Encore une forêt, décidément. Le ciel est bleu, légèrement tacheté par des nuages rayonnants d'un blanc étincelant à travers lesquels pénètrent doucement les rayons lumineux du Soleil. Fier et grandiose comme à son habitude, trônant dans le ciel azuré pendant que sa lumière submerge chaleureusement cette terre riche d'histoire. Les êtres vivants qui la peuplent et arpentent innocemment le monde. Cohabitant en symbiose avec la nature, béni dans cette sainte lueur, l'écosystème perdure dans une harmonie idyllique où la faune et la flore prospèrent et s'animent continuellement. Quel doux rêve que d'être le témoin de toute cette vie qui s'agite.

Majestueux paysage pour sûr et pourtant, la réalité peut parfois être bien cruelle là où le règne animal se doit de respecter la chaîne alimentaire imposée par Mère Nature. La Mort est une notion indissociable de la Vie. Car sans la fin, point de début. Sans achèvement, point de renouveau. L'herbivore se nourrit de ce que fait pousser la terre et il est destiné à être chassé par son prédateur naturel pour que celui-ci puisse survivre. Et ce qu'il reste de sa carcasse finira par retourner à la terre pour qu'elle puisse elle aussi faire éclore la vie.

La Réserve Faunique, somptueux projet que de faire perdurer ce cycle si important pour l'écosystème au milieu d'un monde en guerre. Un endroit où les espèces les plus rares peuvent côtoyer les plus communes sans craindre la main de l'homme, les conséquences des guerres et les maladies qui se propagent à travers le monde. Un petit paradis sur terre, un des rares encore existant et donc un endroit qu'il faut préserver par tous les moyens. À l'orée d'une forêt luxuriante, Eliëndir s'enfonce entre les épaisses branches de quelques feuillus qui ne laissent passer que très peu les reflets du jour. Néanmoins, juste assez pour éclairer son chemin jusqu'à sa destination. Car on pourrait croire qu'il est perdu au milieu de ce territoire resplendissant et honnêtement, ce n'est pas totalement faux. Cette odeur qui s'élève dans les airs au gré du vent et qui vient gentiment caresser ses narines comme pour l'attirer et lui indiquer la bonne direction. Douce senteur légèrement salée, c'est l'appel de l'air marin.

Bientôt, c'est le bruit lointain des vagues qui attire son attention. Il est sur la bonne voie, ses mains en évidence devant lui pour se frayer un chemin à travers les épais buissons, il finit enfin par sortir de la sombre forêt. D'abord complètement ébloui par la forte luminosité qui rebondit sur cette plage de sable doré, ses yeux se posent enfin sur cette vaste étendue d'eau qui se perd jusqu'à l'horizon. Voilà des années qu'il n'était pas allé à la plage et en réalité, au départ, il n'est pas venu pour ça non plus. Une lettre froissée qu'il garde précieusement dans une poche de sa tunique le conviait à se rendre en République pour une mission mandatée par le Ministère de la Culture, rien que ça. En tant qu'Ambassadeur, il est de sa mission de maintenir les bonnes relations entre Melorn et la République. Bien sûr, Eliëndir ne fait pas ça uniquement dans l'intérêt de la cité elfique car rien ne passe avant ses projets personnels. En réalité, c'est un moyen de se rapprocher un tant soit peu de la politique locale et de ses acteurs majeurs. Il n'a pas directement eu à faire à la ministre Dorylis de Rockraven mais... cela viendra. Ce n'est qu'une question de temps.

Outre l'autorisation du gouvernement qui lui permet de traverser la réserve sans craindre de représailles, le ministère lui a aussi assigné un guide pour éviter les incidents sur place. Et pour que quelqu'un surveille le mage noir, cela va de soi. Il avait rendez-vous avec cette personne d'ailleurs. Où ? Quelque part, il ne sait plus où exactement. En fait, il a justement été distrait par l'odeur de l'océan. Comment aurait-il pu l'ignorer ? Il n'en fait toujours qu'à sa tête et ce n'est pas Yéléna qui dirait le contraire. Sa guide va devoir l'attendre un peu. Ou plutôt, le rejoindre. C'est une excellente traqueuse, à ce qu'on lui en a dit. Et Eliëndir n'a vraiment pas fait d'efforts pour cacher ses traces alors elle ne devrait pas avoir trop de mal à remonter sa piste si elle le cherche.

Sa mission ? Ah, oui. Ce qui l'amène à la réserve. Une sombre histoire, un danger qui menace l'écosystème d'une partie de la forêt si ce n'est de toute la réserve. Les experts ne savent pas exactement de quoi il s'agit mais ils ont retrouvé des corps d'animaux sans vie ainsi que le cadavre d'un garde forestier. La sécurité du complexe a été vérifiée à plusieurs reprises et il ne s'agit pas là de braconniers ou d'intrus. Quelque chose à l'intérieur de la réserve s'est réveillée et est à l'origine d'une étrange magie noire. Parfait, c'est justement son rayon. Pourquoi faire déplacer un expert de Melorn alors que la République dispose de l'Université Magic qui a un cursus entièrement focalisé sur ce genre de magie ? Aucun n'a trouvé la solution au mal qui gangrène la réserve, tout simplement. N'est-ce pas pourtant l'autoproclamé meilleure école de magie du continent ? Dont la directrice et potentiellement la mage la plus douée du pays arrive à se faire capturer par on ne sait qui, c'est dire. Mais c'est surtout un autre sujet. N'entrons pas dans un débat stérile. Melorn est supérieure, c'est évident.

