semble se permettre des largesses avec son petit personnel. Ca serait qu'une forme de justice, en plus de faciliter le boulot de mon employeur actuel...

    On va pas se mentir, ça me dégoûte quand même un peu.

    Quelques instants plus tard, un deuxième Maiden sort dans le couloir en remettant en place la veste qu'il a prise sur le porte-manteau. Ma téléportation tiendra une bonne heure, et il faut savoir profiter de toutes les occasions, donc j'me dépêche de descendre vers l'entrée du manoir, persuadé que lui est retourné à son plumard. Madella, la servante, est justement en train d'enfiler son propre manteau et un chapeau pour couvrir sa tête.

    « Mon... Maître ?
    - Madella, mon enfant. Venez ici, que je réponds d'une voix doucereuse. »

    Elle s'approche en hésitant, avec les yeux qui furètent à droite à gauche pour trouver une échappatoire et sonder mon visage au sourire dangereux. Une fois qu'elle est à portée, je la plaque contre le mur, face à moi, et j'l'empêche avec mes bras de partir dans une direction ou l'autre. De là où j'la surplombe, j'vois que le début de son décolleté, et j'en voudrais presque pas à Maiden de mettre la main dans le pot de confiture. Mais il va apprendre que c'est pas pour rien que les femmes de riches préfèrent quand le petit personnel a un physique ingrat.

    Elle se débat et pousse des petits "Non, Maître !", alors j'me retiens de lever les yeux au ciel, me contentant de laisser courir mes doigts un peu partout pour soupeser tout ce qu'il y a à voir, et à appuyer de mon genou contre son entrejambe. Puis j'attrape sa mâchoire de sa main droite et j'force ma langue à travers ses lèvres pour lui arracher un baiser. Enfin, j'la laisse s'échapper, le souffle court, et j'lui adresse un rictus plein de promesse.

    « Nous reprendrons à votre retour, Madella. »

    J'ai rarement vu quelqu'un partir aussi vite.

    J'file remettre la veste où j'l'ai trouvée, et une téléportation plus tard m'emporte loin.

    ****

    Quelques jours plus tard, j'suis à nouveau à l'entrée de la demeure de Fraternitas. J'ai l'enveloppe sur moi. J'l'ai ouverte vite fait pour regarder ce qu'il y a dedans, et force est de constater que j'ai rien bité. Ca se trouve, c'était vraiment grave, ce qu'il faisait, mais j'crois qu'il a actuellement d'autres problèmes dont il doit se soucier.

    Oh, évidemment, Madella n'est pas allée porter plainte auprès des officiers républicains. Ca n'aurait rien donné, et elle a eu la sagesse de le reconnaître, malgré sa tronche et sa poitrine de grosse vache. Mais, allez savoir pourquoi, les choses ont fini par se savoir, et c'est d'abord sa femme, puis d'autres domestiques et anciennes servantes, qui ont communiqué, notamment dans la presse à scandale, que Adrian avait quand même les mains baladeuses. Les rumeurs ont enflé comme une baudruche, et il est très préoccupé par tout ça alors même que les documents qui vont sceller son destin vont se trouver entre les pognes de son chef.

    C'était dégueulasse, mais j'peux pas dire que je regrette.

    Avec la mine fière du devoir accompli, j'laisse le majordome m'introduire dans le petit salon de Zelevas. Mon garde-à-vous est autrement plus conventionnel que la première fois, et j'tends l'enveloppe avec une allure toute martiale.

    « Mission accompli, Monsieur. »
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  • Jeu 24 Aoû - 13:45
    ”PFFRTTT” Le vieillard s’étrangle à moitié sur sa tasse de thé et recrache le liquide en plein milieu d’une gorgée, avalant partiellement de travers en toussant gravement pour dégager sa trachée. ”Oh merde…”

    Non seulement il vient de tacher sa chemise, mais en plus de ça son numéro de l’Hebdo Républicain est couvert de gouttes brunes qui font baver l’encre en la rendant illisible, les papiers ne sont pas à jeter non plus, mais ce n’est pas agréable non plus.

    ”Mais qu’est-ce qu’il a fait ce con?” Il relit l’intitulé de l’article pour être sûr que ses yeux fatigués ne lui jouent pas un tour, mais non, c’est bien ça. ”Mais qu’est-ce qu’il a fait?” Cette fois avec plus d’assurance et moins d’étonnement.

    Du zèle, voilà ce qu’il avait fait. Ça ne peut pas être une coïncidence si un scandal éclate autour de Maiden dans la presse quelques jours après qu’il envoie Pancrace Dosian chez lui, le gaillard est décrit comme débrouillard et un bon mage noir, mais clairement il ne s’attendais pas à ce qu’il aille jusque là.

    ”Ce n’est peut-être pas tant un branleur que ça au final.” Dit-il en s’essuyant la chemise avec sa serviette.

    ***

    Quelques jours plus tard, l’Officier Républicain est à nouveau à l’entrée de sa demeure. Himir fait venir le bonhomme dans le salon du Sénateur et il campe à nouveau devant le fauteuil comme un soldat heureux, au garde à vous et la lettre à la main, avant de la tendre à Zelevas après qu’il lui ait donné une fois de plus un ‘repos’ superflu. Le vieillard se relève de son fauteuil en grimaçant, il prend appuis sur ses genoux et sur l’accoudoir pour se dresser tandis que ses articulations crient en protestation à cause de l’humidité. Il n’a même pas plu aujourd’hui mais avant-hier, du coup il a mal aux jointures, c’est moche d’être vieux. En trois pas il rejoint le jeune homme après l’avoir invité à s’asseoir et déballe les papiers, ce sont effectivement les originaux, donc c’est bien vrai, il l’a fait. Tant que ce crétin de Maiden ne fait pas le lien potentiel entre les Officiers et Zelevas il lui fichera la paix, et s’il le fait, il pourra toujours avancer ses preuves pour l’accuser devant le tribunal, c’est à dire absolument rien, la plainte de Zelevas pour diffamation derrière sera encore plus foudroyante que l’opinion publique par rapport à sa petite entreprise baladeuse avec sa femme de chambre. Pour le vieux il est loin de se douter de ce qu’à réellement fait Pancrace, il pense bien au contraire que la tromperie est réelle mais que l’Officier s’est contenté de la rapporter et de la faire diffuser.



