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  • Lun 18 Mar 2024 - 17:39


    ⋯ Aux abords de Taisen ⋯

    Le sable s'insinuait partout. Dans les plis de sa cape en lin, dans ses chaussures, dans ses yeux. Dans sa bouche. Le crachat lui brûla sa gorge déjà sèche, s'évapora presque aussi vite qu'il trouva le sable, sous la chaleur insupportable du soleil reikois. Siame progressait – ridiculement lentement – sans se presser, malgré la ferveur qui faisait bouillir sa peau et la fatigue de ses jambes. À chaque pas, ses bottes s'enfonçaient un peu plus dans le sable et l'effort que cela lui demandait pour les arracher, toujours un peu plus pénible. Elle percevait sa respiration se faire sifflante, laborieuse et constatait sa démarche plus bancale au fil des minutes. Malgré les tourments de l'environnement aride sur son corps et son esprit, l'Ange rassembla ses dernières forces dans cette bataille contre elle-même. Ou presque. Sans être particulièrement familière avec le désert, le vent grondant à l'horizon, tel un souffle infernal, ne lui annonçait rien de bon. Autour d'elle, les premiers signes de l'avènement d'une tempête de sable commençaient à se manifester. La brume dorée créée par de fines particules de sable dansant dans l'air, voilait la silhouette si proche, et pourtant si lointaine, de la cité de Taisen.

    Bientôt, le vent s'intensifierait et il n'était pas bon de se trouver dans le désert lorsque les forces de la nature s'enrageaient de la sorte. Déjà, la promesse envoûtante de la tempête sifflait, hurlait dans les oreilles de Siame, les lamentations des esprits un jour perdu sous les rafales de sable. Un craquement sinistre retentit sous ses pieds. Elle venait de marcher sur un os. Son regard tomba sur le crâne humain égaré quelques mètres plus loin. Jamais l'Ange n'avait cru un jour regretter sa pétrification. Les premières rafales coururent sur les dunes de sable fin, soulevant des nuages de poussières tout autour d'elle. Des tourbillons furieux fouettaient son visage, s’engouffrant dans sa cape, dans ses poumons, érigeant des murs de sable impénétrables à l"horizon. Taisen et ses bâtiments de pierres chaudes disparurent, engloutis par la masse sombre, mouvante, vivante du désert.

    Puis, le chaos.


    Dans ce cauchemar de sable et de vent,
    seules les âmes les plus résilientes pourront espérer survivre,
    tandis que les plus faibles seront englouties dans les profondeurs des dunes,
    emportées par la furie dévastatrice du Roi de sable.


    Enfouie sous le sable, la peau écorchée de part en part, Siame tenta de se relever tant bien que mal. Deux mains larges s'emparèrent de ses bras, sans qu'elle ne s'y attende. Il n'était pas difficile de comprendre ce qui lui était arrivé, les croûtes de sang et de sable, la quinte de toux et les grimaces douloureuses étaient suffisamment éloquents : elle s'était fait surprendre par la tempête de sable.

    — Ces foutus touristes, ils n'ont vraiment aucune conscience des dangers du désert. Il y a quand même des choix plus judicieux, pour une balade dominicale. Il ferait mieux de rester chez eux.

    L'accent exotique des soldats reikois la fit sourire.

    — Pourquoi sourit-elle ?

    — Je n'en ai pas la moindre idée...

    Parce que je suis en vie, avait-elle voulu répondre, mais Siame se mit à tousser de plus belle. Elle battit des paupières plusieurs fois et réalisa que le paysage désertique avait été remplacé par l’architecture austère – mais terriblement bienvenue – de la cité de Taisen.
    Ça ne pouvait vouloir dire qu'une chose : elle avait survécu. Comme elle avait survécu à la guerre, à son bourreau, aux années passées prisonnière d'une statue, elle venait de remporter la bataille contre le désert. Et si elle n'était pas en si piteux état, l'Ange se serait probablement gargarisé de son accomplissement. Les deux gardes reikois l'aidèrent à marcher jusqu'à la porte de la cité et la firent s'asseoir sur une caisse en bois. Cette créature n'était clairement pas du coin, si son ascension inconsciente dans le désert n'avait pas suffi à le prouver, la blancheur de sa chevelure et sa peau laiteuse – brûlée par le soleil – finissaient de les convaincre.

    — D'où viens-tu ?

    De partout et d'ailleurs.

    — Qu'es-tu venue faire sur les terres de l'Empire ?

    Visiter de nouvelles contrées. Elle haussa brièvement les épaules sans se donner la peine de préciser les raisons de son voyage.

    Le garde eut un soufflement agacé face aux réponses énigmatiques de l'étrangère, mais force de constater qu'elle n'en avait pas de meilleure à donner, il lui offrit un moment de répit, le temps de discuter avec son camarade. Il allait bien falloir décider de ce qu'ils allaient pouvoir faire d'elle. Par précautions, ils avaient lié ses mains et ses pieds, s'offrant une marge supplémentaire pour évaluer si cette drôle de femme représentait un danger pour la population (non). Si l'Ange acceptait bien volontiers de coopérer et de répondre à toutes les questions, elle ne pouvait tout de même pas leur dire qu'elle était venue ici en quête de ses ailes, car oui, par définition, elle était servante des titans et donc ennemie jurée de la nation du désert. Les laissant à leur conversation, peu inquiète du sort qu'ils lui réservaient – puisque dans son immense bonté, son tortionnaire avait eu l'obligeance de la délester de ses ailes, et donc, de son statut inquiétant –, Siame héla le jeune homme qui passait à son tour les portes de la cité. À en juger par ses vêtements de cuir souple, sa sacoche et les poignards pendants à sa ceinture, il devait s'agir d'un chasseur ou d'un mercenaire, mais l'Ange n'était pas réellement en mesure de faire la difficile.  

    S'il vous plaît, avez-vous un peu d'eau ? Sa tête dodelina contre la pierre du mur sur lequel elle était adossée, un voile de pitié étudié dans les yeux, tandis qu'elle montrait poings et pieds liés, lui signifiant de la sorte qu'elle ne pouvait, ni se déplacer, ni se sustenter elle-même. Ses vêtements de mauvaises factures laissaient entendre qu'elle était sans-le-sous, mais le flegme imperturbable avec lequel elle s'exprimait racontait une histoire différente ; manifestait le résultat des épreuves exigeantes de la vie. Siame le dévisagea longuement, nota les curieuses cicatrices dorées qui parsemaient par endroits sa belle gueule. Car il était beau garçon, oui, mais pas moins malmené par les affres de l'existence. L'Ange esquissa un sourire de connivence, plutôt que de se morfondre dans l’embarras de sa situation.

    Loin de moi l'idée d'accuser l'hospitalité reikoise, mais je suis assoiffée.


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    Dimitri Chagry
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  • Jeu 21 Mar 2024 - 23:02
    Golden Child

    @Siame


    Inconscience extrême. La foule dense ne laisse aucun espace, des passages apparaissent et disparaissent aussitôt. Il se sent englouti par cette masse difforme qui ne cesse de s’étendre autour de lui. Son esprit bloque lorsqu’il se sent écrasé de chaque côté. Il se fige sur place, puis tente de reprendre le cours de ses pensées qu’il répète sans relâche tel un fou. Dimitri apprend à faire face à cette crainte sourde en formatant son cerveau sur d’autres pensées. Son équipement a besoin d’être nettoyé et aiguisé. Le sac de Melorn est vide et sa magie lui permet de porter tout le nécessaire pour sa survie. Il pourrait acheter du nouveau matériel. Les étalages proposent toujours de nouveaux équipements inutiles. La nourriture manque, il doit racheter de la viande séchée, fruits secs, graines, soupes en poudre avant de repartir en mission. Des plantes aussi. De l’herbe pour les nuits calmes. De la corde. Il a bien envie d’attacher ces vivants pour les propulser sur les habitations modestes de la ville du lion. Les gardes sont partout. Sa dernière expédition l’a vidé de son équipement. Il doit sans cesse racheter ce qu’il lui faut, et l’argent des missions part dans cette perpétuelle quête vers la fortune.