Eliëndir est donc là pour sauver les pots cassés. Mais cela peut attendre encore un peu, après tout on lui a laissé carte blanche et tout le temps nécessaire pour mener à bien sa tâche. Pour le moment, il est occupé à contempler l'horizon en s'approchant calmement du bord de l'eau. Ses longs cheveux blancs attachés à l'arrière de sa tête et flottant malgré tout face au vent marin de la même manière que les pans de sa tunique typique de Melorn, blanche et émeraude. Eliëndir n'est qu'extravagance et perfection à travers ce qu'il dégage et ce qu'il entreprend, en toute circonstance. Il y met un point d'honneur.

Tenue:

CENDRES

Le regard tourné vers l'horizon, la sérénité de la plage est agréablement inspirante. Il pourrait rester là pendant des heures à contempler la pure beauté de la nature. Ayant beaucoup voyagé, ce n'est pas du tout la première fois qu'il voit la mer mais il doit bien avouer que même si Melorn est somptueuse sur quasiment tous les points, elle n'est pas vraiment proche de l'océan. C'est un spectacle qui manque beaucoup au nord du continent. Et même lorsqu'il a l'occasion de visiter quelques villes portuaires, il n'a que très rarement le temps de profiter d'une journée au soleil comme on peut en juger par la peau naturellement blafarde de l'Elfe. Il y pense. Envoyer chier la République pour simplement rester là à profiter du panorama. Ils peuvent bien se démerder sans lui, n'est-ce pas ? Non, de toute évidence puisqu'il a dû faire le voyage depuis Melorn en partie pour cette affaire. Les mains jointes dans son dos, il prend une grande inspiration pour se motiver à reprendre le travail.

Alors qu'il s'apprêtait à repartir, il est surpris par la soudaine apparition d'une voix dans son dos. C'est d'autant plus troublant qu'il n'a entendu personne approcher, ni à travers les feuillages de la forêt, ni sur le sable chaud de la plage. Il pivote sur ses talons pour se mettre sur le côté jusqu'à pouvoir poser ses deux améthystes sur la jeune femme qui vient l'interrompre dans son petit moment de tranquillité. Quelques-unes de ses mèches argentées oscillent devant son visage au gré du vent. Il est consterné en découvrant Idunn, fille de la forêt et son guide pour le temps de son enquête. Avant même son apparence singulière, ce qu'il remarque tout de suite est sa taille. Elle est petite, vraiment très petite presque autant qu'une Naine pourtant il est à peu près sûr qu'elle n'en est pas une. La différence de taille est d'autant plus significative puisqu'Eliëndir est très grand. Il est donc surpris puisqu'on lui a parlé d'une demi-Orc. Il a eu l'occasion d'en rencontrer quelques-uns au cours de sa longue existence, ils sont grands et ont souvent une musculature impressionnante, au prix d'une intelligence réduite. Idunn n'a absolument rien en commun avec ces barbares sans cervelles si ce n'est peut-être la peau verte. Ses dons de Senseur magique lui permettent d'affirmer avec certitude sa théorie, tout son être pulse abondamment de mana. Un phénomène dont il a déjà été témoin à plusieurs reprises.

Non, pour sûr qu'elle n'est pas une demi-Orc et malgré tout, il peine à mettre cette femme dans une case bien précise. Qu'est-elle donc ? Il s'interroge longuement passant toutes les théories une par une dans son esprit. Les feuilles et les branches dans ses cheveux le rendent sceptique. Ce n'est pas comme si elle venait de se rouler dans la boue mais plutôt comme si c'était... naturel chez elle. Idunn semble être aveugle d'un œil, a en juger par la couleur très blanche de l'une de ses pupilles. Voilà qui est particulièrement handicapant pour une traqueuse qui passe tout son temps à se repérer dans la forêt. Point de présentation mais quelques remontrances qui, soit dit en passant, sont parfaitement justifiées. Il sourit discrètement à sa dernière phrase. Eliëndir est assez sûr de lui pour pouvoir se balader dans la réserve sans craindre pour sa vie. C'est plutôt l'écosystème qui devrait craindre l'arrivée d'un nouveau prédateur originaire de Melorn.

« Vous avez raison. Pardonnez-moi, mademoiselle. Je crois que j'ai été... distrait par la beauté du lieu. Je m'en remets à votre expertise à partir de maintenant. »

Il hoche humblement la tête, à la fois pour saluer son interlocutrice et à la fois pour s'excuser d'avoir simplement disparu. Il finit de se tourner complètement vers l'élémentaire en faisant calmement quelques pas dans sa direction, notamment pour l'observer d'un peu plus près. Il penche la tête sur le côté, vraiment intrigué par cette créature car il n'a encore jamais rien vu de similaire. Une hybride, peut-être. Croisé avec quoi, va savoir. Ou alors... une élémentaire ? Voilà qui expliquerait pourquoi la magie afflux autant dans les veines d'Idunn. Décidément, il ne se lasse pas de faire des rencontres aussi exceptionnelles. Clignant des yeux, l'Elfe baisse son regard sur ses propres vêtements qui visiblement ne sont pas au goût de sa charmante partenaire. Il affiche un petite mine déçu, il a mis du temps à s'apprêter ce matin. Par ailleurs, puisque Idunn a déjà commencé à le tutoyer, il s'adapte et se met à faire de même à partir de maintenant.