    ”Pas mal, pas mal du tout.” Il fait quelques pas vers les fenêtres pour profiter un peu de la lumière, l’après-midi est timide et le ciel couvert ne laisse échapper que quelques rayons de soleil. Il soupèse ses options avant d’opter pour la plus transparente: ”Cette première mission était un test, du vent en somme. Notre bon vieil Adrian était au courant qu’on essaierait de s’introduire chez lui et ces documents n’ont pas de valeur particulière, il n’y a pas d’irrégularité avec le Comptoir de Liberty, du moins pas que je le sache. Et ne vous en faites pas pour le Sous-Gouverneur, s’il est innocent il s’en tirera, sinon il ne récoltera que ce qu’il aura semé… Ce n’est pas la première fois que des plaintes sont portées à son encontre mais c’est bien la première fois qu’elle font autant de bruit. Je dois dire que je suis impressionné fiston.” Un peu de familiarité ne fait jamais de mal, il ouvre le tiroir du bureau pour en sortir une pile de pièces d’or qu’il fait décompter sur son bureau dans un tintement alléchant. Après en avoir récupéré une demie-douzaine, il dépose le tout sur la table basse en venant se rasseoir avec un nouveau dossier en main, cette fois, il s’agit des choses sérieuses. ”Heureusement pour vous il n’y a que la mission qui était fausse, la paie est quant à elle bien réelle. Tout comme votre deuxième mission d’ailleurs, c’est pour celle là que je suis passé par tant de travers pour m’assurer de trouver la bonne personne. Toutes les qualités que vous avez démontré vont servir à son accomplissement, cette fois, évitez juste de créer une polémique dans la foulée, contentez vous de suivre les ordres, ce sera déjà bien. Toujours partant fiston?” Après confirmation, il étale les croquis et papiers de renseignement sur la table basse et continue. ”Ce coup ci ça ne concerne pas uniquement la SSG mais la République de manière plus directe. Hana Aldobrandini, c’est la benjamine de la Famille et elle vient tout juste de passer au grade de Capitaine de la GAR grâce au réseau de ses parents, elle commande un navire nommé le Talion qui fait partie de la flotte Républicaine fixe, le 12 Décembre dernier son navire a dépanné un de nos vaisseaux de la SSG qui n’a pas pu décoller du port en prenant une de nos cargaisons urgentes de plantes précieuses. Le problème c’est qu’apparemment la gamine s’est faite roulée au port et qu’elle aurait délivré les marchandises à des usurpateurs d’identité qui ont disparu avec les fleurs. Deux semaines après le chiffre d’affaire de Musa Entertainment double par rapport au mois précédent et les maisons de passes des Aldobrandini se mettent à recevoir de plus fortes fréquentations. La période des fêtes n’a de mémoire jamais fait monter significativement le chiffre des bordels que je sache, je suppose que ces salopards ont volé la cargaison à la SSG, que Hana a mené la caisse à bon port mais qu’elle l’a fait disparaître elle-même, mais ma supposition s’arrête ici. C’est une enquête difficile à mener en raison du manque d’informations et de moyens légaux, elle concerne non seulement une des Sept Grandes mais aussi une Capitaine de la GAR. La discrétion, est encore une fois la clé de cette opération, si vous échouez je pourrai vous faire éviter la cours martiale, mais mon influence ne pourra pas vous faire totalement acquitter. Trouvez moi des preuves, ou les réels responsables. Cette cargaison était extrêmement précieuse, tout comme la confiance de la SSG envers les Aldobrandini, nous avons besoin de savoir s’il est dangereux pour nous de commercer avec eux.”
    Citoyen de La République
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    Pancrace Dosian
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  • Ven 25 Aoû - 16:52

    J’dois retenir un mouvement de surprise quand il annonce que la mission était en fait bidon, que Maiden savait ce qui arrivait et que j’ai rien dérobé d’important. J’vais p’tet éviter de mentionner mes états de service exemplaires et que j’me suis arrangé pour que la bonniche dont j’ai déjà oublié le nom décide de tout balancer. D’une certaine façon, j’ai fait que donner la petite poussée supplémentaire mais il était déjà au bord de la falaise, et il peut s’en prendre qu’à lui-même, pas vrai ? S’il avait eu les fesses propres, il aurait jamais été éclaboussé.

    Mais on reparlera jamais de ça.

    L’important, c’est que ça le dérange pas outre-mesure. J’me répète cette phrase en tête encore une fois : c’est pourtant un collaborateur important de la SSG qu’il est en train de lâcher sans sourciller. Autant dire que j’me fais assez peu d’illusions sur mon propre sort s’il venait à m’arriver quelque chose, que ce soit auto-infligé ou dans le cadre des services qu’on se rend mutuellement. J’ai jamais digéré sa question sur la notion de sacrifice, faut bien l’avouer. Ah ça, c’est beau de parler de ça, confortablement posé dans son manoir à siroter du pinard dont la bouteille doit valoir une année de mon salaire, avec le loufiat à côté pour ouvrir le courrier, apporter le journal et les pantoufles, et compagnie.

    L’essentiel, c’est qu’il m’a à la bonne, maintenant. J’ai toujours eu la cote avec les vieux. C’est mon côté charmant, un peu canaille mais à l’écoute des anciens, ils m’adorent toujours. Certains se voient plus jeunes en moins, et les vieilles imaginent que j’suis un genre de gendre idéal. C’est dire à quel point, à partir d’un certain âge, on peut se retrouver complètement déconnecté de la réalité. La sénilité, c’est vraiment le naufrage du corps et de l’esprit.

    « Toujours partant, Monsieur, évidemment. »

    C’était pas le moment pour se faire la malle. J’dois avouer qu’à un moment, j’ai eu un doute de si c’était un recrutement bizarre pour les Limiers ou une autre organisation trouble et malsaine de la République, mais ça semble trop personnel pour ça. J’vais me contenter de ramasser la monnaie -environ deux semaines de salaire quand même-, et de continuer sur ma lancée. J’écoute la présentation avec attention. C’est le bon moment pour poser des questions intelligentes et déminer au maximum ce qui m’est demandé.

    « La mission semble plus délicate. »

    C’est un euphémisme.