    Une voix le tire de ses pensées. Sa tête s’incline alors qu’il poursuit son chemin, son regard argenté est lourd de sens et laisse supposer qu’il n’aime pas cette interaction. 《 Non. 》 Sa voix est irritée par une colère contenue. Il s’apprête à se laisser emporter par la foule, le regard vague, la tête plongée dans cette liste stupide de course pour oublier l’écrasante population.
    Cela n’a rien à voir avec son accoutrement, son visage plein de sable et ses cheveux en pagaille l’indiffère. Sa beauté est cachée par le passage du désert. La pauvreté ne le révulse pas puisqu’il vient de la suie.

    Pourtant, le cœur de l’ombre loupe un battement quand une senteur singulière lui agresse les narines. L’odeur des souvenirs lui martèle le cerveau et le pousse à observer plus attentivement le visage de cette femme. Elle ne lui dit absolument rien. Son être tout entier s’hérisse. Sa conscience lui murmure des choses qu’il a du mal à entendre. Les souvenirs ne lui reviennent pas. Malgré tout, il sait qu’il connaît parfaitement cette odeur. Il était baigné dedans durant de longues années. Son esprit brisé a ses failles. L’ombra est conscient de ses troubles de mémoire.
    Il est possible qu’il l’ait juste oublié.
    La lumière forte de l’astre n’est rien comparée à ce que cette créature renvoie. Il ne sait pas pourquoi, mais l’intensité de sa lueur l’agresse. Son regard coule jusqu’à sa taille et ses mains liés qu’elle lui présente. Comme si son état allait changer quelque chose. La tristesse et le désarroi de l’autre n’est depuis longtemps plus un problème pour lui. 《 Tu sais où tu peux la mettre l’hospitalité Reikoise. 》
    Une brise chaude caresse son visage alors qu’il continue d’observer le personnage. Il sent que des imbéciles poussent dans son dos, son talon finit par écraser volontairement un passant. L’homme cherche le merdeux qui a osé le piétiner, mais son regard ne s’arrête pas sur Dimitri. L’ombre semble s’effacer une seconde, comme un mirage fondant dans la foule. Il remarque que la femme supposée blanche comme neige a également les pieds liés. Qu’a-t-elle fait pour mériter un tel sort ? Quelle importance. Les gardes semblent à peine préoccupés par elle.

    《 Suis-moi. 》 Le sifflement d'une lame étouffée par la foule file jusqu’au pied de l’inconnu qui se trouve libéré au niveau des pieds. Il ne prendrait pas le temps de libérer ses poignets. Les criminels de guerre ne sont pas si mal protégés, les gardes ne lui en voudraient pas de l’avoir emprunté.
    Les doigts du chasseur glissent entre les deux mains de la créature dont la lumière semble vaciller. Il la tire avec la corde à travers la foule qui s’efforce de fendre pour quitter les ruelles denses. Après quelques minutes de marches, sa respiration tremble mais il la bloque avant de se retourner vers la fille aux cheveux blancs.  《 Je te donne ce que j’ai si tu me dis qui tu es... 》 Le chantage est facile et effrayant. Mais le chasseur n’a aucune envie de perdre son temps et préfère utiliser la pression. Il n’explique pas pourquoi, parce qu’il ne sait pas lui-même ce qu’il essaie de comprendre. Le parfum, plus fort, ne l’aide pas à reconstituer les failles de son esprit. Les questions l’assomment et l’énervent, et son regard s’assombrit toujours plus. Après quelques secondes de silence, il sort une gourde. Il se satisferait d’un nom, d’une ville, d’une identité brève. Tout ce qui l’aiderait à faire le lien avec ce qu’il flaire…

    《 Il faut avaler d'une seule traite, surtout si tu n’y es pas habituée. Ce n’est pas de l’alcool. Juste un extrait de plantes et de piments. 》 Précise-t-il sur le même ton détaché et froid. Chaque fois qu’il inspire son odeur, chaque fois que son regard se pose sur elle, il sent que son corps entier réagit. L’ombre sur son corps s’étend lentement. Son corps lui se rappelle. Ce parfum vient forcément de son passé, mais il a peur de s’en souvenir. Cet équilibre entre le passé et le présent s’effrite.


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    POSTE 1
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  • Ven 22 Mar 2024 - 21:07
    Il aurait pu s'en tenir à un simple "non", poursuivre son chemin comme si elle ne l'avait jamais interpellé. Siame avait bien cru qu'il allait le faire, d'ailleurs, avant de le voir s'arrêter. Quelque chose dont elle n'a pas conscience venait de se passer quelque part, dans les affres de souvenirs dont elle ignore tout. Elle avait été à deux doigts de l'oublier, lui et son refus tranchant, quand il revint sur ses pas pour remuer le couteau dans la plaie. Dévisageant son vis-à-vis, elle se demanda s'il avait réellement fait l'effort de s'arrêter dans le seul but de lui être désagréable. Pourquoi ne reprenait-il pas sa route, s'il n'avait pas prévu de l'aider ? C'était à se demander quelle mouche avait piquée celui-là, car à en juger son expression acrimonieuse, il avait manifestement mieux à faire, des occupations très importantes auxquels vaquer, quoi qu'un mortel puisse faire ses journées.

    Heureusement, l’Ange n'était plus à une infortune près. Il fallait davantage pour la bousculer réellement. Des hommes comme lui, elle en avait rencontré des tas, les avait observés, d’abord perchée sur les remparts céleste, protégée de ses ailes d’albâtre et de la profonde distance qui les séparaient – et ce sur tous les plans. Elle les avaient regardé se débattre dans l’océan de leurs désirs terrestres : travailler, ramener de l’argent à la maison, retrouver les bras de sa bonne femme, se marier, constituer un héritage pour préparer la venue de leur progéniture… Elles les avaient aussi vu élever des monuments à la gloire de leurs maîtres et à la fois se perdre dans les méandres de leur orgueil démesurée. Elle s’était gaussé de la fragilité de leur âme, dissimulée derrière leur masque d’arrogance, avait médité sur la vanité des ambitions humaines. Puis, elle avait appris à aussi les ignorer.

    Car il fallait se le dire, certains d’entre eux faisaient beaucoup de bruit pour pas grand chose. Cet homme-là lui donnait le sentiment d’en constituer un parfait exemple. Elle s’apprêtait à lui répondre, l'inviter à passer son chemin – probablement d'aller se faire foutre par la même occasion – quand elle sentit un poids la soulager au niveau des chevilles.

    Oh. L'Ange fronça les sourcils, animée d'une vague perplexité, incapable de savoir si elle devait s'en réjouir ou s'en inquiéter.

    Il ne lui laissa pas le temps d'en décider, attrapant la corde qui liait encore ses mains l'une à l'autre et l'attirant à sa suite sans lui offrir l'opportunité de décliner sa "délicate invitation". Son ordre claqua contre la volonté de l'Ange, qui sentît alors l'agacement poindre dans sa poitrine. À ça, plus la chaleur du soleil reikois ; plus le bain de foule qu'ils s'infligeaient ; plus les grandes enjambées qu'il lui imposait, Siame se renfrogna. De toutes les créatures complexes peuplant cette terre, il avait fallu qu'elle ait le déplaisir de tomber sur cette véritable tête de pioche. Elle finit même par regretter la péripétie tumultueuse de la tempête de sable. Il était, lui aussi, à sa façon, une tempête venue la frapper de plein fouet. Manifestement, le monde conspirait contre elle, la condamnant – même une fois délivrée de sa prison de marbre – à emboîter le pas du jeune homme avec une docilité imposée, comme un mouton discipliné. À une époque lointaine, révolue, les mortels dans son genre s'agenouillaient devant elle, acclamaient sa venue et s'extasiaient devant ses ailes. Lorsque les Titans étaient revenus sur le Sekai, elle s'était sentie comme un faucon soudain libérée de ses jets, avait cru retrouver toute sa gloire d'antan. Quel indicible tourment que de convoquer le passé. Maintenant qu'elle était dénuée de sa sainteté, privée de l'immunité procurée par sa statue, il lui fallait apprendre à s’accommoder du mépris inhérent des Hommes, et surtout, de celui-ci.