« Heureusement que je n'ai aucune intention de me salir alors. »

Même si ça devait arriver, et oh que oui il va salir ses beaux vêtements aujourd'hui, il n'aura qu'à passer une autre commande auprès d'un grand couturier pour avoir exactement la même tunique. L'or n'est pas un problème, suffit de le regarder plus d'une seconde pour le comprendre. Au moins, il a fait un petit effort à ses pieds, il a pris une paire de bottes pour se déplacer librement dans la gadoue. Oui, Idunn l'a percé à jour. On ne fait pas plus citadin qu'Eliëndir. Cette fois, il se met à pencher la tête mais aussi le buste avant de venir se présenter en retour.

« Enchanté, Idunn. C'est un plaisir de faire ta connaissance. Je suis Eliëndir, ambassadeur de Melorn et mage mandaté par le Ministère de la Culture dans le cadre de cette enquête. Mais tu peux juste m'appeler Eliëndir, ce sera parfait. »

Avec une pointe d'humour, juste de quoi détendre un peu l'atmosphère. Ils vont devoir se supporter un moment alors autant faire en sorte que ce travail soit le plus agréable possible. Se redressant de toute sa longueur, il vient se saisir minutieusement d'une mèche ennuyante qui passe devant ses yeux pour la glisser derrière son oreille.

« Je vais faire mon possible pour te suivre et marcher dans tes pas, mais j'espère que tu seras indulgente avec moi. J'aimerais voir la zone malade de la réserve, si possible. Et l'endroit où le garde forestier est mort. Si tu peux me guider là-bas, je t'en serais très reconnaissant. »

Souriant à son vis-à-vis, Eliëndir est prêt à repartir quand Idunn l'aura décidé, en essayant de suivre le rythme.

CENDRES

Petite victoire dont il se satisfait de voir naître un fin sourire sur le visage de l'élémentaire. Il n'a pas eu de mal à percer ce voile se sévérité qu'elle tentait d'arborer en sa présence. Idunn est une personne bien trop joviale pour jouer un rôle aussi contre nature. Maintenant qu'il est un peu plus proche d'elle, physiquement parlant, un coup d'œil affuté s'intéresse un peu plus à l'équipement que transporte sa guide. Remarquant ses dagues, mais bien incapable de discerner son arc. Ses caractéristiques sont stupéfiantes, cette élémentaire doit être la plus redoutable des chasseuses dans un environnement comme celui-ci. Un véritable caméléon, capable de disparaître à sa guise à l'ombre d'un arbre ou de quelques feuillages. Et le mage noir trouve ça absolument fascinant.

Redressant légèrement son dos comme un bon petit soldat à l'écoute, il est très attentif aux consignes de sécurité en vigueur au sein de la Réserve. Faut dire qu'il n'a pas pris le temps de lire la petite brochure consignant les règles du parc que lui a confié le Ministère. C'est peut-être pour ça qu'il ne s'est pas bien organisé et il devra faire avec l'absence du nécessaire de survie. Soit, il se débrouillera très bien sans s'encombrer et se faire mal au dos avec un sac beaucoup trop lourd à son goût. Puis, la seule chose dont il a besoin en territoire hostile ne se trouve-t-elle pas juste devant lui ? Si sa guide est aussi compétente qu'on lui a dit, alors Eliëndir ne risque absolument rien grâce à sa vigilance et ses nombreuses connaissances. Le mage noir plisse légèrement les yeux quand son vis-à-vis s'interrompt d'elle-même dans son monologue. Il a tout juste le temps de la voir perdre son ravissant sourire alors qu'elle se met subitement à ouvrir la marche. Voilà une réaction bien étrange, ceci dit l'Elfe emboîte le pas juste derrière elle pour ne pas trop se faire distancer. Eliëndir est effectivement bien incapable de naviguer en forêt avec autant d'aisance que sa guide mais il met du coeur à l'ouvrage. Le petit prince de la ville est bien loin de chez lui, alors il fait de son mieux pour suivre Idunn. D'ailleurs, c'est un titre qui lui sied à merveille.

Jérôme... pourquoi ce prénom lui est étrangement familier alors qu'il ne connaît personne répondant à cette appellation ? Un garde-chasse dit-elle ? D'où est-ce que ça vient déjà... Ah, oui. La victime, on lui a partagé son identité pendant le petit briefing de sa mission. Ça ne l'a pas beaucoup marqué visiblement. Il ne met pas longtemps à faire le lien et à en juger par sa précédente réaction, Idunn et le garde-chasse en question devaient plutôt bien se connaître. Assez pour être prise d'un soudain chagrin en se remémorant son souvenir. Un ami, très certainement. Elle n'aurait pas été aussi peinée pour un simple collègue. Les gardes forestiers sont sûrement très soudés entre eux, ils doivent tous se connaître à force de travailler ensemble. Bon, au moins ils ont leur destination à présent. Eliëndir se met à sourire en coin, repoussant calmement une branche de la main qu'Idunn a soigneusement évitée juste avant lui, sans même la frôler.

« Je n'ai rien contre quelques fruits et plantes comestibles. J'aimerais beaucoup t'accompagner chasser, si tu l'acceptes. Je sais tirer à l'arc, aux dernières nouvelles en tout cas. Mais je n'ai jamais vraiment chasser, pas dans le premier sens du terme. Tu penses que tu pourrais m'initier à la forêt ? J'apprends vite, tu verras. »

Eliëndir semble prendre toute cette histoire avec une pointe d'humour, pour le moment. Il n'est pas là pour s'amuser mais personne n'a besoin de le savoir n'est-ce pas ? En tout cas, il n'est pas contre quelques leçons pour faire passer le temps.

Oh. C'était donc ça.