    « Est-ce qu’il y a une date limite pour l’accomplir ? Je ne vais pas pouvoir m’absenter des semaines du travail, donc ça serait sur mon temps libre, ça risque de prendre un peu de temps. »

    J’réfléchis un peu, yeux dans le vague en direction de l’âtre de la cheminée. Y’a bien des pistes vers lesquelles commencer à regarder, en commençant par les intermédiaires, ceux qui sont en bas de l’échelle, et qui auront le plus de raison de parler pour peu qu’on leur trouve la bonne motivation. Ça doit même être possible de regarder dans les archives de l’office républicain des fois que y’ait quelques squelettes à ressortir du cadavre.

    « Est-ce qu’il est possible d’avoir les noms, et peut-être une description physique sommaire, des gens importants de chez Musa Entertainment ? Je les connais pas du tout, contrairement aux Aldobrandini. Les adresses des bordels, aussi. Et je voudrais bien le planning du Talion avec le détail de son équipage, s’il vous plaît. »

    Ça fera une bonne base de travail, pour trouver les gens, de qui il s’agit, s’il y a des archives sur eux, et commencer à fouiller si certains ont des liens avec Musa. Je doute qu’en m’introduisant chez Hana, je trouve un parchemin signé du patron avec écrit « Merci pour les fleurs, bisou. » donc il va falloir trouver des éléments un peu plus indirects qui constitueraient un faisceau d’indice suffisant aux yeux du vieux sénateur. Et ça, s’ils travaillent correctement, ce sera pas forcément une mince affaire.

    ****

    Sénateur et directeur à la SSG, y’a pas à dire, ça ouvre des portes et des tiroirs. Après avoir été en planque plusieurs nuits devant le plus gros bordel de Musa, et j’dois dire qu’effectivement, les affaires marchent bien, le calendrier a enfin synchronisé avec un passage du Talion sur les quais de la ville, avec des permissions accordées aux marins qui y sont. Matelot, c’est aussi la dégaine que j’porte, avec une veste lâche en lin, un pantalon large et des godillots classiques. Un peu d’entraînement m’a même permis de reprendre un peu la démarche chaloupée des hommes de la mer quand ils remettent pied à terre pour la première fois après plusieurs semaines.

    Sur les quais, j’vois un premier contingent de soldats républicains descendre et aller se balader en ville. De mon expérience, ça commence par aller bouffer, puis ça va se bourrer la gueule, et ça finit dans un bordel. La question, c’est de savoir s’ils vont chez Musa ou ailleurs, et vu les tarifs, à part la Capitaine, j’vois pas qui pourrait se le permettre, sauf arrangement à l’amiable. Pasque ouais, on trouve de tout chez eux, qu’on soit porté sur l’un ou l’autre, et y’a pas de raison qu’elle ait pas envie de s’envoyer en l’air avec trois ou quatre beaux éphèbes, finalement.

    J’ronge un peu mon frein, puis j’me dis que ça vaut mieux d’aller en planque devant la Rose Bleue, leur adresse principale. Si les marins du Talion s’y pointe, j’le verrai, et s’ils vont ailleurs, j’me suis arrangé pour être prévenu. Des gamins des rues sont ravis de m’rendre ce petit service pour quelques pièces de cuivre, après tout. Et j’suis pas jouasse alors que j’attends : si j’trouve rien dans les jours qui viennent, ça voudra dire que le Talion repartira plusieurs semaines, donc faudra trouver une autre avenue par laquelle passer pour arriver à la solution.

    Enfin, vers minuit, j’revois mes gus passer devant le videur à l’entrée, qui les contrôle sommairement avant de les laisser passer. Hé, v’là-t’y pas que les affaires reprennent. J’descends cul-sec la bière que j’ai devant moi, j’laisse les piécettes qui vont bien sur la table, et j’rejoins la file pour la maison du stupre et de la luxure.

    A l’intérieur, c’est loin des coins les plus criards dans lesquels il nous arrive de faire des descentes. Un quatuor joue une musique presqu’aussi aiguicheuse que la danseuse qui s’effeuille sur une estrade, et des serveurs et serveuses en tenue légère distribuent des boissons trop chères aux clients qui les demandent pour s’échauffer en attendant qu’on s’occupe d’eux. Mon groupe commence à peine à se poser, et j’temporise en regardant autour de moi, notamment la galerie de tableaux d’artistes mettant les consommations possibles en avant.

    Et là, y’en a bien pour tous les goûts : hommes ou femmes, humains ou non, quelques shoumeïens, une poignée de reikois, et des trucs sacrément exotiques en terme de croisements hybrides. J’suppose que leur réputation d’avoir une des cartes les plus exhaustives de la ville est pas dénuée de vérité. Et ça se ressent sur les tarifs : j’espère que Fraternitas paiera bien, pasque pour l’instant, je suis sur mes deniers, et que ça va piquer.

    Mais la mission d’abord, et qui dit boulot, dit d’aller faire un tour au bar. Ce sera le bon plan pour faire la conversation et gratter des informations.
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    Zelevas E. Fraternitas
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  • Dim 27 Aoû - 16:02
    Une fois son exposé terminé, Zelevas s’assure que l’Officier a bien saisi non seulement les enjeux de la mission mais aussi ses objectifs, il s’adosse à nouveau dans son fauteuil et retrousse ses manches pour être plus confortable avant d’écouter les questions inévitables que Dosian se pose.

    ”C’est bien un des seuls avantages de cette mission, nous avons la chance de ne pas être pressés par le temps. Vous allez avoir un peu de marge de manœuvre quand même, après tout vous serez dispensé de travailler à cause de votre maladie contagieuse pour les deux prochaines semaines, bon rétablissement d’ailleurs, si vous avez besoin de temps supplémentaire je vais voir ce que je pourrai faire mais mon bras ne peut pas s’étendre indéfiniment.” Il marque une pause pour boire une gorgée d’eau et continuer. ”Les adresses dont vous avez besoin sont renseignées ici, là vous avez la liste des suspects que les Officiers qui ont enquêté ont établis avant nous et là vous avez les affectations d’Hana sur le mois prochain, par contre je n’ai pas le détail de l’équipage, je vous le ferai parvenir aussi tôt que possible.”