    Siame ne le sentit pas s'arrêter brusquement. Elle se cogna dans son dos avant qu'il ne se retourne, attisant davantage encore sa crispation. Elle n'eut pas le temps d'étouffer un juron qu'il l'attaquait déjà avec un nouvel ordre. Non, une question. Non, encore mieux, du chantage. Un soupir ironique, chargé de mépris devant la bassesse de la manœuvre s'échappa de la ligne étroite de ses lèvres.

    T'es sérieux ? Elle battit des paupières insensiblement, et lâcha un petit ricanement portant tout le sarcasme détaché que ses rudesses et sa nonchalance éveillaient en elle. Je ne suis définitivement pas une esclave. Et encore moins un putain de chien, le railla-t-elle, l'air de dire "si tu ne l'avais pas encore remarqué". Elle était un Ange, une créature céleste, divine. Même sans ses ailes. Mais ça, elle ne pouvait pas vraiment lui dire.

    Le garçon ne perdit pas de temps, il décrocha une gourde sa ceinture pour venir lui agiter sous le nez, la tourmenter et la pousser un peu plus dans ses retranchements. Elle le considéra avec une expression quasi-déroutée, incapable de comprendre comment une personne à qui elle n'avait rien demandé – hormis un peu d'eau –  pouvait se montrer si puissamment irritante. Siame tira rageusement sur la corde qu'il tenait encore fermement entre ses mains, provoquant inévitablement un rapprochement non désiré entre les deux.

    T'es un vrai connard, tu sais ça ? Au diable les politesses et les jolies manières dont elle s'était auréolée un peu plus tôt. Elle était désormais dans les “meilleures” dispositions, s’il s’agissait de se faire des ennemis. Que voulait-il dire de toute manière par "qui tu es" ? Elle était Siame, seulement Siame ; pas X'o-rath en personne. Qu'attendait-il sérieusement ?

    Elle contempla son visage, constata les gribouillis dorés qui se dessinaient sur sa peau, l'ombre qui s'étendait comme la nuit tombée sur les dunes du désert. Il y a quelque chose de captivant à ce spectacle qui court sur sa gorge et caresse sa mâchoire. C’était confus, étrange et, sans s’en émouvoir, elle devait tout de même l’avouer : fascinant à regarder. Siame n'avait jamais vu ça nulle part ailleurs. Et surtout, cette mystérieuse chimère semble animée de sa propre volonté, réagit à... À quoi exactement ? Sa présence ? Son odeur ? L'Ange est incapable de le dire, mais elle est persuadée de l'avoir vu tressaillir lorsqu'elle s'est approchée.  

    Qu'est-ce qu'il cloche chez toi ? Murmura-t-elle, la méfiance se mêlant à la curiosité. D'accord, capitula-t-elle finalement, d’un ton mi-figue mi-raisin, curieusement apaisée par cette découverte qu'elle venait de faire et l'envie d'en savoir plus, elle aussi. Mon nom est Siame. Juste Siame. Elle guette sa réaction, comme si son nom avait pu signifier quoi que ce soit pour le jeune homme. Un moment de flottement s'ensuivit.

    Et donc ? Je peux avoir un peu de ton fameux mélange maintenant ?

    × × ×

    — Où est-ce qu’elle est partie ?

    — J’en ai pas la moindre idée.

    Les deux gardes se contemplèrent, perplexes. Des liens abandonnés gisaient sur le sol à l'endroit même où l'étrangère s'était tenue quelques instants plus tôt. Elle s'était volatilisée.


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  • Mer 27 Mar 2024 - 17:46
    Golden Child

    @Siame


    Le ricanement lui fait hausser un sourcil. La créature inconnue n’est pas si douce que ce qu’elle laisse paraître. Sa posture change face au mépris. L’acide du chasseur a réveillé le caractère sommeillant chez la captive. Mais sera-t-elle encline à répondre à ses questions ? Il attend, sans un mot, qu’elle décline son identité en détails. Son dernier lieu de vie, son nom, ses raisons d’être ici. Conscient qu’il en demande trop, il ne modifie pas pour autant sa détermination. Acerbe et discourtois, ses muscles sont tendus à l’extrême. Dimitri se rassure en se disant intérieurement qu’il ne risque rien face à cette créature lumineuse. Il pense à une Lumina, mais il ne croit pas en avoir rencontré un jour. Son être tout entier reconnaît le rejet pure et dure de la lumière.

    Agacée, elle refuse qu’on colle son image à celui d’une esclave. Il l’observe, détourne les yeux pour préserver ses rétines. Ce regard fuyant peut être interpréter de multiples façons, mais il ne se démonte pas. 《 Une étrangère pied et poing lié, c’est du pareil au même. Tu dois avoir fait quelque chose de répréhensible pour… en vrai, je m’en cogne.  》 Précise-t-il d’une voix sévère. Elle pouvait, dans un tel accoutrement, passer pour une espionne. L’Oreille était attentive aux moindres bruissements au frontière. L’entrée fracassante de cette femme ne pouvait que dissimuler des pièges. L’esclavage avait été en partie réglementée, et bien heureusement pour cette poupée à la peau d’albâtre. Elle ne risquait pas grand-chose en présence des gardes, si ce n’est une vérification approfondie de son identité. En vue de la qualité déplorable de ses vêtements et de l’odeur forte du désert, il aurait pu poursuivre son chemin sans remarquer l’effluve singulière de sa peau.
    Tranchante, elle tire brutalement sur ses liens, les poignets liés de l’inconnue l’attire vers elle. Il fait un pas, puis se fige dans le sol. Cherche-t-elle à paraître menaçante ? Surpris au premier abord, il ne change pourtant pas d’expression. La ligne de ses lèvres reste parfaitement droite alors que des prunelles grises la surveillent. Il a vu bien pire qu’une femme faible en colère. Elle n’est qu’à peine remplumée et sa gorge sèche démontre qu’un coup de vent pourrait la faire tomber. Le soleil brûlant n’en finira pas de la dessécher mais une âme charitable finira bien par s’en occuper. L’insulte coule sur sa peau sans atteindre son cœur fendillé. 《 Tout de suite les grands mots. Tu vas me faire pleurer… 》 Propos qu’il trouve justifié soi-disant passant. Il aurait pu reconnaître ses tords dans d’autres circonstances. Il aurait fallu qu’il la connaisse, qu’elle fasse partie de son cercle restreint de connaissances, qu’elle n’ait jamais interrompue sa marche dans la foule ou encore qu’elle ne lui ait jamais envoyé sa foutue odeur dans le nez. Un seconde aurait fallu pour qu’elle s’intéresse à une autre personne. Qu’elle tente de récupérer de l’eau ailleurs. Il aurait poursuivi sa route sans jamais ressentir les frissons que lui prodiguait la simple inspiration de cette effluve. Un soupire s’échappe de sa bouche, comme exténué par ses propres pensées.

    L'odeur est subtile et envoûtante à en donner des migraines. L’une d’elle pointe d’ailleurs le bout de son nez et il le fronce. Elle évoque des notes chaudes et froides, rappelant les senteurs du sable chauffé par le soleil du désert. Mélangée à des arômes délicats venus d’un autre temps avec des nuances subtiles de rosée matinale. La signature de cette odeur semble ne gêner que le chasseur. Pour autant, cette senteur est comme parasitée par les traces du désert qu’elle porte sur elle. Cette fragrance comporte des nuances de musc doux à peine voilée. Comment peut-il à ce point décoder cette odeur singulière ?

    《 Tu empestes une odeur qui me dérange...
    Comme un plat que je déteste et qu’on m’a forcé à manger dans le passé...
    Je connais cette effluve que tu dégages. Mais elle est parasitée par ton passage dans le désert. Tu y es resté combien de temps pour sentir comme ça ?  À cause de ça, j'ai du mal à percevoir ton effluve naturelle... 》
    En somme, si elle ne s'était pas roulée dans des grains de sable, peut être aurait-il pu comprendre d'où cette senteur venait. L'être fait d'ombre n'a jamais été plus intrigué qu'aujourd'hui et il n'était qu'à peine conscient que ses propos pouvaient vexé. Il aurait pu lui balancer d'aller prendre un bain que cela aurait eu la même signification...