Les sentiments sont une science bien plus difficile qu'on pourrait le croire. Ils peuvent se manifester de dizaines de façons différentes, alors il est aisé pour quelqu'un qui n'y est pas accoutumé de rater un signe important lors d'une conversation. Eliëndir lui, peut percevoir le moindre changement dans la voix d'un individu quel qu'il soit, à moins que l'individu en question soit un excellent menteur. Ce n'est pas le cas d'Idunn en l'occurrence et la soudaine sonorité changeante qu'il distingue dans son timbre de voix trahit le lien qui unissait l'élémentaire au défunt Jérôme. Des amis, il n'était pas si loin du compte même si finalement, il devine que c'était un peu plus fort que ça entre eux. Pas qu'il en ait réellement quelque chose à faire de savoir avec qui couche Idunn mais en réalité, dans l'intérêt de son enquête, il est important pour lui de savoir si l'attachement qu'elle avait pour le défunt ne va pas être un frein pour sa mission.

On peut faire des choses très stupides par esprit de vengeance. Ou par amour. Il en sait quelque chose.

« Parle-moi un peu de toi, Idunn. D'où est-ce que tu viens exactement ? Cela fait longtemps que tu es garde forestière ici à la Réserve faunique ? Ton père aussi travaille ici ? »

C'est qu'elle est rapide, cette élémentaire. Pourtant, quand il l'observe d'un peu plus près, il n'a pas l'impression qu'elle fasse tant d'efforts que ça pour se déplacer avec autant d'aisance. Contrairement au bellâtre qui se traîne dans son sillage. Sans parler du fait qu'il est très souvent distrait par les paysages stupéfiants et l'environnement luxuriant qui prospère tout autour de lui. La faune et la flore sont d'une richesse insoupçonnée ici et pourtant, rien n'attire plus son intérêt que Idunn elle-même.

CENDRES

Marcher moins lourdement donc, l'Elfe est assez sceptique. Enfin, c'est surtout qu'il n'a aucune idée de comment faire ça. C'est plus facile à dire qu'à faire, tout le monde n'a pas les talents d'Idunn.

« Vraiment ? Je n'ai pas l'impression d'être si bruyant que ça, pourtant. Je ne sais pas trop comment faire pour alléger mon pas. Et c'est vrai, j'ai dit que je ne voulais pas me salir. Mais si c'est pour une bonne cause alors je veux bien faire une exception. D'ailleurs, je te remercie pour le compliment. »

Parce que pour sûr, son petit commentaire l'air de rien sur sa belle tenue, était un compliment qui vient directement flatter son égo surdimensionné. Souriant discrètement, il acquiesce à la suite juste avant de faire les gros yeux en posant son regard sur le sol. Il enjambe difficilement une racine au dernier moment, manquant de peu de se ramasser comme un idiot. C'est qu'elle aurait pu le prévenir plus tôt quand même. Enfin, il finit par reporter son attention sur sa guide qui commence un sacré monologue sur sa propre personne. C'est qu'elle aime s'entendre parler cette élémentaire là, quoi que ça ne le dérange pas spécialement. Il apprécie converser avec Idunn et puis ça fait passer le temps, la route est longue et Eliëndir n'est pas un grand randonneur, Idunn peut le deviner assez facilement à la façon dont il marche.

Au moins, le bon côté de cette conversation quasi à sens unique, c'est qu'Eliëndir ne manque pas d'information pour son enquête. Il en apprend un peu plus sur le territoire du célèbre Jérôme et son réseau de grotte. Le mage noir tapote son menton de son index, l'air de réfléchir. La faune fuit le périmètre malade pour une bonne raison et ils vont devoir découvrir de quoi il s'agit. Il y a quelqu'un, ou quelque chose là-bas qui terrifie les animaux. Il va falloir enquêter sur place, ils trouveront sûrement quelques indices dans ce réseau de grotte. Bien sûr, l'information la plus importante est évidemment celle qui mentionne les biscuits de cette "Mann". Alors il secoue négativement la tête, pas de biscuit c'est bien noté. Mener une enquête sur une zone malade à cause d'une forte présence de magie noire, pourquoi pas. Casser sa belle dentition parfaite à cause d'un biscuit à la con ? Ça, c'est non.

L'Elfe se met à ricaner à la suite de ses paroles. Tout de même perplexe quand elle se décrit comme une hybride. Le Ministère a parlé d'une demi-Orc et maintenant c'est une hybride ? Très curieux, surtout qu'elle lui a plus ou moins révélé son âge et il est à peu près sûr qu'aucun hybride ne peut vivre un siècle et demi. Ceci dit, il ne rajoute rien à ce sujet. Comme si elle descendait du ciel donc ?

« C'est amusant que tu dises ça, j'ai plutôt l'impression que tu sors tout droit de la terre. Je vais essayer d'un peu moins te regarder, mais c'est difficile alors je ne promets rien. »

Travaillant longuement sur le rythme de son souffle pour essayer de suivre son guide avec difficulté, il tourne à gauche comme convenu et aperçoit la montée en question. C'est un sacré euphémisme, il est épuisé rien que de regarder ce qu'il va devoir traverser. Bordel, il est pas sorti de l'auberge. Pourquoi est-ce qu'il a accepté cette mission déjà ? Note à lui-même, la prochaine fois la République ira se faire foutre.

« Hm Hm. Ça va aller. Je crois. »

Sans grande conviction, de toute façon il ne peut plus faire machine arrière. Il va souffrir un bon coup dans les articulations mais ça va lui faire le plus grand bien. Voilà qu'il se questionne de nouveau sur les mystérieuses origines d'Idunn. Décidément, c'est vraiment une très mauvaise habitude, et un peu malsaine d'ailleurs, qu'il a de toujours vouloir fouiller dans le code génétique de chaque individu qu'il rencontre. D'abord Neera, puis maintenant Idunn. Il est simplement trop curieux pour passer à côté.