    ***

    Dossier #1: Hana Aldobrandini

    Dossier #2: Calvin Peltier

    Dossier #3: Mathis Galgiano

    Dossier #4: Chat Noir

    Dossier #5: Marijoie de Calomin

    ***


    ”Six hydromels épicés ma jolie!”
    ”Combien?”
    ”Six!”
    ”Dix? Répète plus fort j’t’entends pas mon coeur.”
    ”SIX!”
    ”Six hydromels épicés c’est parti”

    Le vacarme des conversations, de la musique, des éclats de rire, des cris d’extase et le brouhaha général qui règne dans la maison close est contagieux. Les marins de la GAR qui viennent de s’installer sur une des banquettes circulaires en feutre rose commencent à parler entre eux avec des sourires hagards sur leur visages tandis que Pancrace s’approche du bar. Là voix éraillée de la tenancière au comptoir qui peine à écouter les commandes de grands garçons déjà éméchés surplombe à peine les discussions ambiantes tandis que le son de la tireuse continue de déverser la luxure et l’excès dans les veines des consommateurs. Assis sur un des tabourets au comptoir, un jeune homme aux cheveux bruns de la même couleur que ses yeux, le jeune Galgiano, écoute parler un des serveurs de la Rose Bleue avec grand intérêt. Les prunelles du jeune homme semblent dévorer du regard l’elfe en petite tenue qui joue avec le col de sa chemise et Mathis se prend visiblement au jeu, commandant une deuxième consommation pour son “ami”. Quelques minutes plus tard, un cocktail d'un bleu azuré recouvert d'une couche de liqueur écarlate est déposé devant la paire et tandis que Gagliano tend la coupe à l'éphèbe qui le courtise, Pancrace parvient à repérer le subtil mouvement de paume de l'herboriste qui glisse une sorte de poudre dans la boisson. De l’autre côté de la salle cependant, là où les marins se sont installés, c’est une surprise qui attend l’Officier Dosian puisqu’un autre des suspects fait son apparition à la Rose Bleue, un suspect qui est normalement sensé être en permission. Calvin Peltier en tenue de civil vient tout juste de s’asseoir à la banquette de ses collègues après avoir serré les mains et prit place au milieu des hommes et femmes. Le soldat et accessoirement garde du corps d'Hana Aldobrandini est pour une fois "seul", sans sa protégée à portée de main.
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    Pancrace Dosian
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  • Dim 3 Sep - 11:07
    Si j'pensais faire autant carton plein pour la première soirée, on serait venu à dix avec les collègues, et pas moi tout seul. Reste que les possibilités sont multiples, et qu'il faut vite trouver un angle d'attaque. J'm'accoude au bar après avoir évité quelqu'un qui repart avec ses boissons. Une des serveuses tourne son joli minois vers moi et serre les bras pour faire ressortir sa poitrine, déjà rehaussée par un bustier à froufrous qui semble annoncer un rude combat à celui qui voudra l'en débarrasser. Les yeux vagabonds, j'commande une bière et j'manque de cracher dedans quand elle annonce le prix. J'masque tout ça derrière une quinte de toux et un clin d'oeil, avant de reporter mon attention sur Galgiano et Peltier.

    J'sens une main aux fesses d'un client éméché qui pointe vers le plafond et les chambres qui s'y trouvent sûrement.

    « Nan, j'travaille pas ici.
    - Ca n'empêche pas.
    - Pas de ce bord, désolé.
    - Mes excuses. »

    Sa tête me disait vaguement quelque chose, mais rien en rapport avec la mission actuelle. Concentration. L'elfe glousse audiblement au moindre commentaire de Galgiano, et une rougeur excitée couvre ses joues et ses oreilles et, de ce que je peux voir vu comme il est peu vêtu, ses fesses. Il se penche aussi de plus en plus au contact de l'herboriste prestidigitateur et j'en viens à m'interroger sur l'intérêt de droguer des gigolos qui de toute façon vont coucher avec toi moyennant finances. J'ai deux hypothèses, la première, c'est que ça l'excite de prendre le contrôle en filant ça à des inconnus. La seconde, c'est qu'il teste des trucs bizarres sur les prostitués en prévision de la vente et que tout ça est une expérimentation.

    En plus de joindre l'utile à l'agréable, et ce même si ça mélange le pro et le perso.

    Derrière, Peltier a l'air en bonne voie pour se bourrer la gueule, et ça balance des grands rires gras et on entend d'ici quand ils font claquer les fesses des filles qui passent à portée. Ils sont pas encore au stade où ils vont monter dans les chambres en plus ou moins nombreuse compagnie, donc j'vais commencer par Galgiano. En plus, il va p'tet arriver un truc au pointu, donc en théorie, faudrait que je m'assure qu'il va bien.

    J'me détache du bar et j'passe une première fois derrière le gigolo en frottant ma hanche contre la sienne et en plaçant ma main dans le creux de son dos pour signaler que j'ai besoin de passer. Mes yeux se plantent dans ceux de l'herboriste, puis j'me dirige vers une autre pièce, un peu séparée, dans laquelle des danseurs et danseuses font un genre de revue vulgaire. Au milieu des spectateurs, j'ai une bonne vue sur ce qui se passe au niveau du bar, et après dix minutes à éviter avec bien peu de succès les mains baladeuses, j'retourne dans la première pièce.

    Ma pogne glisse plus lourdement le long des épaules musclées de l'elfe, et j'm'y attarde davantage. Il m'attrape par la taille et me rapproche de Galgiano.

    « Mathis, on pourrait peut-être ajouter un peu de piquant, non ? Hihihi... »

    Son gloussement m'horripile déjà. Mais l'autre semble pas opposé à ajouter un peu de folie.

    « Faisons un peu connaissance d'abord. Ton verre est vide, je vais t'en chercher un.
    - Avec plaisir ! Que j'réponds. »

    Pas besoin d'être devin pour savoir qu'il va me mettre la même sauce secrète que l'autre, qui surjoue sans doute le fait d'être en chien dans une certaine mesure -après tout, il est payé pour ça- mais dont les pupilles largement dilatées, maintenant que j'suis tout proche, me font dire que y'a pas que de l'achalandage classique. Puis le cocktail arrive, et de mémoire de carte, ça a pas dû être gratuit. Mais Mathis est ravi et on trinque joyeusement avant que j'prenne une gorgée pimentée dans laquelle on sent bien la morsure de l'alcool. Ca, c'est un sacré mélange.

    « Alors, on t'appelle comment, mon mignon ? »

    J'ai un blanc, vu que j'ai pas préparé la question.