    L'état général de la fille ne l’inquiète pas, seul compte la curiosité qui fait vibrer son esprit. Il a besoin de comprendre et de savoir. Dissimulé sous ses propos acerbes, il sait qu’il ne lâchera pas cette inconnue avant d'avoir compris d’où elle venait et pourquoi son corps réagissait à son approche. Son regard farouche, sa silhouette gracile, ce visage fin taillé dans du marbre n’avait rien de banal. Mais ces traits étaient futiles et encombrants à coté de ce que lui rappelait le code de sa fragrance.
    Il remarque l'attention de la prisonnière sur ses marques qui dansent au rythme de sa propre angoisse. Inutilement, il remonte le col de sa veste.

    《 Siame. 》 Répète-t-il comme pour aider sa mémoire à se rappeler de quelque chose. Un vide profond lui répond. Un vide à l’opposé de ce qu’il ressent quand il inspire profondément son parfum. Quoi de plus étonnant lorsque sa mémoire ancienne était un vestige de sang spongieux et d’os brisés ? Le chasseur se met à grogner comme un animal, vexé par cette recherche intérieure qui ne lui amène aucune réponse. D’habitude, les failles de sa mémoire ne le préoccupent pas et il passe à autre chose. Serait-il capable de faire la même chose en cet instant ? Il n'en est pas très sûr car il sent que dès que son esprit se fermera sur le royaume des songes, il en viendra des scènes qu’il a réussi à ignorer dernièrement. Sa respiration s’était doucement accélérée alors qu’il l’entendait demander son eau. Le regard dans le vague, il secoue négativement la tête, alors qu’il souffle : 《 Juste Siame ne me dit rien. D’où tu viens ? Pourquoi t’es-tu retrouvée dans le désert ? Quelles villes as-tu parcouru ces dernières années ? Pourquoi je suis obligé de te tirer les vers du nez ? As-tu quelque chose à cacher ? 》  Sa question n’était visiblement pas assez claire. Le prénom est multiple. Il n’est pas rare de trouver un autre individu qui le porte. Et, la mémoire de Dimitri peine toujours à se souvenir des noms aussi étranges. Il coule sur sa langue, disparaît sans grand intérêt. Alors qu’il relâche la corde qui maintient les poignets de l’inconnue, il fait un pas en arrière en montrant l’extrait de plantes rafraichissantes et énergisantes. 《 Tu préfères peut être une réponse pour une gorgée ? J’ai vraiment du temps à tuer aujourd’hui… 》 Il ment, et son ironie le fait lever les yeux au ciel. Le plus simple serait d’expliquer son propre parcours. La courbe du temps se relirait sans doute à celle de cette fille à la bouche sèche.

    《 Toute cette lumière m’agresse les yeux. Tu es tout sauf humaine. 》 De cela, il en est sûr. Dimitri n’a jamais été confronté à cette répulsion instinctive d’un être incandescent. 《 Pas vrai ? 》


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  • Sam 30 Mar 2024 - 0:56
    Plus il la fuit du regard, plus elle le cherche. Parce qu'avec ses airs de "ne-pas-y-toucher", son détachement, il lui donne tout spécialement envie de venir le bousculer. Parce que derrière sa nonchalance, il y a autre chose, et Siame le sait. Elle en ignore encore la raison mais il est impossible de ne pas remarquer les multiples contradictions du garçon : il ignorait les insultes qui sortaient de ses lèvres, mais la lumière de sa peau l’agressait comme un soleil de midi. À chaque pas en avant qu'il faisait, il se reprenait avec deux en arrière. Il mettait court à ses propres divagations, s'assurant de lui faire savoir qu'il faisait peu de son cas, mais enchaîne avec trois autres questions : et où ? et pourquoi ? et comment ?

    Elle qui avait cru être sauvée, lorsqu'il avait détaché les chaînes à ses chevilles, voilà qu'elle venait d'alourdir sa peine. "Un peu d'eau, s'il vous plaît ?" Que n'avait-elle pas demandé ! C'était honteux. Elle, une étrangère qui osait solliciter un peu d'aide. Pire, un peu d'eau, ce qui, soit dit en passant, devait être la denrée la plus rare du désert, ce qu'elle pouvait volontiers comprendre. Cet abruti pouvait pleurer que Siame était absolument persuadée que même ses larmes furent acides.

    Et puis, pourquoi la regardait-il comme ça ? Elle ne tarda pas à le découvrir, quand il lui apprit qu'elle sentait la pisse d'Aazho malade.

    Quel sens affolant de l'odorat... Tu me pardonneras, mais je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'aller me frotter l'arrière des oreilles avant de me faire arrêter par la garde et enlever par sa seigneurie ici présente.

    Son front brillait encore de sueur. Ses cheveux et ses vêtements défaits sentaient le soleil, le sable et l'épreuve – dont elle subissait encore la marque sur son corps. Ses jambes sont lourdes, ses épaules la pèsent douloureusement. La gorge la brûle, toujours. Il a raison, elle rêve d'un bon bain. Et de retrouver ses ailes, accessoirement. Mais pour l'heure, un simple bain lui semble être un rêve plus accessible. Elle considère l'énergumène devant elle ; et reconsidère. Il prononça son nom, comme s'il s'agissait là du plus grand des mystères connus à ce jour, et Siame plissa les yeux. Elle sentait venir les emmerdes à pleins nez. Il ne pouvait définitivement pas la connaître, c'était tout bonnement impossible. L'Ange s'était fait pétrifier que son arrière-arrière-(...)-arrière grand-père n'était même pas encore dans les couilles de son père. Elle croit percevoir la tempête qui s'anime sous son crâne sans en comprendre réellement les tenants et aboutissants. Sur son visage, dans ses gestes, elle remarque la patine distincte de l'homme qui a appris à se maîtriser – chose rare chez eux, au demeurant. Il était la représentation parfaite de l'iceberg : un détachement à toute épreuve, et pourtant Siame en est persuadée, il y a bien quelque chose qui cloche sous la surface.

    Quand il remue la tête, l'Ange reste médusée. Elle l’observe avec incrédulité, en se demandant ce qu'il espère gagner. Il profite de sa faiblesse – momentanée et très désagréable à admettre – pour assouvir sa curiosité intrusive que l'Ange ne comprend pas. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire ? Elle n'était qu'une inconnue, qu'une de plus parmi la foule. Elle y consent pour l'instant, car – tout aussi désagréable à avouer –, elle n'a pas vraiment d'autre choix. Elle ne pouvait tout de même pas lui sauter à la gorge pour lui voler sa gourde. Pour peu qu'elle y parvienne (et c'était moins sûr), les gardes auraient alors une bonne raison de l'arrêter. Alors, elle lui répond au tac-au-tac, endurant son arrogance par la même occasion.

    De partout et ailleurs.

    Elle répète la même chose qu'elle a dite au garde, et quand elle le voit froncer les sourcils, secouer de nouveau le museau pour manifester son mécontentement, elle claque sa langue, agacée.

    Crois-le ou non, c'est la vérité. J'ai traversé le désert depuis Kyouji. Pourquoi ? Parce que c'était le chemin le plus court, j'imagine. Les villes que j'ai traversées ? Toutes ou presque.

    La quête de ses ailes ne connaissait aucune frontière. Elle claque à nouveau sa langue.

    Obligé de me tirer les vers du nez ? Il était sidérant. Tu n'es obligé de rien du tout, tu aurais pu simplement décliner ma demande en prenant des airs de troufion – comme tu l'as si bien fait, au demeurant – continuer ta route et oublier mon existence.

    Quant à la dernière question, Siame choisit de l'éluder plutôt que de s'en offenser. Cela aurait été s'insulter elle-même que de se donner la peine d'y répondre. Elle ferma les paupières, respira profondément pour reprendre un semblant de contenance. Ce gamin la faisait sortir de ses gonds. Il fallait qu'elle se reprenne pour rompre le charme. C'est à cet instant qu'il fait un pas en arrière, agite sa gourde sous son nez. Cette fois-ci, il n'y a plus de "s'il vous plaît" qui tienne. Des mots qui avaient été bien doux, comparé au regard qu'elle lui réservait désormais. L'Ange plisse les yeux, et sur ses lèvres se bousculent toutes les insultes du monde. Ses yeux coulent sur la corde qui gît mollement sur le sol. Elle pourrait faire volte-face, sans lui accorder un regard de plus, reprendre son chemin et oublier toute cette mascarade. Trouver de l'eau ailleurs, quelqu'un de plus aimable. Elle pourrait. Mais ses prochains mots l'arrêtent dans son élan. Un avertissement silencieux traverse son esprit. Ce jeune homme, bien qu'extraordinairement irritant, démontrait des capacités d'observation fascinantes. Elle supposa finalement que la meilleure chose à faire fut de s'amuser de son insolence.