« Et ton père, est-ce aussi un hybride comme toi ? D'ailleurs, tu as dit que tu es née ici. Tu n'as jamais quitté la réserve ? Tu n'as jamais pensé à voyager ? Pour voir le monde de tes propres yeux, par exemple. »

Voilà bien quelque chose d'inconcevable pour cet Elfe qui ne sait pas tenir en place. Il serait sûrement devenu fou s'il était resté enfermé à Melorn pendant tout ce temps, partir était le bon choix et il ne le regrette en rien. Ça lui a permis de se forger sur bien des aspects et de faire des rencontres parfois mémorables. Même si la Réserve est magnifique, Melorn l'est tout autant voir plus. Ce n'est pas une raison pour rester confiné dans cette forêt toute sa vie.

CENDRES

Faune ? Il n'est pas sûr de bien comprendre ce que lui dit Idunn mais ce n'est sûrement pas si important que ça. Ce qui l'est un peu plus en revanche, c'est le supplice de cette montée qui commence déjà à tirer sur ses articulations. Il a comme l'impression de se faire enfler en empruntant un chemin aussi abrupt mais c'est peut-être un raccourci après tout. Ou simplement une mise à l'épreuve, ce qui n'est pas improbable non plus. Raison de plus pour ne pas se plaindre et montrer un peu de bonne volonté. Les hommes d'abord, quelle galanterie de sa part il en serait presque flatté. Presque. Il perd de vue sa guide qui a préféré faire grimpette dans un arbre pendant que lui se tape le chemin bien chiant. Oui, effectivement il s'est bien fait avoir.

Alors qu'il ne s'attendait pas à avoir de réponse suite à la disparition de sa guide, elle réapparaît soudainement à sa hauteur par on ne sait quel miracle. Il l'avait déjà compris mais c'est toujours très impressionnant de constater de ses propres yeux à quel point Idunn se déplace facilement dans cet environnement. Un Elfe et une Orc, un frisson de dégoût parcourt tout son être à cette idée absolument cauchemardesque et à l'image qu'il se fait de la progéniture de cette union. Eliëndir n'a rien contre les Orcs si ce n'est quelques préjugés qui d'ailleurs ne sont pas totalement faux pour en avoir croisé quelques-uns dans sa vie. On dit que l'amour est aveugle, mais n'abusons pas de l'expression quand même. S'enticher d'un(e) Orc, quelle idée affreuse. Est-ce même possible de procréer entre ces deux races ? Pas sûr, il a un doute. Enfin, ce dont il est certain c'est qu'Idunn n'a rien d'une Orc et malgré ses fines oreilles pointues relativement similaire aux siennes, il a côtoyé suffisamment de ses congénères pour sincèrement douter du fait qu'elle soit aussi une Elfe. Idunn est encore un point d'interrogation pour lui mais il compte bien avoir le fin mot de cette histoire.

Il n'a pas le temps d'émettre le moindre commentaire, il s'arrête brusquement sous les consignes de sa guide. Alors sans dire un mot, il baisse la tête dans la direction désignée. Il met quelques secondes à remarquer le Laconda, se déplaçant entre les arbres aux épais feuillages. Un peu plus et ils empruntaient ce chemin. Tomber nez-à-nez avec ce genre de créature aurait inévitablement amené à un désastre. Finalement, la montée c'était pas si mal. Une chance pour lui qu'il soit bien accompagné d'ailleurs. Il tourne la tête en direction d'Idunn juste au moment où elle décoche une flèche qui fait immédiatement apparaître quelques buissons épineux et si ça n'a rien de très impressionnant comme ça, Eliëndir reconnaît facilement que ce type de magie bien spécifique n'est pas à la portée de tous le monde. De quoi creuser encore un peu plus son intérêt.

Puis la voilà qui encoche quelques flèches de plus et de celles-ci, ce sont des racines qui apparaissent pour aider le mage noir à se hâter. Tout va assez vite alors il n'a même pas le temps de dire quoi que ce soit qu'Idunn a déjà disparu de son champ de vision, décidément elle aime vraiment ça. Alors une racine après l'autre, le bellâtre monte et grimpe encore et encore jusqu'au rebord en question que l'élémentaire lui a bien signifié de ne pas dépasser. Tournant la tête pendant une seconde et ne voyant plus sa guide dans les environs, l'Elfe se montre un peu trop curieux et dépasse la tête à hauteur de ses deux yeux violets pour s'assurer lui-même que la voie est libre. Mais avant de s'y aventurer, il cherche à nouveau Idunn du regard et surveille que le Laconda ne soit plus dans les parages.

CENDRES

Les yeux du mage noir sont incapables de se repérer aussi bien qu'Idunn dans cet environnement, ni de remarquer les différents signes d'un danger immédiat. Il tend l'oreille mais hormis le friselis des feuilles qui se soulèvent face au vent, il n'est pas non plus capable de savoir de quelle direction vient le danger. Il comprend que quelque chose se trame et que la présence du Laconda dans cette partie de la réserve est tout sauf habituelle. Finalement, il n'est pas mécontent d'avoir Idunn avec lui dans cette quête et elle a déjà commencé à lui éviter bien des soucis. Quelque chose ne va pas dans cette forêt et peut-être que leur petite partie de chasse va devoir attendre la résolution du véritable problème qui gangrène la faune et la flore de la Réserve.

Au retour d'Idunn, le mage noir quitte son petit perchoir pour rejoindre l'élémentaire maintenant que cette petite interlude est terminée. Visiblement, le Laconda s'est éloigné et il n'y a pas eu plus de grabuge que ça. Tant mieux évidemment, ils ne vont pas s'en plaindre même s'ils ne sont pas encore au bout de leur surprise.