    « ... Nanar. Mon surnom.
    - Nanar, comme Gunnar ? »

    Hein ? C'est pas un prénom très très courant, alors j'me dis que j'aurai quelques questions à poser à l'occaz' à un collègue, d'aventure. Juste histoire de rigoler un peu.

    « Non, pas du tout. Comme Bernard.
    - C'est pas Béber, normalement ?
    - Si, mais c'était déjà pris. Par Bertram.
    - Sale histoire.
    - Ouais, j'ai l'impression qu'on m'a volé le surnom auquel j'aurais dû avoir droit. Et vous ?
    - Mathis.
    - Lorindol.
    - Et qu'est-ce qui amène un elfe si loin de ses terres, si c'est pas indiscret ? Que j'demande.
    - J'étais dans une relation un peu toxique avec une fille, mais je voulais autre chose, et de fil en anguille, j'ai commencé à entretenir une relation par correspondance avec un autre elfe, hihihi... Une chose conduisant à une autre... »

    Vu ce qu'il chasse, on imagine assez bien.

    « Nos écrits ont commencé à s'enflammer. Elle a découvert le pot-aux-roses et, devant la désapprobation de nos deux familles, j'ai dû disparaître pour rejoindre mon amant. Seulement, je ne savais pas que lui aussi était dans une relation dont il était par ailleurs ravi, et... mais je suis plus heureux comme ça, hihihi... »

    A voir la bosse dans son slip, j'en doute pas trop sans être tout à fait convaincu. J'regarde mon verre avec désespoir. Puis j'balance une attaque mentale sur une serveuse qu'a un plateau rempli à ras-bord de coupes qu'elle va refiler à une autre table. Elle trébuche, fait tout tomber dans un fracas abominable, avec des éclats de verre et de liquide qui volent dans un rayon de deux mètres autour d'elle, sous les jurons, et les rires des clients. Quand toute l'attention est sur eux, j'échange le mien avec celui de Galgiano, et j'renverse la moitié par terre.

    Quand leur attention se reporte sur notre petite tablée, j'lève mon verre volé, comme pour trinquer.

    « Aux belles rencontres et aux nuits sans lendemains ! »

    Ca cul-sec proprement, et j'me demande combien de temps il faudra pour que ça fasse effet.

    « On monte ? Demande Lorindol.
    - Allez. »

    Il est déjà plus rougeaud, mon herboriste. C'est bien joli, mais c'est quoi la suite ? J'veux bien bosser, mais certaines parties sont hors-menu, et j'sens que ça se rétracte comme dans mon abdomen, là si bas. D'un autre côté, y'aura sûrement une solution pour l'individu créatif, pas vrai ? Donc on prend les escaliers, et l'elfe nous montre les différentes chambres auxquelles on peut prétendre. On en prend finalement une avec un plumard énorme, genre pour quatre ou cinq à dormir, mais c'est pas ce qui est prévu. Les draps sont propres, conformément à la réputation de l'établissement, et Mathis se plaque contre mon dos, suffisamment pour que j'sente une protubérance dur contre mon fessier. J'retiens un coup de crâne dans son nez, et j'me coule contre lui.

    « Commencez sans moi, je vais me débarbouiller, j'arrive.
    - Nan, j'préfère quand...
    - Moi pas. »

    Mon ton sec et la bourrade le pousse dans les bras gloussants de l'elfe, et j'me réfugie après de la bassine d'eau pendant qu'ils se chauffent et s'arrachent maladroitement leurs vêtements. Le spectacle me fait pas grand-chose mais j'vois bien les sapes qui tombent au sol, et la bourse de Galgiano. J'pense qu'on va commencer par virer l'elfe. Au gré de leurs ébats, et alors que Mathis se fait plaquer sur le dos dans le lit, j'sors trois cordes d'un tiroir, avec une écharpe.

    Toujours de quoi s'amuser.

    Lorindol est mort de rire en m'aidant à attacher l'apothicaire, puis j'l'attrape fermement par l'épaule. De la bourse de Galgiano, j'ai sorti quelques pièces d'argent, largement de quoi le payer et plus encore.

    « Laisse-moi seul avec lui et va trouver un autre client, d'accord ?
    - Quoi ? Mais j'étais parfaitement en jambes, y'en a pas pour longtemps, hihihi...
    - Tatata, allez file.
    - Bon... »

    Il m'adresse un clin d'oeil salace et un baiser soufflé avant de ramasser ses vêtements et de filer. Puis j'me tourne vers mon gigot bien ficelé, et j'sors une poudre mystérieuse d'un comportement de son doublet. J'lui verse tout dans la bouche avec un filet d'eau.

    « Avale ça, et avale la suite. »

    Avec son nez bouché, il est bien obligé de le faire, même s'il commence à sentir que tout n'est pas net. Bon, maintenant, les questions.

    « Alors, comment un simple herboriste se retrouve à mener la grande vie ici et à filer des poudres rigolotes à des gigolos ? »

    J'ai pas tout mon temps, mais entre la came et la cravache que j'ai en main, et la vue dégagée sur ses testicules, m'est avis que je saurai le convaincre de m'en dire plus. Et c'est pas ses cris qui vont déranger le voisinage, très occupé lui aussi.
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    Zelevas E. Fraternitas
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  • Mer 18 Oct - 15:37