    Tu ne peux pas vraiment me discriminer simplement parce que je ressemble à un cadavre anémié. Elle coule un regard sur son vis-à-vis, qui, lui aussi, est bien trop blanc pour être un homme du désert. Les rayons du soleil glissent sur lui, comme s'il y était imperméable. Et toi alors ? C'est quoi ton excuse ? Pour être aussi blanc-bec, dans tous les sens du terme.

    Elle déglutit. Par les Titans qu'est-ce qu'elle avait soif. Finalement, Siame lève les yeux au ciel en signe de capitulation.

    Vrai. Un silence s'installe, avant qu'elle ne fasse un pas dans sa direction. Maintenant... Elle tend les mains vers la gourde pour s'en saisir subitement. Donne-moi ça ou bien je...


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  • Lun 1 Avr 2024 - 22:08
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    @Siame


    Le dialogue évoluait, elle usait de sarcasme concernant cette odeur nauséabonde qu’elle trainait. Elle venait d’être pêchée dans le désert, le bain n’était pas une priorité pour les prisonniers de la garde. Son regard s’intensifia lorsqu’elle utilisa le terme seigneurerie pour explorer d’autres versants de son humour. Charmant. Il était à deux doigts de l’attirer dans la rue et d’appeler la garde en exprimant qu’il avait trouvé une fugitive. Personne n’y verrait que du feu puisqu’il était aussi discret que l’ombre mouvante sur les murs. Mais ce serait con et contre productif. Il avait besoin de faire taire les voix qui tentaient de percer son crâne. 《 Dis-moi ce que tu préfères entre eux ou moi, dame décatie. Une captivité totale ou une liberté partielle. 》 Il avait décelé chez elle une attitude proche des nobles qu’il avait côtoyer. Sa manière de se tenir et de le regarder n'avait rien de celui d'une souillon. Il laissa les mots rouler lentement mais surement sur sa langue, sans vraiment plonger ce regard satisfait dans celui de la femme. Je n’ai pas l’intention de te traîner derrière moi comme un trophée fraichement capturée dans le désert au moins. Il le pense mais ne le dit pas. Avec cette intensité lumineuse, il était incapable de prendre notes de chaque détails de son visage pour raviver la mémoire. Dimitri ne reconnaissait rien en elle. Sa mémoire n’était pas aussi défaillante. Il oubliait les visages sans raison et sans lien avec son intérêt ou non pour la personne. Les années pouvaient effacer des pans de son histoire comme s’il n’avait jamais exister. Il voulait vivre au jour le jour, conclure de nouveaux contrats, gagner de l'argent et mourir honorablement. Malgré les doutes qui l’assaillaient dernièrement. Faire vibrer la mémoire pour fouiller aussi amèrement dans son passé n’était pas une habitude. Pourtant, en cet instant si singulier, il voulait savoir.

    Les voix s’élevaient dans sa cervelle, emplissant l’espace à lui en donner la nausée. Il eut un bref haut le coeur.
    Ce genre de ressenti n’était pas rien. Prendre à la légère un tel moment et agir comme il le faisait toujours, ce serait accentuer la plaie béante qu’elle avait inconsciemment ouverte. Partout et ailleurs. Précis comme indication. Il ne pourrait rien tirer de cette situation. Il allait poursuivre son chemin sans savoir et passer des nuits blanches à se rappeler des traitements subi qu’il avait tant bien que mal enfouie. Sa mémoire olfactive était la plus revêche. Elle reviendrait sans cesse le marteler jusqu’à que la réponse soit déterrée. La bouche à moitié ouverte, les sourcils froncés, il eut l’air d’un ahuri pendant une fraction de seconde. Tout dans son expression, d’habitude froide et détachée, était en train de dire, est ce que tu te fous de ma gueule ?
    Ce phénomène sortait d’où ? À moins qu’elle n’ait voyagée partout dans le monde et qu’elle ait une belle paire d’année pour l’avoir fait, il était impossible qu’elle ait foulé chaque grain de sable et motte de terre de Sekai. 《 Est-ce vraiment, seulement, possible, d’avoir autant voyagé ? T’as quel âge vieille branche ? 》

    Un rire bref s’échappa de sa gorge lorsqu’elle l’insulte une fois encore. Elle peut continuer et se fatiguer. Pour autant, elle marquait un point sur ce choix qu’il avait fait de revenir sur ses pas. Il perdait un temps précieux à questionner une parfaite inconnue sur des choses qui lui paraissaient inutiles. Mais il gagnait en tranquillité pour les prochaines nuits. Il l'espérait.

    《 J’aurais aimé passer mon chemin, effectivement. Traiter avec les calamités misérables et affamées ne sont pas quelque chose que je fais habituellement. Personne ne m'a jamais donné quand j'en avais besoin, donc je ne donne pas.
    La difficulté réside dans le fait que ton odeur est d'une grande importance pour moi. À mon plus grand malheur. Mon sommeil sera perturbé par cela. Plutôt que de me lever en pleine nuit avec une multitude de questions, de te pister pour comprendre, je préfère y remédier immédiatement. Disons que ma mémoire olfactive est plus puissante que ma mémoire à long terme, pour des raisons qui me regardent. 》


    La discrimination n’était pas dû à ce qu’elle pensait, mais il lui laisserait lui croire que sa peau crayonneuse était un problème. Cette faiblesse de ne pas pouvoir regarder certains individus dans les yeux était nouveau pour lui. La lumière irradiait d'elle si fort qu'il avait bien du mal à s'y habituer. Il se sentait épuisé à ce propos, mais sa peau n’était pas encore marquée par la fatigue. La colère de la blonde était palpable, il sentait ce regard électrique sur sa personne. Encore un peu et elle s’enflammerait. Serait-elle capable de monter d’un cran niveau agressivité ? Cela l’amuserait assez. 《 Je dors le jour, et je travaille la nuit. Difficile de bronzer. 》 Quelle énorme mensonge. Peu importe s’il brûlait en plein soleil, que ce dernier lui fasse des plaques rouges ou que sa peau brûle dans les flammes, elle finissait pas se reconstruire. Un bronzage reikois ne tenait pas sur lui. Il redevenait telle que sa sainte mère l’avait conçu. 《 J’ai peut-être une idée p… 》 À cet instant, le corps filiforme se jeta comme une vorace sur sa personne. Il eut un mouvement de recule fluide, mais en voulant l’éviter, la main blanche et pâle de la demoiselle rencontra la gourde. Celle-ci vola sur quelques mètres, se retourna et déversa une partie de son contenue sur le sol sablonneux. L’humidité disparut aussitôt, aspirer par l’aridité de l’air.
    Il se jeta en avant, ses muscles réagissant avec une précision foudroyante. Son bras s'étendit dans un mouvement fluide et gracieux, capturant la gourde en plein vol avec une agilité remarquable. Encore un peu et il en perdait tout le contenu.