« C'était assez... intense. Heureusement que tu étais là. Je te suis ! »

Le reste du chemin se fait sans trop d'embûches et le mage noir se montre étonnamment docile, lui qui prenait tout à la rigolade jusqu'à très récemment. Il y a une étrange sensation autour d'eux. Plus ils s'approchent de la zone malade de la Réserve, plus l'air devient vicié. Pas irrespirable pour autant mais chaque inspiration est un peu plus lourde que la précédente. Les particules de mana sont différentes, autour d'eux comme polluées par quelque chose alors qu'ils ne sont même pas encore à l'épicentre du mal qui gangrène la forêt. Une puissante magie noire est à l'œuvre, cela ne fait plus aucun doute pour Eliëndir.

Enfin, ils arrivent à la cabane dont il a tant entendu parler. Là où ils devraient pouvoir passer la nuit dans un certain confort et surtout loin des dangers de la forêt. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il fut complètement abasourdi de découvrir leur refuge. Une cabane disait-elle, plutôt un château oui. Rien à voir avec la petite cabane au fond du jardin qui sert à amuser les enfants. Un véritable avant-poste disposant d'un ingénieux système qui lui permet de se maintenir au-dessus du sol et entre les arbres. Reliant les différents modules grâce à des passerelles et des ponts, un petit bijou d'ingénierie qui est d'autant plus impressionnant pour un Elfe originaire de Melorn, là où absolument tout fonctionne par l'usage de la magie.

« Je dois admettre que c'est vraiment très impressionnant. Je suis assez bluffé. »

Néanmoins, son temps de contemplation prend fin en voyant l'inquiétude grandissante sur le visage d'Idunn. Alors il cherche à comprendre ce qui se passe. Sans dire un mot, ses yeux violets se pose sur le système de la passerelle abîmé et sur les traces suivantes qui montrent très clairement qu'il y a eu un affrontement. Les lumières sont allumées, la délicieuse odeur d'un repas s'échappe encore de la cheminée. Et pourtant, quand l'Elfe tend l'oreille, il n'entend rien. Pas un bruit, aucun signe de vie, ce qui est très anormal si le père d'Idunn est bien présent dans le bâtiment. Idunn a raison, c'est exactement dans un moment aussi sensible qu'il faut faire usage de prudence. Alors l'élémentaire avance et le mage noir assure ses arrières pendant qu'ils traversent la passerelle en direction de la cabane principale. Ils font le tour et tombent sur une porte entrouverte, ce qui n'annonce rien de bon. Eliëndir prend l'initiative pour une fois. Vigilant, il pose sa main sur la porte qu'il pousse avec précaution pour faire le moins de bruit possible.

À l'intérieur, c'est un véritable vacarme. On dirait qu'une tempête est passée dans le salon, la pièce est sens dessus dessous. Quelques meubles cassés et complètement retournés mais le plus important est qu'en entrant dans la pièce, les protagonistes tombent sur une femme accroupie au-dessus d'un homme, le visage très près du sien. Aux premiers abords on pourrait croire qu'ils interrompent un moment intime mais en réalité, leurs lèvres ne se touchent pas et la femme est littéralement entrain d'absorber l'âme de sa proie. Il s'agit du père d'Idunn allongé dans un état végétatif juste sous la créature et quand Eliëndir s'approche d'un peu trop près en faisant grincer le bois sous ses pieds, la chose tourne subitement la tête dans leur direction. La créature a une apparence parfaitement humaine, se montrant sous les traits d'une femme brune à la peau sombre et pourtant elle n'en est rien car dans ses yeux globuleux on peut y voir toute la noirceur du monde. Il y a à peine une seule seconde de flottement et puis d'un seul coup, la créature ouvre la bouche en dévoilant quatre abominables rangées de dents acérées. Deux sur le haut de la mâchoire, deux dans le bas.

Les plus connaisseurs y reconnaîtront tous les signes distinctifs d'une Stryge qui, en dehors de son apparence, n'a absolument rien de désirable. Devant cette monstruosité, Eliëndir a tout juste le temps de pousser Idunn en dehors de la trajectoire de ce qui va arriver. De sa main libre qu'il place en direction du monstre, il matérialise le mana devant lui pour tenter d'invoquer une barrière d'ombre qui ne verra jamais le jour. Il est brutalement secoué par le cri strident de la Stryge qui à cette distance lui fait l'effet d'une violente onde de choc qui le propulse contre le mur derrière lui. Les deux mains sur ses oreilles alors qu'il a l'impression que ses tympans vont exploser d'un instant à l'autre, il pose la paume de sa main sur le sol pour invoquer sa magie dans la précipitation. L'ombre elle-même du mage noir se met à s'étendre sur le sol jusqu'à atteindre la créature et d'un seul coup, c'est une dizaine de lance d'ombre qui s'élèvent du sol en direction de la Stryge qui s'arrête de crier en faisant un bond en arrière pour éviter l'attaque. Néanmoins, deux d'entre elles viennent perforer la Stryge dans la jambe et au niveau du buste.