    Mathis Galgiano se trémousse à moitié à poil sur le lit pendant que Lorindol finit de le déshabiller, l’ambiance de la chambre est invitante avec sa lumière tamisée dont les teintes rosées sont projetées par les abat-jours colorés. Les mains suaves de l’elfe gigolo se baladent sur son bassin, ses hanches, remontent le long de ses flancs pour caresser les formes de son buste avec désir et l’herboriste peut sentir une douce chaleur ennivrante monter en lui, non seulement un appétit primal qui fait gonfler son sexe, mais aussi aussi une sensation d’ivresse jouissante, ses veines se dilattent légèrement sous l’effet de l’éthanol et en se rapprochant de sa peau lui donnent cette sensation enveloppant tout son corps. Ses joues rosissent, ses pupilles se dilatent imperceptiblement, ses sens s’empâtent dans une extase confuse pendant que le monde disparaît lentement et que son esprit s’enlise dans le plaisir flou de l’ébriété. Quelque chose ne va pas, il le sait bien c’est comme une petite cloche qui résonne au fond de sa tête et l’embête mais il n’a pas envie de l’écouter, elle est si agaçante cette petite sonnette d’alarme, contrairement aux sensations voluptueuses de son pantalon qui glisse sur ses jambes et des baisers de Lorindol dans le creux de sa poitrine. Mathis perd pieds, le plaisir est trop brûlant, trop intense, il s’adonne pleinement à l’intensité du moment. Le temps qu’il remarque que les caresses sensuelles se sont interrompues, Pancrace a déjà mis le gigolo dehors et sa cible est déjà ficelée avant même qu’elle ne se rende compte de quoi que ce soit. Dès qu’il se rend compte qu’il n’est plus libre de ses mouvements et qu’il n’a rien vu venir, Mathis réalise alors qu’une simple boisson alcoolisée à 30° ne devrait pas suffire à le mettre aussi bien, même en admettant que la barmaid se soit trompée de boisson ou ait trop chargé le cocktail, les flammes dansantes aux contours flous des bougies qui commencent à dessiner des traces bariolées au plafond lui apportent confirmation. Il a dû se tromper de verre au bar et boire son propre psychotrope. Il veut parler, mais quelqu’un lui pince le nez et Mathis se demande pourquoi Lorindol a si subitement changé de façon de faire, avant de croiser le regard de Pancrace et d’enfin enregistrer l’absence de l’elfe plantureux. Il veut protester, mais il a quelque chose dans la bouche, déglutit, avale, incapable de discerner un goût particulier mais le sachet que le jeune homme tient dans les mains lui donne la réponse à sa question.

    ”Oh. Ooooooh. Ouh aaah. Ah merde. Kesstuma fé avalerlà? Tusséoutussépa? Jjjjjjjdoa vomir. Jdoa vo-hurblg-vooomiiiir. Ah merde.” La tête de Mathis se dépose lentement sur l’oreiller comme celle d’un gosse fatigué qui se retient de s’endormir, son regard se fait vague et continue de slalomer entre les disques de couleur qui se multiplient sur le plafond.

    S’il a réellement déjà bu une dose d’anisette tout à l’heure et que ce type vient de lui faire avaler le reste du sachet, il allait certainement faire tout noir d’ici quelques minutes. Reste à savoir ensuite si sa carotide tiendrait bon ou pas parce que sinon il allait clamser.

    ”J’vé crevé. Konar. Merde…” Mathis peut déjà sentir sa tête tourner de plus en plus fort au fur et à mesure que la drogue diminue l’afflux sanguin à son cerveau, une légère sensation de pression au niveau de sa gorge commence à naître tandis que le principe actif resserre sa carotide. ”Dégueu. Lait. Dégueuleeer.” Un coup de pieds sans conviction contre la tête de lit lui permet de se pencher brièvement sur le côté et sa tête se met à pencher dans le vide au dessus du tapis en velour. Sa respiration se fait plus rapide, haletante, mais dans cette position il respire mal. Malheureusement pour lui, la course contre la montre est en sa défaveur étant donné la vitesse d’action de l’Anisette. ”NNNngghhh… Ah èd moa. ÈD MOA! Ma’, MA’, MAAAAA”

    Des bruits de pas lointains lui parviennent et il sent que quelqu’un s’approche de lui, il a l’impression d’être entrain de tomber dans un puit mais une douleur cinglante le rappelle brièvement à la surface. Puis il sombre à nouveau, spectateur de sa propre conscience, vivant ces instants à la troisième personne comme s’il n’était plus aux commandes de son corps. Lorsqu’il se rallonge sur le lit, dos contre les draps, les jambes inconsciemment resserrées pour protéger ses testicules endoloris, les pupilles de Mathis sont tellement dilatées qu’il devient difficile de déterminer la couleur de ses iris. La sclérotique est entièrement blanche, ses vaisseaux capillaires complètement transparents, la peau de son visage adopte un teint blafard qui contraste violemment avec le teint portuaire du reste de son corps et ses lèvres bleuissent à vue d’oeil.

    ”MMmmmmmmh-Mmmmmmmmmmh-Maa-Ma-Marijoie…oiiiie-aaah.”

    Son menton commence à se rétracter tout seul vers ses pectoraux à cause de sa carotide épaissie et raccourcie. Le trou noir au milieu de sa vision l’empêche de voir si l’individu est toujours avec lui dans la pièce et son ouïe est toute aussi confuse que ses pensées, Mathis Galgiano est complètement absent.

    ***

    Au rez-de-chaussée de la Rose Bleue, la salle commence à avoir cette ambiance pâteuse et progressivement plus mollassonne au fur et à mesure que les clients s'enivrent, que les musiciens fatiguent et que les fêtards comatent. Les divertissements se font plus discrets pour inciter les consommateurs du bordel à se répartir dans les chambres et le personnel de la Rose Bleue s’applique désormais plus à faire couler les fluides corporels que les liqueurs alcoolisées. Dans une des alcôves de la grande pièce principale, Calvin Peltier assène une claque dans le dos d’un de ses collègues et se lève pour repartir, mais il ne se dirige pas vers la porte d’entrée aguichante du bordel non, mais plutôt vers le comptoir du bar. Plus spécifiquement le militaire s’approche du portique pour les tenanciers et l’enjambe pour disparaître dans l’arrière-boutique où des petits escaliers de service en colimaçon montent vers une porte entichée d’un label “privé”. Il ne toque pas à la porte, parce que de toute façon dans ce genre d’établissement ça ne sert à rien, et il entre en essuyant tout de même ses bottes terreuses sur le paillasson.

    ”Madame Calomin, comment allez-vous?”

    La porte se referme derrière lui, replongeant la cour arrière de la Rose Bleue dans l’obscurité de la nuit.
    Citoyen de La République
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    Pancrace Dosian
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  • Jeu 26 Oct - 19:28

    J'avoue qu'au début, quand il a commencé à se débattre, étouffer, et essayer de vomir, j'ai pris ça à la rigolade. J'ris vachement plus jaune depuis qu'il a commencé à devenir tout bleu.

    J'lui enfonce deux doigts au fond de la gorge, mais on dirait que y'a rien qu'est coincé dedans. Vrai que j'ai p'tet surdosé l'aphrodisiaque mais il en clamserait ? Aucune idée, putain. J'attrape mon couteau dans mon tas de fringues, et j'coupe deux des cordes qui le retiennent aux poteaux du lit à baldaquin. J'le tourne sur le côté, j'lui tape dans le dos pour l'aider à tousser et tout. Il crache juste des longs jets de bile et de salive.