    Sa voix avait des notes agacées et méprisantes, mais il se contrôlait toujours. Il avait une envie certaine de la secouer, mais il craignait qu'elle ne s'effondre s'il y mettait vraiment du coeur et de la rage. 《 T'as une idée de combien de temps j'ai mis à préparer ce mélange ? Espèce de folle impatiente. Pour la prime, t'auras rien du tout, tu vas attendre sagement que... 》 Une fois encore, coupé dans son élan, une voix enfantine s'éleva dans leur dos. Un gamin avec son père les regardait avec des yeux ronds. Visiblement, les deux n'avaient pas l'air de vouloir passer leur chemin.
    - Dit Papa, la dame elle ressemble à c'qu'a dit l'garde là nan ? Ça sentait particulièrement mauvais, il ne pouvait pas être associé à elle. Il avait un poste au RSAF, il avait un statut plus ou moins important, alors qu'elle n'était sûrement rien dans le meilleur des cas, ou une criminelle dans le pire des cas. Son corps avait envi de la laisser ça, avec cette emmerde, alors que le père se m'était à gueuler d'une voix puissante un - ELLE EST LÀ ! Il attrape cette fois le poignet de Siame et l'attire dans son sillage, il devait au plus vite gagner d'autres rues. Le monde du marché allait les aider à étouffer leur présence, mais la garde avait de très bon pisteur. Les liens qu'il avait laissé au sol était un très bon moyen de retrouver l'odeur de cette fille. D'ailleurs, il sort son couteau de chasse pour retirer ses liens à ses poignets et les dissimulent dans sa sacoche. 《 Si tu émets la moindre résistance je te balance. Fais ce que je te dis. 》 Dans une autre ruelle, il s'arrête soudainement et fouille sa sacoche à la taille. Elle est toute petite mais il en tire ce qui ressemble le plus à une couverture chargée d'une odeur animale forte. En y regardant de plus près, il s'agit d'une fourrure particulièrement odorante. Il la tend à la fille, et souffle :

    《 Entoure toi de ça, ça va masquer ton odeur. 》 Il en savait quelque chose, puisqu'il l'utilisait pendant ses chasses... Il fallait maintenant qu'il l'amène à l'auberge, endroit où il pourrait la cacher le temps de retrouver d'où elle venait...


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  • Jeu 4 Avr 2024 - 12:59
    Elle serra des dents. Ce petit con avait raison et c'était une véritable plaie à admettre. Autant, il lui faudrait se contenter de son absence de réponse. Après tout, “qui ne dit mot consent”..? Oui, elle préférait largement cette semi-liberté, car quelque chose lui disait qu'elle avait bien plus à gagner en sa compagnie qu'en restant à pourrir au soleil, tandis que la garde continuait de l'oublier. Si Siame n'a aucune idée des pensées qui traversent le garçon – celui-là avait un véritable don pour rester parfaitement de marbre – il se trompait sur une chose. Sa pâleur n'avait rien de noble, ou du moins, noble : l'Ange ne l'avait jamais été autrement que dans sa providence, ses traits et son inéluctable volonté. Jamais en titre. Non, bien qu'elle les avait autrefois côtoyées, elle n'avait jamais fait partie des aristocrates. Pas plus que lui.

    Elle grimaça à la question. Vieille branche ? Qu'il aille se faire foutre, ce sale mioche. Elle n'en était pas à invoquer le fameux "respect des anciens", mais presque.

    C'est possible quand on a des ailes, murmura-t-elle, très bas, une pointe d'amertume dans la voix.

    Après tout, la garde à ses trousses et cette tête d'huître dans les pattes, elle n'était plus à ça près—et les Anges n'étaient définitivement pas les seules créatures du Sekai à porter des ailes. De toute manière, elle est convaincue qu'il la prend pour une folle alliée. Et si ce n'est pas le cas, elle pourra toujours prétendre que sa déplorable aventure dans le désert l'avait sonné. C'était bien l'un des effets secondaires de l'insolation, de perdre la tête, non ? Son rire, bien que sec, provoque en elle l’irrépressible envie de le secouer davantage. C’est qu’il démontrait une fatuité incroyable pour un homme qui n’avait même pas la décence de faire plus de quatre centimètres qu’elle—et qui, en plus de ça, tirait une vanité certaine à la regarder de haut.

    Plutôt que de continuer à poser ses questions et visiblement dans la nécessité de se justifier, il entama un laïus qui apprit plusieurs choses à Siame. Tout d'abord, que c'était un véritable casse-cul. Quoi que non, ça, elle le savait déjà. Ensuite, qu'elle avait vu juste, la première fois : lui comme bien d'autres sur ces malheureuses terres avait dû apprendre à se débrouiller par lui-même, et que c'était ici certainement la raison de son foutu caractère (finalement, on en revenait toujours au même). Lui aussi avait donc, à sa façon, connu, subi – et peut-être même en avait-il été l’investigateur, en son propre temps – les violences du monde. Comme si c’était là, la seule méthode décente pour forger une âme. C’était toute l’ironie de ces mêmes horreurs : les gens brisés n’étaient jamais faibles.
    Pour finir, il lui apprit que son odeur allait l’empêcher de dormir. Quand même, c'était un peu excessif, non ? L’Ange ne le sait pas encore, mais un jour, elle le remerciera, lui et son pif d’or. Au fond d’elle, elle sent une minuscule étincelle d’espoir s’allumer.

    Il termine avec “pour des raisons qui me regardent” histoire de lui faire comprendre qu’il était inutile d’insister.

    Sachant que c'est pour ces mêmes raisons que tu me malmènes présentement, je crois être dans mon bon droit d’en demander davantage.

    L’avait-elle déjà rencontré ? Était-il plus âgé qu’il en avait l’air ? Ou bien avait-il… Elle éteint cette fichue étincelle d’espoir aussitôt. Les espérances, à petite dose, permettaient d’aller de l’avant. Elles pouvaient être fertiles, tout comme le plus dangereux des abîmes. Siame ravala ses questions, du moins par pour l’heure. Pas quand il continuait de la narguer comme l’âne assoiffé qu’elle était à cet instant. La suite de l’histoire, le mélange renversé sur le sable, évaporé quasi-immédiatement sous la chaleur du soleil rekois, tout ça, c’était entièrement de sa faute. Ils s’opposent un instant comme chien et chat. Voilà à quoi elle en était réduite : faire la guéguerre avec un gosse de quartier ! Elle s'apprêtait à rétorquer lorsqu’une voix aiguë et piquante, qui s’étire jusqu’à l’insupportable – celle d’un enfant mortel – vint lui caresser douloureusement l’oreille. Il ne manquait plus que ça.

    Avait-il perçu l’éclat d’inquiétude qui venait de passer dans ses yeux ? Siame n’en avait pas la moindre idée, mais elle remercia les Titans lorsqu’il lui attrapa le poignet. Certes, il la menaçait, mais au moins, elle n’avait pas à le supplier de ne pas la laisser là. Si son premier crime avait été d’être une simple étrangère peu prudente face aux dangers du désert, elle était désormais – merci au manche à couilles devant elle – une fugitive.

    Il défait ses poignets (enfin !) et Siame siffle entre ses dents un petit “bien, bien” impatient, l’invitant à se dépêcher. Il la menace – comme si ne pas le faire lui aurait arraché la gueule – mais lui fait tout de même l’immense honneur de passer l’éponge sur sa petite incartade. Elle ne pouvait définitivement pas se permettre d’avoir des problèmes avec les autorités. Les liens tombent et elle accepte sans rechigner la carcasse à l’odeur écœurante qu’il lui propose. Siame n'était peut-être pas chasseresse, mais elle pouvait tout de même flairer le danger quand il pointait le bout de son nez. Elle avait fait la guerre, et si elle savait apprécier l’ordre et la propreté, elle n’était pas du genre à se parer de manières de princesse.

    Sans s’arrêter, elle talonne le garçon, se calque sur son rythme : ralentis quand il le fait, se hâte lorsque la pression de sa main sur son poignet se raffermit. Il fallait lui accorder au moins ça : il y avait quelque chose de véritablement étonnant à le voir prendre les choses en main. Finalement, il n’était peut-être pas qu’un insupportable blanc-bec qui justifiait ses rudesses par “comme tout le monde est méchant, pourquoi je serais gentil”, ou encore “je ne suis pas payé pour être gentil” – ce qui, au demeurant, était une observation parfaitement idiote, car si on était payé pour être con, il y aurait beaucoup moins de pauvres dans ce monde. Siame baisse la tête, cache son visage et ignore tout ceux qu’ils croisent. Quand ils atteignent finalement une auberge. Elle s’apprête à lui signifier qu’il s’agit d’une drôle de façon de l’inviter à dîner, mais il ne lui en laisse pas l’opportunité. Il la tire à nouveau par la main, adresse un bref signe de tête à l’aubergiste et s'engouffre avec elle dans les escaliers, jusqu’à l’étage. Le bois grince sous ses pieds à elle, mais pas sous les siens à lui, et elle se trouve presque à jalouser l’aisance avec laquelle il opère dans son environnement. C’était aux gens comme lui que le monde appartenait, pas aux Rois, pas aux aristo’, mais à ceux qui avaient appris à vivre en harmonie avec les éléments.