Aucune de ces deux blessures n'est mortelle, malheureusement et Eliëndir est encore sonné du coup qu'il a pris de plein fouet. La Stryge ne va pas laisser le temps aux deux protagonistes de venir gentiment l'abattre, c'est maintenant une paire d'ailes tout aussi monstrueuses que le reste qui apparaissent dans son dos. Elle vient se débattre en frappant violemment des ailes devant elle pour s'extirper des lances plantées dans son corps. Elle se met à voltiger rapidement dans la pièce pour éviter les quelques flèches que lui tire Idunn puis la créature traverse une fenêtre pour s'enfuir et disparaître dans la nuit. Ce fut un échange aussi court que brutal, en particulier pour Eliëndir qui est encore à moitié sourd, victime de ses acouphènes. Il va s'en remettre même s'il a sûrement perdu quelques points d'audition, il a simplement besoin de quelques minutes pour se remettre de ses émotions. Si quelqu'un a bien besoin d'aide, c'est plutôt le père d'Idunn qui ne bouge plus d'un pouce.

« Idunn. Ton père, comment va-t-il ? »

Il s'appuie sur le mur pour se redresser, grimaçant sous la douleur de ses pauvres oreilles pointues. D'ailleurs, il s'est à peine entendu poser la question et il n'est pas sûr de pouvoir entendre la réponse à cause du bruit sourd qui assaille ses tympans.

CENDRES

La confusion est immense entre le bruit sourd qui peine à diminuer dans ses oreilles, la fuite de la créature et Idunn qui s'est immédiatement précipitée vers le corps inerte de son père. Pour le moment, le plus important est de s'assurer qu'il n'y a plus de danger et que la Stryge ne va pas revenir tout de suite à la trace. Ces créatures-là, de ce qu'il en sait, ne sont pas très combattives quand il y a de l'adversité. Elles privilégient les cibles faciles et isolées pour se nourrir alors rien d'étonnant à la voir prendre ses jambes à son cou à la suite de l'intervention d'Idunn et d'Eliëndir. Néanmoins, c'est assez surprenant de voir une Stryge aussi loin des villes ou des villages. Qu'est-ce qui peut bien l'amener aussi loin, au sein même de la Réserve là où il n'y a que des gardes forestiers à se mettre sous la dent ? Le mystère s'épaissit.

L'Elfe se rapproche de la fenêtre cassée et s'assure que la Stryge n'est plus dans les environs. Il y a peu de chance qu'elle revienne tout de suite avec les deux protagonistes dans le coin et les blessures que lui a infligé Eliëndir. De toute façon, la créature a eu exactement ce qu'elle voulait : son repas. Il se retourne donc vers Idunn assise près de Placidu qui, au vu de son état, ne s'est pas laissé faire face au monstre. Néanmoins, ses efforts n'ont pas été suffisants et le pire des scénarios pour Idunn est en train de se produire juste sous ses yeux impuissants. Eliëndir s'approche lentement du corps inerte, assez près pour pouvoir maintenant entendre la détresse de la jeune femme qui voit son monde s'écrouler autour d'elle. D'abord son amant puis maintenant son père, comme si le sort avait décidé de s'acharner sur elle avec une violence inouïe.

C'est un Eliëndir complètement impassible qui toise la scène déchirante qui se déroule devant lui. Dire qu'il partage sa souffrance serait un bien vilain mensonge de la part d'un être incapable de ressentir la moindre empathie mais naturellement, il la comprend. Cette simple enquête vient de prendre un tournant significatif, autant pour Idunn que pour lui et le mage noir réfléchit déjà à la suite. Eliëndir est quelqu'un de très précautionneux et le fait est qu'il n'ira pas bien loin dans cet environnement hostile sans les connaissances de sa guide. Et celle-ci pour le moment, n'est pas en état de poursuivre. Il faut aussi faire quelque chose du corps de Placidu. Un autre garde forestier est mort et il faut prévenir les autres. La vigilance doit être renforcée absolument partout dans la réserve et surtout, ce qu'il se passe à l'intérieur ne doit pas se savoir à l'extérieur sous peine de créer la panique.

D'abord sans dire un mot, l'Elfe vient poser un genoux à côté d'Idunn et une main dans son dos. Rien de ce qu'il peut dire apaisera ses peines et il le sait parfaitement. Alors il ne dit rien et se contente d'être là, tout simplement. Une présence chaleureuse et amicale, une épaule sur laquelle pleurer si nécessaire. Une oreille attentive quoique toujours souffrante du cri de la Stryge. Et surtout la promesse d'une vengeance, voilà tout ce dont il a à offrir à la jeune femme.

« Je suis navré, Idunn. On va retrouver la créature qui a fait ça, je te le promets. Nous devons prévenir les autres gardes forestiers. »

Pragmatique, l'Elfe sait qu'ils ne vont pas pouvoir rester là indéfiniment et cette affaire va devenir très personnelle pour Idunn si ce n'est pas déjà le cas depuis la mort de Jérôme. Même s'il n'a aucune idée de comment prévenir les collègues d'Idunn, ils ont sûrement un système bien à eux comme des signaux magiques à envoyer dans le ciel. Néanmoins, rien ne sert de se précipiter. Eliëndir doit réfléchir et Idunn a besoin de temps pour faire son deuil alors il n'a aucune intention de la brusquer. La journée a été longue et les deux protagonistes ont besoin de repos, elle plus que lui de toute évidence.

Eliëndir restera un moment à ses côtés si le besoin s'en fait sentir. Dans le cas contraire, il y a un salon en désordre qui aurait bien besoin d'un coup de balai.