    J'capte rien à ce qu'il raconte.

    Quand il commence à se raidir, j'me rappelle de ce cours obscur de soin d'urgences qu'on a eu, à la fois dans la GAR, et ensuite plusieurs fois lors de la formation des officiers républicains. Soi-disant que si quelqu'un faisait un gros malaise, et un arrêt cardiaque, fallait qu'on soit apte à s'en occuper. J'en garde un souvenir un peu flou, pour être tout à fait honnête. J'coupe les deux liens restants, et j'le tire au sol, au pied du lit. J'le mets sur le dos, et, à genoux à côté de lui, j'place les deux mains au-dessus de son sternum.

    J'appuie. Fort. Puis j'compte dans ma tête, en essayant de pas avoir un rythme accéléré à cause des battements de mon propre palpitant, qui panique salement en m'disant que j'ai p'tet buté un connard ou un témoin, et que si y'a enquête, ça risque de faire salement désordre. J'pourrai toujours justifier, cela dit. Ouais. Ce sera pas le premier procès-verbal bidon que j'ferai. Mais d'abord, les soins.

    P'tet que j'aurais dû apprendre à faire ça magiquement.

    Les pensées s'entrechoquent sans fin alors que j'fais mon massage cardiaque, en rythme, et au bout d'une trentaine... environ ? je crois ?... j'ouvre sa bouche et j'souffle dedans en espérant que ça reparte. Puis j'recommence. Vers la fin du deuxième cycle, il prend une grande inspiration, sifflante et bruyante, et se tourne sur le côté pour cracher le contenu de son oesophage. J'me passe une main humide de sueur sur un front tout aussi mouillé, et j'me rends compte que le couteau est à côté de lui, et qu'on est tous les deux à poils.

    Il reprend faiblement son souffle, et j'attrape mon arme, avant de la lui mettre sous la gorge. A vue de nez, y'a bien cinq minutes qui se sont écoulées.

    « T'as bien du bol, dis donc, hé ? Du coup, on va la faire différemment. »

    Un coup d'oeil plus bas vers son membre raidi montre bien que l'aphrodisiaque a quand même fait effet, et qu'il est pas encore totalement métabolisé. J'me demande s'il verra encore un peu flou. J'ai surtout l'impression que le fait que la mort l'ait effleuré d'aussi près l'a immédiatement fait redescendre, aussi bien de l'alcool que des médicaments, et j'peux difficilement lui en vouloir : j'suis exactement dans la même situation que lui.

    « Pourquoi un petit apothicaire refile de la came à des gigolos et des inconnus dans un bordel ?
    - Je... je vois pas de... de quoi... tu parles...
    - J't'ai ramené du royaume des gardiens une fois, mais j'peux parfaitement t'y renvoyer. Au pire, ça sera qu'un banal accident de plus dans un lieu de perdition.
    - Vous vous en sortirez pas comme ça...
    - T'es sûr ? »

    Il plante difficilement ses yeux dans les miens, et la certitude qu'il y lit semble le vacciner de l'envie de me mettre au défi. Et heureusement, parce qu'il aurait gagné. Mais c'est ça aussi, l'esbrouffe : parvenir à se convaincre suffisamment de ses propres mensonges que les autres commencent à y croire aussi.

    « Alors ?
    - ... c'est l'occasion d'expérimenter, et une drogue qui donne envie aux gens de baiser avec moi m'éviterait de payer pour venir.
    - Tu viens un peu trop souvent pour quelqu'un qui paye à chaque fois.
    - Oui, j'ai mes entrées en tant que client régulier.
    - Ca aide le bordel, si les gens ont le feu au cul ?
    - On peut dire ça...
    - T'as appelé Mariejoie tout à l'heure.
    - La patronne. »

    Il baisse les yeux, un peu honteux de répondre à tout. Va pas tarder à se rebiffer. J'lui flanque une baffe. Et j'lui arrache une poignée de cheveux.

    « Avec ça, j'peux te maudire. Genre te contraindre à bander mou jusqu'à la fin de tes jours, à plus pouvoir boire d'alcool ou à être terrifié par les hommes. Ou tout à la fois. Oublie pas. Bon, Mariejoie. Tu la connais bien ?
    - On échange et on fait des affaires, quoi.
    - Et Peltier, alors ?
    - Juste un collègue de la GAR.
    - Un collègue, hein ? Alors que vous avez rien en commun ?
    - Attendez voir, mais... »

    Ah, il a rapproché deux et deux. Le manche de mon poignard s'écrase dans son menton, et il tombe raide, déjà considérablement affaibli par son attaque un peu plus tôt. Pour faire bonne mesure, j'lui assène une grosse attaque mentale pendant plusieurs secondes. Si avec tout ça, les derniers événements ont pas un goût un peu flou dans sa mémoire, faudra le faire tomber dans les escaliers ou je sais pas quoi. Puis j'le fous dans un coffre que j'ferme à clé après l'avoir vidé de tous ses jouets, et j'me rhabille.

    Quand j'reviens dans la salle du bar, l'ambiance est plus calme, et les mains autrement plus baladeuses qu'au début. J'suis là juste à temps pour voir Peltier partir, et j'me gratte la joue. Surtout qu'il sort pas, il va dans l'arrière-boutique et ses bureaux. Un rapide coup d'oeil me montre que le gigolo elfe d'un peu plus tôt est plus là, alors j'me réfugie dans les chiottes le temps de me métamorphoser. En espérant que ça passe.

    L'apparence de Galgiano me sied pas vraiment à ravir, mais elle suffira à faire le travail. L'avantage, c'est qu'on fait peu ou prou la même taille, donc mes vêtements sont ax bonnes dimensions. J'ressors avec un p'tit sourire satisfait, et j'adresse un signe de la main au barman, qui me laisse suivre Peltier. J'en ai vu suffisamment pour le voir passer une cour intérieure et la porte qui est derrière, et là, c'est le dilemme : essayer d'entrer et d'y aller au bluff, ou rester dehors et écouter à la porte, même si ce sera salement suspect ?