    Tu peux me lâcher maintenant, siffle-t-elle, un peu agacée d’être ainsi baladée, je n’ai aucunement l’intention d’aller me jeter dans les bras de la maréchaussée, crois-moi.

    Elle laisse retomber la fourrure sur ses épaules, et les battements de son cœur s'atténuent au fur et à mesure où Siame retrouve son sang-froid.

    C’est ici que tu crèches ?

    Il ne répond pas et elle le regarde se diriger vers l’une des portes, sortir une petite clé de l’une de ses poches, sans être nullement gêné par la pénombre environnante.


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  • Jeu 18 Avr 2024 - 23:11
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    @Siame


    Il sentait l’amertume dans sa voix veloutée. Elle murmurait des paroles incompréhensibles à propos d’ailes. Le chasseur aurait pu tendre l’oreille, mais il n'avait pas pris cette peine, jugeant l’information sans importance en vue de la situation. Il n’en décela qu’un mot. L’étrangère se prenait pour un oiseau et sa folie en devenait plus qu’inquiétante. Était-ce une bonne idée de la tirer dans son sillage ? Elle pourrait être bien plus vile qu’elle n’y paraissait.
    Son instinct lui soufflait qu’il ne devrait pas la côtoyer, mais il était trop tard. Son esprit était scellé à cette singulière personnalité, et il avait besoin de temps pour démêler les nœuds dans son cerveau. Son intérêt et son besoin de connaissances l’obligeaient à rester sur cette voie, quitte à libérer les démons intérieurs qui y grouillaient depuis tant d’années. Ce choix stupide pouvait aggraver son cas. L’Oreille surveillait ses agissements et ses espions étaient particulièrement vicieux depuis quelques mois.

    Non, il ne trouvait pas son désir d'en savoir plus légitime. L'étrangère supposait qu'il finirait par partager une part de ses secrets parce qu’il la malmenait un peu. L'ombre levait les yeux vers le ciel, comme s'il allait lui offrir une réponse toute faite. Il savait que ses choix manquaient de logique par instant. Il avait agi par instinct, se laissant guider par ses craintes sans réfléchir. Son visage lui, restait parfaitement calme.  
    Ses yeux s’arrondissaient à peine. Il avait envie de rire aux éclats mais il resta figé. Dans son bon droit ? Quelle phrase plaisante. Elle se situait où exactement sur l’échelle sociale exactement ? Décidément, il craignait qu’il ne soit tombé sur l’une de ses bourgeoises éreintées par un mariage arrangé, qui aurait surestimé ses capacités à fuir sa condition. Elle avait pris la fuite dans le désert et s’était retrouvée prise en tenaille par les éléments. Elle avait eu de la chance de survivre. Pour autant, si elle était une jeune mariée esseulée et agaçante, elle ne venait pas du Reike. Sa peau n’était pas marquée par un tatouage, il ne sentait pas cette trace magique singulière. Aussi, elle ne portait pas de vêtements propres à la République. Cette créature poussiéreuse venait de nulle part, perdue dans un monde qu’elle devait apprendre à connaître. La pauvre. 《 Je te malmène ? Ce ne sont que des mots. S’ils t’atteignent c’est que tu es faible. 》 S’amusa-t-il à dire. Il tenta de la dévisager, mais le voile lumineux restait insoutenable et le forçait à balayer du regard l’étrangère. La douleur psychique était effroyable comparée à quelque propos. Ceux qui se sentaient brisés par quelques paroles s’impliquaient profondément dans leur relation sociale. Chose qu’il cherchait à éviter. Pour autant, il se savait capable de s’attacher avec le temps.


    Le cri perçant enfantin avait interrompu cette conversation stérile. Il ne mit que quelques secondes avant de jeter la fourrure sur ses épaules. Une odeur suave le suivait. Son parfum se trouva modifié. Le leurre serait amplement suffisant pour semer les poursuivants. Les pensées de l’ombre défilaient dans son esprit alors qu’il fit le choix de la couvrir et de l’amener jusqu’à son lieu de vie. L’auberge se dessina devant eux au bout de quelques heures, la fille ne se fit pas prier pour le suivre. Sa menace bien qu’inutile permettait au moins d’empêcher l’intruse de s’enfuir en chemin. À son passage, quelques curieux les observaient mais la créature frêle était parfaitement dissimulée sous son capuchon. Comment l’essence même de cette fille faisait pour marquer les esprits dans un tel accoutrement ? Sa lumière intense était-elle perçue par les autres ? L’aura qu’elle dégageait les fascinait ? Lui la trouvait insupportable. Quelle plaie. Sans oublier qu'une ombre comme lui trainant un rai de lumière ne pouvait qu’être visible.
    Le silence envahit l’espace qu’ils occupaient. Dimitri ne se risquait même pas à ouvrir la bouche jusqu’à sa pièce de vie.

    L’endroit était petit et vétuste. Les murs ternis par le temps étaient marqués de tâches de suies dont l’origine était indéfinissable. La clé tourna dans la serrure, il tira sur les rideaux de lin dont la couleur rouge était devenue terne à cause du soleil. Dans chaque coin se trouvait le nécessaire. Aucun élément occupait le centre. Un lit au bois fatigué était orné de drapés propres et de quelques affaires de toilettes. Une commode avait été calée dans un autre coin de la pièce où était posée une lampe à huile qu’il n’allumait jamais. Les tiroirs dégueulaient d’affaires en tout genre. Dans un troisième, il y déposait ses possessions qui formaient une petite montagne de bric à brac. Dans le dernier coin, on y trouvait un baquet d’eau qui arrivait à hauteur de taille. L’aspect vétuste et délavé de la pièce n’enlevait rien à son confort et à sa tranquillité. 《 Tu n’as aucune possession ? Tu es partie dans le désert sans aucun équipement décent ? À moins que tu n’aies tout perdu en chemin… ? De mieux en mieux. Si jamais tu as quelque chose, tu peux toujours les déposer sur la commode ou par terre. 》 Il ne se sentait pas confortable avec l’idée d’avoir attiré cette femme ici pour la sécuriser. Pour autant, il n’était pas prêt à débourser le moindre centimes pour une autre chambre. Ce serait idiot de tenter de la cacher en lui prenant une chambre individuelle. La dissimuler dans ses ombres restait la meilleure solution après ce qui venait de se produire.

    La flasque reposait en évidence sur le lit avec le reste de ses affaires. Le cliquetis lourd des armes se fit entendre. Il observa l’étrangère d’un regard critique puis glissa un regard dans la rue en contre bas. L’odeur marqué de la fourrure avait définitivement étouffé cette odeur si singulière. 《 Tu peux faire ta toilette. Tu as tout le nécessaire. 》

    Après quelques secondes d’observation silencieuse, le brun ouvrit la fenêtre sans un mot. Les rues était animées, mais l’ombra savait qu'il allait passer inaperçue s’il se faufilait correctement. Après quelques secondes d’analyses, il glissa son corps sur le rebord et il se hissa sur le toit sans aucun son. La fenêtre resta entrouverte, mais le voile des rideaux occultait l’intérieur. Sans donner aucune explication, il avait disparu. Il n’avait de compte à rendre à personne. À moins que cela ne soit l’intimité de l’autre qui devait être respecté...
    Dimitri fila dans les rues de la ville, analysant brièvement le comportement de la garde et les mouvements des groupes. Ils cherchaient sans vraiment chercher. Ils étaient impatient, agacé, et amusé, ils n'avaient pas l'air de prendre cette disparition très au sérieux. Pour autant, il les voyait évoluer dans chaque recoin de la ville, inspectant les visages encapuchonnés avec suspicion.