CENDRES

Dans la souffrance d'Idunn, la Nature elle-même semble émue par les sanglots de la jeune femme. Un phénomène absolument captivant se déroule autour du mage noir alors qu'il peut sentir la cabane frissonner légèrement sous les pleurs incessants de celle qui est la personnification même de la forêt. La faible lueur de la lune disparaît et il a tout juste le temps de tourner la tête pour voir les branches finir de recouvrir la fenêtre brisée. Subjugué l'espace d'un instant, il reporte immédiatement son attention sur Idunn comme pour s'assurer qu'elle est bien à l'origine de cette étrange manifestation. Qui, si ce n'est pas elle ? Bien qu'elle ne semble pas se rendre compte de ce qu'elle fait, étant complètement noyée par ses émotions fortes, Eliëndir ne voit plus seulement une âme malheureuse. Il y voit un don d'une grande rareté et un potentiel sans limite.

Eliëndir ne va nulle part, il n'a aucune intention de partir. Alors pour le moment, il reste aux côtés d'Idunn pour l'accompagner silencieusement dans son deuil. L'Elfe finit par déposer son deuxième genoux sur le sol afin de trouver une position un peu plus confortable puis, il pose ses yeux sur les graines que la jeune femme dépose sur le corps de Placidu, sans réagir ni émettre le moindre jugement. Il ne tarde pas à comprendre leur utilité quand elles se mettent à germer à une vitesse ahurissante pour recouvrir le corps d'un voile fleurie. dont le parfum vient agréablement caresser ses narines. Pour ce qui est du lys noir, l'Elfe ne le remarque même pas avant qu'Idunn en parle à haute voix mais il se surprend à en contempler les pétales sombres comme la nuit. D'une oreille attentive, il écoute l'explication d'Idunn avant d'acquiescer silencieusement à sa requête au sujet de la Stryge. Ils en discuteront mais chaque chose en son temps.

« D'abord, laisse-moi t'aider. »

Pour le moment, il faut s'occuper de Placidu. Ils ne peuvent pas le laisser là, allonger sur le sol poussiéreux. Alors le mage noir prend les devants en prenant soigneusement le corps inerte de Placidu dans ses bras avant de se remettre debout, une jambe après l'autre. Eliëndir traverse la pièce saccagée, ne sachant pas réellement où aller puisqu'il ne connaît pas la cabane mais en fouillant un peu, il finira bien par tomber sur un lit pour déposer la tête de Placidu sur un oreiller plus confortable que le sol. Il vient joindre les mains de Placidu sur son ventre en réajustant sa posture comme l'avait fait Idunn un peu plus tôt. Ensuite, le mage noir fait un pas en arrière pour laisser la place à Idunn si elle souhaite rester aux côtés de son père. Soupirant discrètement, il concède enfin d'accéder à sa demande.

« Il s'agissait d'une Stryge, un monstre profondément maléfique. Une créature aussi rare que dangereuse. Un Démon mi-femme, mi-oiseau capable de pousser un cri strident à en déchirer les tympans comme tu as pu le constater. Honnêtement, c'est la première fois que j'en vois une de mes propres yeux mais j'ai eu l'occasion de les étudier quand j'étais plus jeune. C'est très étrange d'ailleurs. En général, elles préfèrent largement vivre près des villes là où elles peuvent chasser et se nourrir plus facilement. Je ne comprends pas ce qu'une Stryge fait ici mais cela a sûrement un rapport avec la zone malade de la Réserve. »

Il croise les bras au niveau de son buste, l'air songeur en marquant une courte pause.

« Elles peuvent voler mais ça aussi tu l'as déjà vu. Les Stryges sont plus actives la nuit, c'est là où elles chassent. Elles préfèrent s'en prendre à des cibles faciles et isolées, certains disent que ces monstres s'attaquent aux nourrissons la nuit, dans leurs berceaux. Au contraire des Vampires qui vident leurs proies de leur sang, les Stryges s'en prennent directement à l'énergie vitale de leurs cibles. Elles se nourrissent de l'âme. Et oui, en général une Stryge est seule. Elles ne vivent pas en communauté. »

Tant de questions sans réponses, le mystère s'épaissit à chaque instant et pour le moment, ils ne peuvent rien faire d'autre que naviguer dans le brouillard. Ce soir, ils n'iront pas plus loin. Idunn doit se reposer et faire son deuil, le mage noir a besoin d'une guide reposée et en possession de tous ses moyens. La journée a été longue et la nuit sera courte mais demain, ils pourront enfin atteindre la zone contaminée. La mort de Placidu est tragique mais l'enquête n'est pas terminée, pas pour Eliëndir en tout cas qui compte bien trouver le fin mot de cette histoire sordide.

« Essaye de te reposer un peu, je vais veiller un moment pour m'assurer que nous sommes en sécurité. »

Peu de chance que la Stryge revienne tout de suite mais qui sait ce que leur réserve la forêt. Eliëndir s'éclipse discrètement pour laisser le père et la fille dans la chambre. L'Elfe, de son côté, retourne dans le salon. Il n'a aucune envie de faire le ménage mais il faut bien avouer que c'est un sacré bordel et qu'il ne peut pas laisser la cabane dans cet état-là. Alors, il ramasse une commode et la remet sur ses pieds. Il fera de même avec une bonne partie du mobilier en finissant par le large canapé qui siège d'habitude au centre de la pièce. Il passe un coup dessus et... Ce sera suffisant, pour l'instant. Les ombres du mage noir se mettent à se mouvoir sur le sol, sur les murs et sur le plafond de manière à créer un périmètre de sécurité tout autour de la cabane. C'est sûrement inutile mais on est jamais trop prudent et si quelqu'un, ou quelque chose, s'approche pendant la nuit alors il sera immédiatement averti.

Il s'installe sur le canapé près du feu et comme il l'a dit, il veillera un moment avant de s'écrouler de fatigue en s'allongeant sur le canapé pour essayer de récupérer quelques heures de sommeil dont il aura bien besoin pour la suite des événements.

CENDRES