    Franchement, je me sens pas de passer pour Mathis en face de deux personnes qui le connaissent. Donc j'me colle à la porte, et j'appuie l'oreille sur le battant. Sera toujours temps d'adapter la stratégie si besoin.
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  • Mer 15 Nov - 21:54


    Les bottes de Peltier font grincer le plancher quand le colosse marche sur le parquet de l’étage, à l’intérieur du bureau de Marijoie l’ambiance est presque plus suave et intime que dans le reste du bordel. Des lumières magiques melornoises coiffées d’abat-jours fushias projettent une lueur tamisée dans un office où le plafond disparaît dans un nuage laiteux de vapeurs de cigares, d’encens et de brumisateurs. Un tunnel creusé dans les parois et plaqué d’aluminium conduit la musique par réverbération jusqu’au bureau où les cuivres et les vents s’épanouissent langoureusement contre les revêtements moelleux des murs et des canapés capitonnés. Les mélodies paraissent venir de loin, très légèrement étouffées ce qui génère un simple fond sonore pour tromper les silences peu aguicheurs. Pourtant ce qui dérange le plus Peltier ce n’est pas l’ambiance de baisodrome du bureau de la directrice de la Rose Bleue, mais plutôt l’odeur qui y règne, entre les parfums, les encens, les effluves de sexe, de cigarettes, de vin, d’amuse-bouche qui trainent dans l’air en s’entre-mêlant, le lycanthrope et son odorat développé ne peuvent s’empêcher de frogner le nez en avançant vers le plan en bois de la vieille femme.

    ”Bien mieux depuis cinq secondes, maintenant que tu as ouvert cette porte mon chéri.”

    ”Moi aussi je suis content de vous voir, il y a bien des gens à côté? Je sens quelque chose d’étrange.”

    ”Un ami oui…” Marijoie perd son sourire en voyant le soldat s’approcher de la porte d’un pas décidé. ”Je t’en prie, laisse les s’amuser un peu, ils ne dérangent pas.”

    Peltier pose sa main sur la poignée rondelette de la porte de la chambre de Marjioie et se tourne de trois quart vers la directrice.

    ”Je souhaite te parler en privée, alors qu’ils soient trop occupés à se lécher le trou du cul ou pas, moi, il me dérangent.”

    Calvin ouvre la porte avec une force surprenante et débarque dans la chambre comme une tornade, provoquant la panique d’un gaillard dans la quarantaine dont les fesses à l’air font face au militaire pour cacher de l’autre côté le visage d’une jolie jeune gobeline à la peau vert pomme. L’homme de la GAR fait fit des éclats de voix et de protestation des deux lubriques qu’il vient de déranger, ramasse leurs vêtements jetés pêle mêle sur la chaise à l’entrée et chope la gobeline sous le bras comme un bagage en donnant un coup de botte sur le cul exposé de l’homme.

    ”Allez houste, les gens sérieux ont besoin de discuter, tirez vous les branleurs.”

    Après avoir chassé les deux concubins à grand coups de pieds au derrière pour les forcer à travers la porte d’entrée et après avoir jeté la gobeline comme un paquet de pomme de terre dans l’escalier, Peltier reclaque la porte derrière lui, ouvre une fenêtre pour le salut de son nez et se retourne une bonne fois pour toute vers Marijoie en prenant enfin place sur un des fauteuils devant le bureau.

    ”J’espère que tu n’es pas juste venu pour être désagréable avec mes proches, qu’est-ce qu’il se passe?”

    ”À ce qu’il paraît, il y a eu pas mal de résultats.”

    ”De?”

    ”Des excitants.”

    ”Ah, ah! Oui, hi hi effectivement ils ont été plutôt populaires mais on ne sait toujours pas comment réellement les monétiser ni faire fonctionner ça correctement.” La réponse de la patronne provoque un mouvement de tête consterné de la part de l’ex-mercenaire qui incline légèrement son visage pour signifier son incompréhension. ”Le problème c’est que les feuilles sont trop rares pour qu’on attire pas l’attention sur nous des services de contrôle si nous les vendons comme telles. Tu affiches Ginkgo sur le menu et ça y est ils vont passer dans les comptes juste pour s’assurer qu’on a payé les taxes dessus vu que c’est majoré à 66%.”

    ”Donc pour l’instant ce que tu as vendu tu l’as fait comment?”

    ”Réservé aux habitués.”

    ”Et c’est pas possible d’en obtenir plus?”

    ”Si, mais la gamine est retors à ce sujet. Et pourquoi ça t’intéresse autant, tu veux ta part c’est ça?” Le sourire et le regard d’auto-satisfaction de Calvin apporte instantanément une réponse à Marijoie ”Mouais, je me doutais bien que tu ne poserai pas autant de question juste pour mes beaux yeux hein. Et bien je ne sais pas, va parler à la piote et essaye de la convaincre de desserrer le poing, la pauvre elle va chier dur si elle continue à être coincée comme ça.”

    Peltier se relève et époussette légèrement sa veste pour se préparer à partir, il regarde simplement la mégère et lui dit avant de faire demi-tour:

    ”Je vais voir ce que je peux lui dire mais elle est plus dure en affaire que toi la petite, je me demande parfois pourquoi elle fait dans ce métier plutôt que dans les affaires comme ses vieux.”

    Marijoie se contente d’acquiescer du menton, rapportant son attention sur les documents éparpillés sur le bureau, attendant que la procrastination de la directrice ne s’estompe et qu’elle daigne s’occuper d’eux. Calvin se redresse et se dirige vers la porte, mais au moment de poser sa main sur la poignée, il fronce le nez en reniflant frénétiquement. Il se retourne vers Marijoie, l’air circonspect:

    ”Le gamin est passé aujourd’hui?”

    ”Mathis?” Un mmh discret de Calvin confirme que c’est après lui qu’il demande, donc Marijoie continue. ”Je ne sais pas, peut-être bien oui, mais seulement pour consommer, je ne lui ai pas parlé si c’est ce que tu demandes. Oh j’ai un de ces maux de crâne.”

    ”Eh, tu devrai lever le pieds sur ce que tu fumes, ça embrume l’esprit.”

    Si Calvin le dit sur le ton de la rigolade, il est pourtant contrarié. Il sent bien l’odeur de Mathis dans le bureau, enfin plutôt près de la porte, mais c’est discret, il devait être passé il y a quelques heures déjà. Soit Marijoie lui cache quelque chose, soit Mathis est passé discrètement au bureau sans se faire remarquer de la matriarche, dans les cas ça pue. Il pose enfin sa main sur la poignée et ouvre pour sortir.
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