    Le chasseur récupéra du matériel et des vivres à certains établis, saluant les marchands qu’il connaissait. Après quelques banales échanges, l’esprit ancré dans le présent, il reprit le chemin vers la taverne, veillant à ne remonter sur le toit et à passer par la fenêtre que lorsqu’aucun regard n’était dirigé dans sa direction. Son entrée elle, fut un peu plus brutale. Il fit passer d’abord ses victuailles et le fer par l’entrée, les laissant tomber lourdement sur le bois du sol. Déjà qu’il devait éviter de passer par la taverne pour ne pas éveiller les soupçons… il n’allait pas non plus s’annoncer dans son propre lieu de vie.



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  • Ven 26 Avr 2024 - 20:03
    À vrai dire, aucun de ses mots ne l’avait réellement atteint. Aucun, sauf ceux qu’il venait de prononcer à cet instant. “Je te malmène ? Ce ne sont que des mots. S’ils t’atteignent c’est que tu es faible.” Contrairement à ce qu’il avait pu observer d’elle, la “jeune femme” resta silencieuse, un instant. Quelque chose en elle venait de se refermer. Le garçon s’en était amusé, et il n’y avait eu aucun véritable venin dans ses mots, et pourtant, il avait réussi là où beaucoup d’autres s’étaient allégrement cassé les dents : à la faire taire. Elle n’aimait pas ça. 10 000 ans d’existence et toutes les horreurs que cela impliquait, et voilà que ce gamin sortit de nulle part lui lançait à la gueule qu’elle était faible. L’était-elle ? L’était-elle devenue ? Elle ne l’avait pas toujours été. Ses yeux clignotent et l’ombre disparaît. Elle finit par lui adresser un sourire adouci, vaguement amusé.

    Du reste, elle l’avait suivi. Tout ça avait déjà été écrit. Lorsqu’elle fit un premier pas dans la petite chambre d’auberge, Siame laissa son regard courir sur l’endroit qui se dessinait à elle. Le lieu est un peu encombré, sombre – comme lui – et même les meubles lui semblent plus bronzés que sa peau. Elle perçoit une gêne chez lui, lorsqu’il lui parle ; suppose qu’il n’a pas l’habitude de laisser des gens venir dans son “chez lui”. Tout à coup, le monde lui semble très calme. Elle ne répond à ses questions qu’en secouant la tête, n’a rien de plus à dire. L’Ange n’a besoin de rien (mis à part ses ailes). La possession et le matérialisme sont des concepts humains, et après avoir passée 5 000 ans privée de la vie, la vraie, Siame redécouvre son enveloppe et le monde qui l’entoure. De noblesse, elle n’a que les traits, du reste, elle est entièrement désargentée. Il fallait, de la même manière, s’imaginer qu’elle pourrait ne rien boire, ni ne rien manger pendant une semaine qu’elle survivrait. D’ailleurs son corps entier cri famine—ses épaules trop fines, ses joues creuses sont la preuve qu’elle ne mange pas à sa faim. L’Ange perçoit le jugement chez le garçon, quand il la regarde – il semble un peu médusé devant ce qui lui apparaît être de la bêtise. Comment l’en blâmer ? Mais par chance, Siame avait appris à taire ses secrets, quand bien même on la dévisageait comme la dernière des idiotes. Autrement dit, il pouvait bien se foutre ses jugements et ses regards critiques au cul, ce goujat.

    C’est ce qu’elle lui aurait sûrement dit, s’il n’était pas en train de l’aider.

    Merci.

    Elle le remercia une seconde fois d’un regard quand il ouvre la fenêtre, et s’éclipse comme une ombre. Goujat, pas tant que ça, finalement. Il est discret en le faisant, ne fait pas le moindre commentaire. En vérité, Siame n’avait jamais éprouvé la moindre pudeur pour sa nudité : son corps n’était ni plus ni rien que la création de sa maîtresse—c’était son âme, qu’elle protégeait hargneusement. Son âme, et sa vie : et pour ça, il s’agissait de cacher les preuves de son identité. Elle attend quelques secondes supplémentaires après qu’il soit parti pour se défaire de sa robe sans forme, usée et déchirée par la tempête. Sa peau nue accroche les minces faisceaux de lumières qui percent à travers les rideaux et la brise chaude du Reike lui est plus agréable une fois propre. Elle en profite pour laisser son regard divaguer : le lit, fait au carré s’opposant aux tiroirs dégueulants ; la pénombre désirée—visiblement confortable pour lui… La flasque laissée en évidence. Les équipements ; la peau de bête qu’il avait déposé sur ses épaules. Un chasseur ? Un traqueur ?

    Siame avait toujours considéré qu’entrer dans la maison des Hommes, c'était s'immiscer dans leur intimité, plus qu’elle n’aurait jamais pu le faire qu’en pénétrant leur esprit. Le lieu lui semble comme lui : un espèce de compromis entre civilités puériles, prétendues et honnêtetés brutales, assumées. Qui était ce garçon ? Elle songe de nouveau à ses mots, à la manière dont tout son être entier semblait l’irriter. En général, sa lumière attirait, illuminé les fidèles d’émois – puisqu’Aurya l’avait voulu ainsi – mais pas lui. Il y était insensible. Non, pire, il semblait la mépriser : sa lumière comme son odeur—sur laquelle il n’avait cessé d’insister. Quelle insolence, songea-t-elle dans un sourire doucement moqueur. Elle aurait pu s’en vexer, si ce que les mortels pensaient d’elle l’avait seulement un jour préoccupée, mais la vérité, c’est que tout ça l’intriguait.

    Quand il revient, “s’annonce” par le sac de provisions et les fers qu’il balance par la fenêtre avant de se laisser glisser souplement à travers celle-ci – d’une désinvolture charmante, l’air de dire qu’il est tout de même ici chez lui – Siame est sortie du bain. La serviette utilisée est déposée contre le rebord de la bassine et à enfiler l’un de ses pantalons. Elle enfile rapidement – mais peut-être pas assez – la tunique empruntée, et le tissu s’affaisse comme un voile sur les deux cicatrices noires dans son dos.

    Je me suis permise, explique-t-elle sans affectation, en braillant la tunique dans le pantalon qu’elle lui à voler. Ont-ils finalement abandonné ? Elle parle des gardes, puis se retourne vers lui, une fois proprement vêtue.

    Ses yeux se posent sur son visage pâle, et Siame l’observe en silence, tandis qu’il récupère ses affaires au sol. Il lui apparaît un peu plus apaisé, ou peut-être c’est car elle, l’est. Dans un mouvement, elle rassemble ses cheveux encore mouillés.

    J’ai un tas de questions.

    Elle ne le quitte plus des yeux, ouvre la bouche pour les poser, et la referme. Son visage se fend d’un léger sourire tandis qu’elle résume le tout en une seule et unique question, histoire de tirer au clair ses véritables intentions :

    C’était quoi ce putain de bordel ?

    Maintenant, ils allaient pouvoir parler tranquillement.

    J’ai tendance à me faire facilement des ennemis, mais en général, ça me demande un peu plus qu’une simple demande adressée à un inconnu. Est-ce que tu risques quelque chose si on apprend que tu as “aidé” une étrangère ?

    On pourrait croire qu’elle s’inquiète pour lui—mais en réalité, c’est bien pour elle qu’elle pose la question. Lui-même ne la pas “sauvée” par charité. L’Ange se rapproche de la fenêtre pour jeter un coup d'œil à la rue, en contrebas. Pour l’heure, tout semble calme… Elle regarda le garçon de haut en bas, croise les bras sur la poitrine.

    Siame, mais je me répète. C'était l'âge, il fallait lui pardonner. Enchantée, pas vraiment, puisque j’ai tout de même un peu la sensation d’avoir été enlevée, mais tant que tu ne te décides pas à me séquestrer, on devrait finir par pouvoir s’entendre. Elle fit une pause, l'air de dire "tu n'y songes pas, pas vrai ?" Et toi ? Comment suis-je censé appeler mon ravisseur ? C’est pour prévenir les gardes, quand ils finiront par me retrouver ; tu n’imaginais quand même pas que j’allais prendre pour toi…

    En réalité, il s’agit plus d’une taquinerie qu’une réelle menace. Elle n’a pas encore tout à fait retrouver sa divine noblesse, mais on s’en rapproche déjà un peu mieux, maintenant qu'elle est propre et qu'elle sent "bon".


    CENDRES


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